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Le leurre de Richard Dawkins

Le cerveau humain n'est pas en mesure de trouver la vérité. Selon l'évolutionnisme, il faut dire adieu à la vérité.
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Le cerveau humain n'est pas en mesure de trouver la vérité. Selon l'évolutionnisme, il faut dire adieu à la vérité.
The7Dew via Getty Images
Le cerveau humain n'est pas en mesure de trouver la vérité. Selon l'évolutionnisme, il faut dire adieu à la vérité.

Dans mon billet précédent, j'invitais le lecteur à préférer la recherche de la vérité à la liberté d'expression. Évidemment, cette proposition ne plaît guère. Qui, en effet, aujourd'hui peut prétendre que la vérité existe et la détenir ? Bon nombre se méfient de ceux qui prétendent disposer de la vérité. Un philosophe « postmoderne » comme Michel Foucault, identifiant vérité et pouvoir, a soutenu que la vérité est fonction du pouvoir. (Ce qui rappelle étonnamment un personnage de Platon, le sophiste Thrasymaque, soutenant que la justice et la vérité sont à l'avantage du plus fort. (voir La République, chapitre 1).

J'ai également écrit dans le même billet que j'admirais le souci que Richard Dawkins prodiguait envers la vérité, mais qu'il se trompait lourdement à son propos. Pour le célèbre biologiste et polémiste britannique, en effet, l'évolutionnisme de Darwin marquerait un tournant radical dans l'histoire de la vérité : enfin, la science (biologique) aurait mis enfin le doigt sur la Vérité. Cette (pseudo) vérité est aujourd'hui bien connue et veut que Dieu ne soit qu'une illusion qui s'explique clairement par la sélection naturelle de Darwin. Voilà la grande Vérité que proclame Dawkins depuis plus de 30 ans maintenant, en particulier, dans Pour en finir avec Dieu. Pour Dawkins, le titre du traité de saint Augustin, De la vraie religion (De vera religione) ne serait qu'un détestable oxymore, car « vérité » et « religion » s'excluent radicalement.

Pour ma part, je soutiens que Dawkins est simplement dans l'erreur. Pourquoi? Je m'explique succinctement.

Le magazine Québec-Science, d'avril 2008, titrait à la une : Pourquoi on croit. On y apprend, sous la plume de la journaliste Noémi Mercier, que « Le cerveau est une machine à générer des croyances. » (p. 22). Cette dernière fait appel aux lumières d'un psychologue, professeur à l'Université de Toronto, James Alcock, spécialiste de la psychologie de la croyance. Je cite un court passage de l'article en question :

Pour survivre dans un monde hostile, il faut savoir éviter les prédateurs, distinguer les baies comestibles des poisons, apprendre que le feu brûle et qu'un ciel assombri annonce un orage. Bref, une quantité d'informations vitales qu'on doit extraire à partir des milliards d'aléas de la vie. L'évolution a donc doté l'être humain de mécanismes d'apprentissage qui, quoique efficaces pour nous garder à l'abri du danger, le sont beaucoup moins pour départager le vrai du faux.

Conclusion : le cerveau humain n'est pas en mesure de trouver la vérité. Selon l'évolutionnisme, il faut dire adieu à la vérité. C'est d'ailleurs ce que soutenait, bien avant Darwin, le Philosophe des Lumières, Denis Diderot : « On doit exiger de moi que je cherche la vérité, mais non que je la trouve. » (Pensées philosophiques # 29).

Dawkins va plus loin que Diderot, car il prétend – plus précisément, la science biologique évolutionniste, du moins selon lui -, avoir découvert la Vérité. Or, Darwin lui-même a émis de sérieuses réserves sur la « vérité » de propre sa théorie. Darwin en effet écrit :

Avec moi le même horrible doute surgit toujours : les croyances de la pensée de l'homme, qui se sont développées à partir de la pensée des animaux inférieurs, ont-elles une valeur quelconque, ne méritent-elles aucune confiance ? Qui voudrait prêter confiance aux convictions de la pensée d'un singe, s'il y a des croyances quelconques dans une pensée de ce genre. (Lettre à William Graham, juillet 1881)

S'il est vrai que le cerveau humain n'engendre que des croyances, sans qu'il soit en mesure de départager les croyances véridiques de celles qui sont fausses, un doute sérieux plane alors sur toute vérité, dont celle de la théorie de l'évolution darwinienne. C'est ce qui chagrinait tant Darwin; pas le moins du monde Dawkins.

Il faut donc que notre bon professeur de biologie d'Oxford, dont la foi inébranlable est celle de l'évolution, malgré les doutes de Darwin émis à son égard, adopte d'un nouveau concept de vérité, celui de la vérité au sens où « est vrai » désormais est « ce qui est à notre avantage adaptatif pour la survie ». C'est ce qu'on appelle la conception pragmatique de la vérité défendue par le philosophe américain William James (1842-1910). Dawkins n'a pas le choix de souscrire à ce concept pragmatique de vérité.

Posons alors la question: ce concept pragmatique de vérité est-il vrai ou faux ? Apparemment oui, du moins du point de vue de l'adaptation et de la survie biologique. Or, c'est là présupposé ce qui est en jeu; c'est esquiver la question. Au fond, c'est l'utilité qui constitue le critérium de vérité. Or, nous savons tous que ce qui est utile n'est pas toujours vrai. Exemple banal : mentir nous est utile pour nous sortir d'un pétrin.

J'en arrive au nœud de mon argumentaire contre Dawkins. Puisque la conception pragmatique de la vérité qu'adopte implicitement Dawkins est probablement erronée, il s'ensuit que la théorie de l'évolution est aussi probablement erronée ou fausse.

Je me corrige : la théorie de l'évolution de Darwin n'est ni vraie ni fausse, elle n'est que, comme certains épistémologues l'ont dit, au mieux, qu'un « programme de recherche ». Mais Richard Dawkins va plus loin que bon nombre d'entre eux en prétendant que le darwinisme est vrai et qu'il implique une conception naturaliste du monde voulant que tout phénomène s'explique par des éléments naturels, voire matériels. D'où le lien indissociable entre naturalisme et matérialisme où, il va de soi, Dieu n'est plus qu'un leurre.

Si la vérité du naturalisme se base sur la théorie de l'évolution, alors le naturalisme (ainsi que le matérialisme) est probablement faux. Le naturalisme de Dawkins n'offre aucune garantie de vérité. Par conséquent, Dawkins est loin d'avoir prouvé que Dieu soit une illusion. Le leurre de Dawkins est, qu'au contraire, il y a plus de garanties à supposer que Dieu supervise le processus d'évolution biologique que de croire que l'évolution laissée à elle seule, sans Dieu, ait engendré la diversité et la complexité biologiques que nous constatons.

Avril 2018

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