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Jack Nicholson et la MMA

Je repense au filmparce qu'il se colle bien au spectacle des accusations criminelles portées contre trois employés de la MMA à la suite des incidents de Lac-Mégantic.
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Je repense ces jours-ci à l'excellent et bien connu film A few good men paru en 1992.

Le film s'ouvre sur la base de Guantanamo Bay, à Cuba, alors que deux marines font subir à un troisième le genre de châtiment qu'on observe malheureusement encore à l'occasion au sein d'équipes sportives. On apprend par la suite que les agresseurs, Dawson et Downey, administraient en fait, sur les ordres de leur supérieur, un code red visant à discipliner leur confrère qui traine à l'occasion de la patte. Voilà toutefois que les choses tournent mal et que ce code red, une action discutable, mais qui ne visait quand même pas des conséquences aussi graves, amène sa victime, « Willy », à s'étouffer dans ses propres vomissures et à en mourir.

Dawson et Downey ayant évidemment obéi à un ordre qui n'était pas écrit, les autorités choisissent de les accuser de meurtre et assignent pour leur défense un jeune avocat, joué par Tom Cruise, ayant l'habitude de rapidement régler hors cour les dossiers dont il a la charge. Voilà toutefois que l'adjointe de ce dernier, jouée par Demi Moore, le pousse à aller plus loin. On remonte jusqu'au prétentieux colonel Jessup, joué par Jack Nicholson, qui était en charge de la base et aurait initié l'ordre fatidique.

Après multiples tergiversations et un interrogatoire ponctué de répliques épiques (« You want the truth? You can't handle the truth! »), le valeureux Tom Cruise fait avouer au vilain Jack Nicholson, devant la cour, qu'il a bel et bien donné l'ordre. Le colonel, déchu, va payer...

Je repense à ce film parce qu'il se colle bien au spectacle des accusations criminelles portées contre trois employés de la MMA à la suite des incidents de Lac-Mégantic. Ed Burkhardt est le vilain colonel qui savait assurément ce qui se passait, mais a eu la prudence de ne pas trop laisser de traces, tandis que les trois accusés, dont j'ignore le degré de complaisance et donc de culpabilité, sont les Dawson et Downey de notre histoire. Ils sont envoyés en cour puisqu'il faut bien accuser quelqu'un...

Sauf que le film est plus beau que la réalité. Tout d'abord, on réussit à y faire avouer ses torts au grand responsable de l'affaire (Nicholson), ce dont je doute dans le cas de M. Burkhardt. Toutefois, il est aussi plus beau que la réalité, car il termine avec une leçon qui nous échappe malheureusement souvent.

En effet, le film ne se termine pas là où s'est achevé mon petit résumé. Il se termine sur une scène, parmi mes préférées, où l'on assiste à la lecture du verdict rendu contre Dawson et Downey. Innocent, dit pour la plus grande joie du spectateur la cour au sujet des accusations principales. Coupable, dit-elle cependant pour une accusation mineure et les deux marines sont condamnées à une dishonorable discharge. Ils ne pourront plus porter l'uniforme.

Dawson est incrédule. Il clame à ses avocats, désemparé, « I don't understand. Col. Jessup said he ordered the code red... Col. Jessup said he ordered the code red! What did we do wrong? We did nothing wrong! » Vient alors ma réplique favorite du film. Downey répond, calmement, «Yeah we did... We were supposed to fight for people who couldn't fight for themselves; we were supposed to fight for Willy.»

Les médias ont rapporté qu'à la comparution des trois employés de la MMA on a entendu dans la foule : « Ce n'est pas eux qu'on veut. » J'aurais aimé entendre : « Ce n'est pas juste eux qu'on veut. »

Je ne sais pas si ces trois personnes ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter l'accident et je ne prétends pas savoir s'ils sont coupables de quelque chose ni connaître la peine qui serait appropriée si c'est le cas. Je suis cependant incapable de refuser dès le départ l'idée qu'ils puissent avoir des torts eux aussi.

Comprenez-moi bien. Je fais partie de ceux qui croient que les gens « à la tête » réussissent trop aisément à notre époque à se défiler de leurs responsabilités. Je n'accepte toutefois pas qu'on dise que ceux qui sont « en bas de l'échelle » n'ont aucune responsabilité parce qu'ils suivaient les règles. S'il est permis de se déculpabiliser complètement lorsqu'on entre dans la machine, comment peut-on s'attendre à ce que, comme par magie, le sentiment de responsabilité revienne subitement à partir du moment où l'on atteint un certain seuil dans la hiérarchie.

Là où le subalterne se dit qu'il obéit à son patron, le patron se dit qu'il obéit à celui qui réglemente l'industrie et celui qui réglemente se dit qu'il obéit aux lois du marché.

Au contraire, c'est lorsque, à travers de toute l'échelle, on sent le devoir de réagir, de résister autant que cela est possible, qu'on évite les accidents de train. C'est lorsqu'on garde l'esprit critique, qu'on parle et pose des questions, qu'on réduit les abus de sénateurs et lieutenants-gouverneurs, qu'on évite la corruption ...

Au fond, éviter les mauvaises décisions dans de grandes organisations c'est un peu comme immobiliser un train. Le plus simple c'est quand la locomotive a de bons freins, mais si un nombre suffisant de wagons appliquent leur frein, on peut atteindre le résultat espéré.

Bien entendu, ce n'est que lorsqu'une masse critique de gens auront l'habitude de remettre en question les façons de faire que ceux qui le font ne s'exposeront plus de ce fait à de lourdes conséquences, mais je garde ce sujet pour une autre fois...

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