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Des PDG aux salaires faramineux

Une nouvelle étude de la firme ontarienne Gallagher McDowall Associates, publiée la semaine dernière, révélait que les dirigeants des plus grandes entreprises canadiennes touchent une rémunération 159 fois plus élevée que celle du travailleur moyen au pays.
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Le développement économique demeure sans contredit un levier essentiel dans toute société. Le Québec et le Canada ne font pas exception. Nous sortons à peine de politiques économiques marquées du sceau de l'austérité qui, avouons-le, laisseront une empreinte indélébile au sein de ce que l'on appelait jadis le «Québec inc.». Toutefois, force nous est de constater que la rémunération des hauts dirigeants d'entreprises de chez nous ne semble pas avoir trop souffert du couperet.

Une nouvelle étude de la firme ontarienne Gallagher McDowall Associates, publiée la semaine dernière, révélait que les dirigeants des plus grandes entreprises canadiennes touchent une rémunération 159 fois plus élevée que celle du travailleur moyen au pays. Vous avez bien lu, 159 fois!

Selon Statistique Canada, le salaire moyen en 2015 au Canada, sans les déductions à la source, était de 49 500$ et au Québec de 45 200$. Nous le savons bien, des milliers de Québécois n'atteignent pas ce montant puisque celui-ci est une moyenne. Malgré la hausse du salaire minimum à 10,75$/heure en mai dernier, bien des petits salariés n'y arrivent plus, ils ont peine à boucler les fins de mois. La pauvreté demeure une réalité pour 25% des travailleuses et des travailleurs de chez nous. Ce n'est pas une blague! Ce sont surtout les salariés, principalement des femmes, des jeunes et des nouveaux arrivants, des secteurs du commerce de détail, de l'hébergement et de la restauration qui sont les plus touchés.

«Sortir les gens de la misère, c'est une responsabilité collective à laquelle nous devons faire face avec urgence.»

Lors du récent Forum social mondial, tenu à Montréal en août dernier, des groupes ont réclamé une hausse importante du salaire minimum à 15$/h pour sortir les gens de la pauvreté. Oui, sortir les gens de la misère, c'est une responsabilité collective à laquelle nous devons faire face avec urgence. Un minimum vital est nécessaire pour vivre décemment dans ce pays pourtant pourvu de richesses inouïes.

Pourquoi tant de disparités? Entre vous et moi, quel dirigeant mérite de gagner 159 fois le salaire moyen de ses employés? Nous pouvons comprendre certes les défis que comporte la gestion d'une grande entreprise, mais il y a des limites raisonnables il me semble à respecter. La rémunération des dirigeants d'entreprise demeure depuis longtemps un sujet de grande polémique dans le monde des affaires et les excès que l'on y observe partent souvent de considérations irrationnelles. Il y a certes des enjeux politiques en toile de fond. Et qui plus est, en sus de leur salaire astronomique, les dirigeants sont admissibles selon certaines modalités à l'achat d'actions, des primes de rendement et j'en passe. Quel est le juste milieu? Nous le savons tous, le partage raisonnable de la richesse et des revenus n'est pas seulement qu'un enjeu de justice sociale. Il est aussi un important facteur de paix sociale et un incontournable moteur de croissance économique.

C'est ce que prônaient Yvan Allaire, de l'Institut de la gouvernance, et Mihaela Firsirotu, professeure à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, lors du récent Forum économique mondial : «les systèmes de rémunération doivent inspirer la confiance, communiquer un sentiment d'équité au sein de l'entreprise et autour d'elle, nourrir chez les membres de l'organisation la conviction que «nous sommes tous dans le même bateau» et participer d'une vision à long terme de la société.» Ne faudra-t-il mettre de l'avant de profonds changements dans les pratiques de rémunération des dirigeants? Ce n'est pas juste une question de course ou de chasse aux meilleurs talents qui doit prévaloir dans le choix d'un dirigeant, mais aussi celle de l'équité.

«Transparence, intégrité, responsabilité et sincérité devraient devenir les mots d'ordre de ceux qui gèrent nos pays et nos entreprises.»

La planète économique a connu bien des soubresauts au cours des dernières années. Les analystes ont beau scruter leur boule de cristal, rien de limpide à l'horizon. Une chose est certaine, les rapports de force ne sont plus les mêmes. Nous nous rappelons tous ces PDG de grandes entreprises américaines et canadiennes qui ont quitté leur poste en pleine tourmente de scandales financiers et qui ont touché de faramineuses primes de quelques millions de dollars. Ils ont pourtant mené leur entreprise au bord du gouffre.

Selon Yvan Allaire de l'Institut sur la gouvernance d'organismes publics et privés (IGOPP), il importe aussi de mesurer la performance des dirigeants «par rapport à leurs obligations morales et juridiques envers l'ensemble de parties prenantes de l'entreprise.» Ce ne sont pas uniquement les critères de croissance et de bénéfices qui comptent, mais aussi les dimensions éthiques auxquelles les dirigeants sont soumis. Ces gens d'affaires cravatés, roulant souvent en Mercedes, possédant trois ou quatre villas à travers le monde, ne sont pas au-dessus de tout. Transparence, intégrité, responsabilité et sincérité devraient devenir les mots d'ordre de ceux qui gèrent nos pays et nos entreprises.

Les inégalités n'ont cessé de se creuser presque partout. Parler de justice sociale, ne semble pas le sujet le plus populaire, le plus à la mode dans certaines sphères de notre société carburant, sous le régime du néo-libéralisme, à la consommation à outrance, au culte du milliardaire et j'en passe. Ce qui cause indiscutablement la pauvreté, la précarité, la mise à l'écart, ce sont les inégalités sociales. Il faut le dire et le répéter constamment, ce n'est que par la réduction de ces inégalités que le monde se portera mieux et notre économie par surcroît.

En ce début de 21e siècle, ne faut-il pas revenir à des choses essentielles, à des valeurs qui guident et nourrissent notre humanité? Les paroles d'espoir et pleines de sens que chantait le regretté Georges Moustaki résonnent en moi en ce temps de branle-bas planétaire: «Je déclare l'état de bonheur permanent et le droit de chacun à tous les privilèges. Je dis que la souffrance est chose sacrilège quand il y a pour tous des roses et du pain blanc. Je conteste la légitimité des guerres, la justice qui tue et la mort qui punit, les consciences qui dorment au fond de leur lit, la civilisation au bras des mercenaires. (...) un monde différent renaîtra de ses cendres, mais il ne suffit plus simplement de l'attendre.» J'appuie de tout cœur à plus de 159 fois!

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