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«Ex Machina»: un film trop lent, trop creux

Un huis clos soporifique entre un créateur sociopathe, mégalomane et alcoolique, une mystérieuse androïde sexy, et un programmeur, pourtant rationnel, qui va en tomber amoureux.
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On ne me fouettera jamais pour avoir écrit ce texte. Raif Badawi, lui, a été condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans de prison pour avoir exprimé son opinion.

Un film britannique d'Alex Garland, trop lent pour les enfants, trop creux pour les adultes.

On ne construit pas un film en lisant simplement l'introduction d'un livre scientifique... ou en ne se contentant que d'en fournir l'introduction aux spectateurs - à moins, bien sûr, de les prendre pour de fieffés imbéciles!

Après le film à succès The imitation Game, c'est le deuxième film britannique cette année qui se réfère au célèbre mathématicien et informaticien Alan Turing, celui qui était parvenu à briser le code de la non moins célèbre machine allemande de cryptage Enigma lors de la Seconde Guerre mondiale.

Alex Garland utilise la prémisse de Turing, qui avait fait le pari que, dans un futur proche, «il n'y aura plus moyen de distinguer les réponses données par un homme ou un ordinateur, et ce sur n'importe quel sujet.» En d'autres termes, qu'il nous sera impossible de distinguer l'homme de la machine.

Le film est axé essentiellement sur le fameux test de Turing qui permettrait de déterminer si la machine peut penser par elle-même ou avoir ce qu'on appelle une conscience - conscience d'elle-même et des autres - et raconte l'histoire d'un créateur d'androïdes qui veut faire passer ce test à sa dernière création par un programmeur très doué.

Dès le début, le créateur et la machine semblent avoir des intérêts opposés. L'un est épris de contrôle et l'autre de liberté. La seule question qui se pose est de savoir qui, du créateur ou de sa création, va se servir le mieux du programmeur pour arriver à ses fins?

Nous assistons alors à un huis clos soporifique entre un créateur sociopathe, mégalomane et alcoolique, une mystérieuse androïde sexy, et un programmeur, pourtant très rationnel, qui va tomber amoureux de cette dernière en moins de trois jours...

Des dialogues d'un vide intersidéral sur un chapelet d'idées intéressantes inexploitées

Ce genre de sujet soulève bien évidemment de grandes questions métaphysiques sur la perception que nous avons de l'intelligence, sur l'origine de cette intelligence toute humaine, sur la conscience que nous avons de nous-même et des sentiments qui nous font prendre conscience de l'autre, mais...

Prenons un exemple très représentatif de la manière dont est traitée l'information un peu théorique ou la réflexion philosophique qui s'y rattache. Après deux tirades d'explications, lorsque le programmeur questionne le créateur sur sa création, ce dernier répond avec des yeux vitreux et une bière à la main: «On ne va pas entrer dans les algorithmes, je te demande de discuter comme deux gars qui prennent une bière!» Fin de la théorie!

Prenons une ébauche de discours sur la nature de la sexualité et du désir, élément qui pourrait éventuellement permettre de distinguer ou de circonscrire les limites de la machine. Après deux tirades, le créateur s'adresse au programmeur, toujours l'œil vitreux, en lui disant: «Bref, si tu te demandes si elle est baisable, elle est complètement baisable». Fin de la réflexion!

Une très longue liste d'énormités dans la mise en scène

Essayez donc de garder votre sérieux lors de la séquence où le programmeur - quelle bonne idée pourtant! - se demande s'il n'est pas lui-même une machine, l'objet du test de Turing, et se met à s'ouvrir le bras dans le sens de la longueur, les deux doigts à l'intérieur de son avant-bras pour y trouver un câble électronique ou quelque chose du genre. Le gars semble souffrir autant que s'il se rongeait un ongle. Le genre de scène qui vous fait éclater de rire, car magistralement gâchée, au point de ne plus vous rappeler de la bonne idée de départ...

Finissons-en!

Enfin, le réalisateur a bien essayé de planter une atmosphère pour donner un peu d'épaisseur à son œuvre. Malheureusement, les langueurs monotones de sa caméra et l'éclairage rosé pseudo-libidinal de l'intérieur de la maison auront tôt fait de vous endormir, au point que je préfère vous retranscrire ici les vers de Verlaine qui explorent de plus profondes langueurs et qui définissent de très près ce que j'ai ressenti à la fin du film: «Les sanglots longs des violons de l'automne blessent mon cœur d'une langueur monotone. Tout suffocant et blême, quand sonne l'heure, je me souviens des jours anciens et je pleure.»

Et que dire du décor? Pour nous faire mieux comprendre l'opposition entre la nature et la technologie, qui n'illustre que son manque de propos, le réalisateur campe son histoire dans une maison ultratechnologique au beau milieu, bien sûr, de magnifiques montagnes éloignées de toute civilisation... Voilà, c'est tout!

Bref, j'aurais dû sérieusement imiter ce que font le créateur et le programmeur durant presque tout le film, prendre une bière et me gratter comme un primate, au lieu d'aller voir ce film!

J'ai presque envie de vous dire lequel des trois personnages va s'en sortir... mais j'ai l'impression que vous le savez déjà!

Ma note: 4 sur 10 (parce que les paysages montagneux sont vraiment beaux !)

La presse cinématographique n'a vraiment pas apprécié ce film et le public semble assez mitigé... Seul Rotten Tomatoes semble l'adorer et IMDb l'apprécier.

Si vous êtes amateurs de blockbusters à 15 millions de dollars, pourquoi ne pas louer gratuitement à la Grande Bibliothèque le classique de Spielberg, A.I. Intelligence artificielle?

Pour en savoir un peu plus sur Alan Turing: Alan Turing, un souffle de génie de Jean Lassègue, philosophe, chercheur au CNRS.

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