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Comédies made in France: plutôt Gallienne ou Tavernier?

Si je ne suis pas le public cible des comédies, les deux comédies hexagonales qui débarquent cette semaine sur nos écrans sont pourtant plutôt attirantes.
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Nous devons le reconnaître: les comédies ne sont pas ce que la France produit de plus intéressant en matière de cinéma. Certaines comédies à succès sont même bien souvent assez pitoyables. Les amateurs d'humour gaulois m'accuseront de mauvaise foi, mais je dois avouer que mon sens de l'humour me pousse plus à apprécier la scène du joueur de trompette de Vic & Flo ont vu un ours que les meilleurs (y en a-t-il?) moments de Bienvenue chez les Ch'tis. Si je ne suis pas le public cible des comédies made in France, les deux comédies hexagonales qui débarquent cette semaine sur nos écrans sont pourtant plutôt attirantes.

La première, l'adaptation de la BD Quai d'Orsay, est signée par un cinéaste chevronné: Bertrand Tavernier. Sa filmographie est certes qualitativement assez inégale, mais il possède un métier indéniable et nous a prouvé par le passé qu'il excelle dans le travail d'adaptation d'oeuvres littéraires. Il a d'ailleurs eu l'intelligence de prendre comme coscénaristes les auteurs de la BD, dont Antonin Baudry alias Abel Lanzac (ancien collaborateur de Dominique de Villepin au ministère des affaires étrangères français, situé Quai d'Orsay à Paris), qui connaît à la perfection les rouages du ministère et qui a pu prendre exemple sur un ministre hors normes pour inventer un personnage haut en couleur (lire à ce sujet l'entrevue que m'a accordée Bertrand Tavernier).

Face à Quai d'Orsay, nous retrouvons cette semaine une comédie dont le CV est impressionnant: Les garçons et Guillaume, à table! s'est fait fortement remarquer par la critique lors de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes (où il a d'ailleurs gagné deux prix), a remporté un succès public important en France (plus de deux millions de spectateurs à ce jour), et a empoché 5 Césars (dont meilleur film et meilleur acteur pour Guillaume Gallienne). Comme il est difficile de plaire à tout le monde, cette quasi-unanimité est plutôt bon signe. De plus, les comédies remportant rarement le César du meilleur film et la concurrence de cette année étant très forte avec notamment le Kechiche (il est vrai en désamour avec la profession depuis les polémiques qui ont entaché La vie d'Adèle) et le Fahradi (et son très bon Le Passé), nous avions de bonnes raisons d'en attendre beaucoup!

Malheureusement, quitte à passer pour un grincheux, je dois bien admettre que le résultat n'est pas à la hauteur. Certes, le sujet autobiographique est ambitieux pour une comédie (un garçon, qui grandit en se comportant comme une femme à force d'admirer et de copier sa mère, a des doutes quant à son orientation sexuelle), mais Gallienne n'est pas metteur en scène. Il compense son incompétence dans ce domaine (ses capacités d'acteur ne sont pas en cause) par une surenchère de gags parfois amusants, mais souvent lourdingues et pas toujours bien intégrés à la narration, ce qui finit davantage par nuire au rythme qu'à le servir. À l'arrivée, la surprise que nous réserve Les garçons et Guillaume, à table! provient surtout de l'accueil qui lui a été réservé jusque là.

À l'opposé, Quai d'Orsay est beaucoup plus intéressant. Comme le Guillaume de Gallienne, son personnage principal est hors norme, mais Tavernier (probablement conscient de l'improbabilité des personnages, du fort potentiel comique de ses dialogues et de ses idées de mise en scène) demande à ses acteurs d'opter pour une interprétation sérieuse. Comprenant qu'une couche supplémentaire serait de trop, il trouve le ton juste tout en suivant à sa façon les traces des comédies américaines d'antan et en respectant un des conseils d'Howard Hawks (une comédie ne peut être réussie que si on peut imaginer de la traiter sur un mode dramatique... vous pourrez lire à ce sujet l'entrevue que m'a accordée Tavernier dans le Séquences à paraître en mai prochain). De plus, Tavernier a l'intelligence de refuser la facilité. Alors que la satire du monde politique aurait pu être facile, il opte pour une approche bien moins évidente et finit par transformer son film en véritable éloge du collectif, pari assez risqué puisqu'aucun des éléments de l'équipe ministérielle ne semble capable de réaliser seul le dixième de ce que le groupe (mis en place par le ministre... pas si fou que ça) réussit à merveille (le génial discours final, qui n'est autre que le vrai discours prononcé à l'ONU le 14 février 2003 par Dominique de Villepin contre l'intervention américaine en Irak ).

Bien plus réussi, plus riche, et finalement même bien plus amusant que le Gallienne, le film de Bertrand Tavernier nous prouve que l'humour gagne à être traité avec un minimum de sérieux. De nombreuses comédies écrites avec les pieds, filmées en aveugle et interprétées comme des sketches télé l'oublient trop souvent!

Quai d'Orsay est là pour nous le rappeler! Nous l'en remercions!

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