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La vérité, c'est que le gouvernement n'aime pas le modèle des CPE, et cherche à pousser la clientèle vers les garderies commerciales, dont les standards sont plus bas.
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Quand j'étais petit, j'avais une gardienne. Pas une éducatrice. Pas une éducatrice spécialisée. Simplement une gardienne, point barre. Une voisine, qui s'occupait de moi pour rendre service et qui, une fois déduit le coût de mes repas, ne devait pas faire un sou, alors qu'elle était totalement essentielle à notre dynamique familiale.

Une femme qui m'a accueilli au berceau, m'a éduqué, et est devenue une deuxième mère pour moi. Une femme qui a eu une influence sur ma vie, sans le chercher, mais en étant simplement la merveilleuse personne qu'elle était.

À l'époque, il n'y avait aucune consonance négative au mot gardienne. La plupart des femmes qui en faisaient autant n'avaient jamais suivi de cours en la matière et se contentaient de faire au mieux, en aimant les gamins qui leur étaient confiés.

Aujourd'hui, pour insulter une éducatrice spécialisée, il n'y a pas de chemin plus rapide que de la traiter de gardienne. Pourtant, elles n'ont jamais mérité plus qu'en ces temps troublés ce qualificatif.

La différence, toutefois, est celle-ci : elles ne gardent plus vos enfants, elles les éduquent.

C'est le fort qu'elles gardent.

C'est le système tout entier qu'elles tiennent à bout de bras, en espérant que Philippe Couillard se fasse évincer, déboule un escalier, ou rende un service à la planète entière en allant se faire empapaouter chez les Grecs et en y demeurant, avant de détruire le peu qu'il n'a pas encore démoli.

Il y a une semaine ou deux, j'ai accompagné dans une friperie une éducatrice spécialisée qui, entre deux courses pour sa famille, s'est arrêtée pour acheter des sacs de jouets pour les gamins dont elle a la charge, sur ses propres deniers. Nous allions à l'école ensemble, jadis, et c'est, et de loin, l'élève la plus brillante que j'ai croisée durant mon cursus scolaire. J'étais loin d'être un cancre, mais elle nous laissait loin derrière, et le plus souvent découragé. Elle aurait pu devenir enseignante, chirurgienne ou mathématicienne, mais comme elle a encore plus de cœur que de tête, c'est à prendre soin de vos mômes qu'elle a dédié son génie.

De l'argent, comme nous tous, elle n'en a pas des masses. Pourtant, elle a acheté de nombreux jouets pour les petits, ce jour-là, sans parler de donner immanquablement ceux de ses propres enfants lorsqu'ils ont passé l'âge de telle ou telle bébelle.

Elle le fait parce qu'elle a du cœur, certes, mais également parce qu'il n'y a pas d'alternative, simplement. Parce que même si elle travaille dans un endroit qu'elle aime, bien tenu, et respectable, de l'argent pour tout ce qui n'est pas absolument essentiel, il n'y en a plus.

Parce que son CPE est bien géré, on a pu, pendant un moment, compenser une partie de ce que notre premier ministre coupait sans réfléchir avec des économies, mais des économies, il n'y en a plus non plus.

Il n'y a plus vraiment de pauses, dans ce CPE, parce qu'il n'y a plus personne pour assurer le remplacement. On ne peut plus guère se permettre de spécialistes non plus. C'est déjà du boulot de s'assurer que, du côté alimentaire, le niveau ne baisse pas, alors que la bouffe coûte toujours plus cher et que le budget, lui, a baissé. On ne peut pas renouveler le matériel sans argent, et alors que leurs groupes sont à pleine capacité, on évalue la possibilité d'augmenter le nombre d'enfants attribués à chaque éducatrice, alors qu'elles sont souvent sur les genoux. Éventuellement, il y aura plus d'enfants, et encore moins d'éducatrices.

La vérité, c'est que le gouvernement n'aime pas le modèle des CPE, et cherche à pousser la clientèle vers les garderies commerciales, dont les standards sont vachement plus bas, le plus souvent. Là-bas, des gardiennes gardiennes, vous allez en trouver. Garanti. 41 % des garderies dont les services sont jugés insatisfaisants sont des garderies commerciales. Chez les CPE ? 2 %...

Les gens de coeur comme mon amie, par contre, vont réfléchir à deux fois, en sortant des bancs d'école, à choisir un métier que le gouvernement lui-même vous empêche de faire à votre plein potentiel. Qu'on hypothèque le bien-être de vos enfants en coupant 120 millions dans les CPE, alors qu'on finance des compagnies comme Bombardier, soi-disant pour sauver des emplois (ce qui n'a pas empêché Bombardier de couper 7000 emplois un mois après l'annonce) est un non-sens.

Naturellement, il n'y a pas beaucoup de décisions, depuis que les libéraux ont pris le pouvoir, qui ne peuvent être classées dans cette catégorie...

En attendant le retour d'un vrai premier ministre, et d'un ministre de la Famille au quotient intellectuel plus élevé que la taille de son chapeau, vos éducatrices méritent donc votre appréciation et vos remerciements. S'il y a toujours un endroit où aller déposer vos petits trésors le matin, c'est grâce à elles. Si vous ne remarquez pas tant que ça le changement, c'est grâce à elles. Si vos gamins reviennent souriants de leur journée, tout le mérite leur en revient.

Le lendemain de notre virée pour les jouets, j'ai reçu un mot d'elle me disant à quel point un de ses bouts de choux était tombé en amour avec les Transformers achetés la veille. Ça m'a fait plaisir, et même si je sais que je n'aurai pas d'enfants, ça m'a rassuré également sur notre avenir. Tant qu'il y aura des éducatrices comme mon amie dans le système, il demeurera de l'espoir.

Il ne faut pas désespérer. Sans ces femmes, le fort se serait écroulé il y a déjà un moment, mais elles restent de garde...

Retrouvez plus de billets de Jean-Michel David sur son blogue personnel.

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