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L'amour malade

Le meurtre sordide de la jeune Daphné Boudreault par son ex-copain, d'Anthony Pratte-Lops, a jeté la semaine dernière le Québec en émoi.
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Le meurtre sordide de la jeune Daphné Boudreault par son ex-copain, d'Anthony Pratte-Lops, a jeté la semaine dernière le Québec en émoi. L'histoire serait restée un fait divers classé, si la police avait fait correctement son travail. Les projecteurs se sont alors braqués sur le travail bâclé des policiers, et les médias se sont abreuvés de cette histoire fumante. Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) procède dans ce dossier à une enquête sur le travail du corps de police de la municipalité.

Pour ma part, ce qui me jette littéralement par terre dans cette sombre histoire de violence sans nom, c'est précisément le meurtre d'une «jeune fille douce» qui, pourtant, à plusieurs reprises, avait demandé d'être escortée par la police pour la protéger de son ex-conjoint furieusement violent. Le monsieur ne semblait pas vouloir accepter qu'il soit éconduit et préféré à un autre. Ce qui révèle, à mon sens, à un sérieux problème de toute-puissance.

Comment en arrive-t-on là? Comment expliquer ce genre de meurtre furieux et ignoble? Je songe à la non moins triste affaire de l'ex-médecin Guy Turcotte qui, pour se venger de l'infidélité de sa femme, Isabelle Gaston, en arriva à tuer ses deux enfants, Olivier et Anne-Sophie.

L'amour est malade. En fait, les blessures amoureuses ou affectives sont des blessures infinies qui exigent un remède elles aussi infini. Car, l'amour, est le fond de notre être. Nous voulons tous, et nous cherchons tous, à être aimé et aimer. Saint Paul avait raison: «J'aurais beau tout avoir, si je n'ai pas l'amour, je n'ai rien.» (1 Corinthiens 13) J'aurais beau être tout-puissant, comme le président des États-Unis, si je ne suis pas aimé et que je n'aime pas, je ne suis rien du tout. Je suis misérable.

Voilà, il est là le drame. Celui de se croire tout-puissant, mais à qui manque d'amour. Or, lorsqu'on manque d'amour, on est incapable de PARDONNER. Guy Turcotte, Anthony Pratte-Lops, ainsi que de nombreux autres avant eux, a manqué d'amour. Ils n'ont donc pu pardonner. Se croyant tout-puissants, ils décidèrent en désespoir de cause de détruire leur bien le plus précieux.

S'il y a un sens quelconque au mot «péché», je dirais que c'est celui de la toute-puissante. Nous désirons, coûte que coûte, nous passer de Dieu, cet être soi-disant imaginaire qui nous barre la route vers le ciel.

Dans la Volonté de Puissance, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche écrit: «Dès que l'on ne croit plus en Dieu ni à la destinée de l'homme dans l'au-delà, c'est l'homme qui devient responsable de tout ce qui vit, de tout ce qui, né dans la douleur, est voué à souffrir de la vie.» C'est là une ÉNORME responsabilité, qui n'effrayait pas Nietzsche, qui en appelait à un homme nouveau, supérieur, lesurhomme. Or, le surhomme nietzschéen est inhumain. Certes, comme disait Pascal, nous sommes faibles (des «roseaux pensants»), mais c'est aussi notre grandeur. Saint Paul, que Nietzsche détestait souverainement, disait de son côté «C'est dans ma faiblesse que je suis fort.» (2 Corinthiens 12 9)

Dans notre culture occidentale, les hommes, en particulier, sont confrontés au désir d'être tout-puissants.

Nous vivons dans un monde de rapports de force, de pouvoir. Dans notre culture occidentale, les hommes, en particulier, sont confrontés au désir d'être tout-puissants. Dieu n'est qu'un rival qu'il faut éliminer à tout prix, car il bloque l'accès à la toute-puissante.

L'inénarrable Richard Martineau dans sa récente chronique «Parlons d'amour, c'est urgent», évoque pour sa part l'idée saugrenue de cours de croissance personnelle. En bon athée, il remet entre les mains de cours de psychologie bronches à foin, la responsabilité immense que nos jeunes puissent s'éveiller à la relation amoureuse saine.

Le chroniqueur ne sait pas de quoi il parle. Comme si aimer et être aimé pouvait s'apprendre. Or, aimer, ce n'est jamais un problème, mais un mystère. Il existe des techniques financières pour savoir bien budgéter; mais rien d'équivalent concernant savoir bien aimer.

N'en déplaise à notre bon chroniqueur athée pur et dur, la religion chrétienne est seule en mesure de nous enseigner ce que c'est que l'amour, au sens d'agapè, amour au sens de don gratuit. Car «Dieu est amour [agapè]» (1 Jean 4 8). Si Dieu est mystérieux, c'est que l'amour l'est. Comme se le demandait saint Augustin dans ses Confessions (10 6) «Qu'est-ce donc que j'aime en t'aimant, Seigneur?» - La vie de sa vie, répondait le saint. C'est-à-dire: Dieu qui l'aime.; Dieu est au plus intime de sa vie, de son être qui est, de ce fait, aimé. Voilà la découverte bouleversante que fit un jour Augustin de Thagaste. Ce fut le grand jour de sa conversion. Il s'écria: «Tard je vous ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je vous ai aimée. C'est que vous étiez au-dedans de moi et, moi, j'étais en dehors de moi!» (Confessions 10 27)

L'apprentissage de l'amour est un apprentissage de soi, le savoir-être, l'être profond que nous sommes. Je ne sais si cet apprentissage de l'être peut se réaliser sur les bancs d'école. Car, au fond, il s'agit d'entrer dans le mystère et de l'habiter joyeusement. En tout cas, c'est le seul moyen approprié pour nous prémunir contre le mal en soi: la toute-puissance.

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