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Beauport 2020: un port « durable », à quel prix?

Il est grand temps que nos gouvernements cessent la procrastination des 35 dernières années et réfléchissent à la croissance du transbordement maritime des matières en vrac loin du bassin historique et patrimonial densément peuplé de Québec.
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Ce billet est écrit en collaboration avec l'historien Michel Lessard.

Beauport 2020: Construire ensemble un port durable, voilà le titre d'une lettre publiée dans Le Soleil du 8 février 2017 et signée par une bonne partie de l'establishment économique de Québec. Devant le discours critique de spécialistes de notre milieu (biologistes, sociologues, géographes, historiens, architectes, urbanistes, professeurs, juristes, ingénieurs, éditorialistes, etc.) qui questionnent la pertinence de l'agrandissement du Port de Québec, son pdg Mario Girard a vraisemblablement sollicité cette intervention du milieu des affaires. Pour nous, cette opération essentiellement publicitaire témoigne de la faiblesse d'un projet dont l'impact négatif sur le littoral du centre-ville de Québec contraste avec le caractère aberrant de sa raison d'être invoquée par le Port: les infrastructures portuaires sont décaties; il existe un programme de subvention fédéral pour construire de nouvelles infrastructures, mais pas pour réparer les vieilles; remblayons alors 17,5 hectares du fleuve pour avoir de nouveaux quais et terrains qui (on se croise les doigts) généreront de nouveaux revenus pour réparer les vieux quais.

Quelles sont les véritables connaissances de ce dossier des signataires de la lettre d'opinion arrivés à la dernière minute? Quoi qu'ils en disent, le transbordement de matières solides et liquides en vrac au port n'est pas un pilier de l'économie locale: cette activité contribue de façon directe, indirecte et induite à hauteur de 0,6 % du PIB et de 5 emplois sur 1000 dans la RMR de Québec. Comprendre que la valeur ajoutée à l'économie locale par cette activité est faible est pourtant facile: des matières en vrac arrivent d'ailleurs, sont déchargées sur des quais, puis repartent ailleurs sans transformation aucune. Le maire Labeaume l'a déjà dit: «Les maires de ces grandes villes-là ont convaincu les industries d'aller s'établir ailleurs parce qu'un bord de l'eau libéré, ça décuple l'attraction d'une ville. [...] Je voudrais juste préciser que quand même, [...] on parle de deux entrepôts [les silos de granules de bois]. L'industrie de la granule de bois a un bel avenir, mais tout ce qu'on fait ici, c'est de l'entreposer, de la sortir puis de l'entrer.» (2013-11-18) À l'automne 2014, pendant une visite guidée organisée par le Port de Québec, on apprenait que le transbordement d'un chargement de granules de bois aux nouveaux silos de l'Anse-au-Foulon ne requérait que trois employés.

Si elle devait s'écrire, l'histoire de la dégradation du Cap de Québec et de la Cité de Champlain retiendra-t-elle les noms des gens d'affaires signataires de cette lettre? C'est tout un milieu de vie qui risque d'être affecté davantage qu'il ne l'est déjà par les activités portuaires de vrac. Comment peut-on sanctionner l'accroissement d'une activité industrielle dont une retombée actuelle pour la population avoisinante est de subir les poussières toxiques émises du port? Comment peut-on dire oui à la perspective de voir des parents reconduire leurs enfants aux écoles et aux garderies installées le long d'une voie ferrée transportant des matières toxiques et explosives? Et le Cégep de Limoilou tout près! Comment est-il possible d'approuver un développement qui ratatinerait le panorama extraordinaire de la plage publique de Beauport, avec comme paysage immédiat des silos de 12 étages de hauteur et des grues géantes à proximité de réservoirs pétroliers posant des risques d'accident grave? À quoi ressemblera une croisière dans le bassin de Québec dont la moitié du parcours se déroulera devant une cour de quincaillerie?

En 1859, le célèbre hydrographe et contre¬-amiral Henry W. Bayfield écrivait*: «Il est difficile d'imaginer une scène d'une beauté plus saisissante que celle offerte aux yeux du visiteur qui remonte le St-Laurent et pénètre dans le bassin de Québec, quand le navire découvre la chute Montmorency d'un côté et la cité de Québec de l'autre.» Signe de la résilience de cette beauté qui mérite protection, l'émerveillement au détour de l'île d'Orléans existe encore malgré un littoral enveloppé dans un bric-à-brac industriel polluant. Nous sommes au XXIe siècle. Il est grand temps que nos gouvernements cessent la procrastination des 35 dernières années et réfléchissent à la croissance du transbordement maritime des matières en vrac loin du bassin historique et patrimonial densément peuplé de Québec.

* «It is difficult to imagine anything more strikingly beautiful than the view which burst upon a stranger ascending the St. Lawrence and entering the Quebec basin, as the vessel opens out the falls of Montmorency on the one hand, and the city of Quebec on the other.»

Signataires:

Patrick Albert, Luc Archambault, Michel Beaulieu, André Bélisle, Jacinthe Bherer, Mireille Bonin, Sébastien Bouchard, Georges Cyr, Maria De Koninck, Nicole Doré, Louis Duchesne, Louis Duclos, Jean Gauthier, Daniel Guay, Norbert Lacroix, Véronique Lalande, Pierre Laporte, Jacques Larose, Marie Leclerc, Roger Lecourt, Yvon Lefebvre, Suzanne Lemire, Denis L'Homme, Marc-André Maranda, Jean Jacques McIsaac, Harvey Mead, Yvon Mercier, Nicole Moreau, Jean Morisset, Léonce Naud, Jean Piuze, Austin Reed, Jean Rousseau, Bernard Roy, Yvan-M. Roy, Pierre-Paul Sénéchal, Eric Waddell.

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