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Anticosti: enfin sortir des faux-fuyants

J'étais membre du gouvernement qui a apposé la signature de l'État québécois autorisant l'exploration pétrolière sur l'île d'Anticosti. Cela a été fait de bonne foi et pour des raisons honorables. Mais chacun a le droit de changer d'avis. C'est mon cas.
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La question d'Anticosti pose un véritable test de leadership et de gouvernance à tous ceux et celles qui concluent, comme moi, qu'il n'est pas dans l'intérêt écologique du Québec de procéder avec la phase d'exploration, encore moins d'exploitation, du gaz ou du pétrole de schiste sur ce lieu - et où que ce soit sur le territoire québécois.

Véritable test, car la page d'Anticosti n'est pas blanche. On y trouve une signature : celle de l'État québécois. On ne peut pas faire comme si elle n'y était pas.

J'étais membre du gouvernement qui a apposé cette signature. Cela a été fait de bonne foi et pour des raisons honorables - et dans des conditions de prix élevé du pétrole qui pouvaient faire miroiter un gain considérable pour le trésor public.

Mais chacun a le droit de changer d'avis. C'est mon cas. En novembre 2014, lors de la précédente course à la direction, j'ai affirmé un principe qui doit, à mon avis, guider l'action du Québec sur l'exploitation de pétrole local dans la période de transition vers l'abandon des hydrocarbures comme source d'énergie : le pétrole ou le gaz exploité localement produit-il moins de gaz à effet de serre que le pétrole ou le gaz importé ? Si oui, on peut l'exploiter. Sinon, il ne doit pas en être question. Dans son action locale, le Québec doit être conséquent avec sa volonté de réduire le réchauffement climatique et non contribuer à son aggravation.

Une fois ce principe posé, le cas d'Anticosti devient limpide. Le pétrole et le gaz qu'on y trouve sont par définition plus polluants que ceux importés d'Algérie, de la mer du Nord ou de Terre-Neuve, car sortir ces hydrocarbures du schiste où ils sont emprisonnés requiert davantage d'énergie.

Mais il y a la signature de l'État québécois. Comment s'en défaire ? Il y a le modèle parfait de ce qu'on doit éviter à tout prix. Le premier ministre Philippe Couillard en a fait la démonstration, depuis un an, en multipliant les déclarations incendiaires, en foulant aux pieds la parole donnée, en salissant la réputation d'entreprises québécoises engagées de bonne foi dans cette affaire et en nuisant gravement à la réputation du Québec auprès des milieux d'affaires locaux et étrangers. (Voir une idée du dommage causé ici)

Le gouvernement libéral pouvait espérer que le cours normal des autorisations allait lui donner une échappatoire. Mais à partir du moment où le premier ministre a affirmé que « les fonctionnaires vont dire ce qu'on leur dira », l'émission ou la non-émission des certificats d'autorisation environnementale devenait - comment dire? - « polluée » par son intervention politique.

L'essentiel est de combiner deux objectifs: notre intégrité écologique, l'intégrité de la parole de l'État québécois.

Aujourd'hui, je ne suis pas le seul à être ahuri de constater que ces certificats sont émis, alors qu'on a appris dans l'intervalle qu'il faudrait 10 millions de litres d'eau pour chacun des trois puits de fracturation et que la méthode de traitement de cette eau, une fois utilisée et souillée par un cocktail toxique, reste opaque. Y a-t-il eu, de la part du ministère de l'Environnement, surcompensation ?

Autrement dit, ayant pourri politiquement le dossier, le gouvernement libéral a-t-il maintenant erré dans l'autre sens, pour éviter des poursuites ? Le dossier fut si mal géré que la question est posée.

Nous sommes englués dans la gouvernance libérale jusqu'en octobre 2018 et, d'ici là, beaucoup d'eau potable aura coulé dans les puits. Mais comme candidats à la direction du Parti québécois, la question nous est posée : que ferions-nous si, dès maintenant, nous avions la charge du gouvernement ?

Pour ma part, je refuserais tous les faux-fuyants et donnerais clairement l'heure juste. Mon gouvernement serait, pour des questions de cohérence environnementale, opposé à l'exploitation de gaz ou de pétrole de schiste où que ce soit sur son territoire. Cela inclurait bien sûr Anticosti.

Puisque l'État a apposé sa signature, et a investi, dans un partenariat avec des entreprises, il devrait annoncer qu'il souhaite se retirer de ce partenariat en compensant adéquatement ses partenaires. Ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu'un nouveau gouvernement se retire d'un engagement d'un gouvernement précédent. Qu'on songe au cas de la mine Jeffrey à Asbestos ou du contrat fédéral des hélicoptères. On se retire, on négocie, on signe un chèque, on préserve la réputation de l'État.

Mais quel serait le juste prix de cette compensation? Il dépend de deux conditions. D'abord, le projet est-il rentable ? C'est plus que douteux. Ensuite, obtiendrait-il l'aval du BAPE ? Et si oui, à quelles conditions ?

C'est pourquoi il faut procéder avec ce BAPE, en déclarant : « le BAPE conclura en toute indépendance ce qu'il décidera de conclure ! »

Membre du gouvernement Marois, je peux attester que la décision finale n'était pas prise quant au moment où devait se tenir ce BAPE. Avant ou après la phase d'exploration des trois puits comportant une fracturation hydraulique ?

Premier ministre, mon gouvernement aurait la capacité de dire que le BAPE doit se tenir avant cette phase. Malheureusement, le gouvernement actuel fait en sorte que le BAPE se tienne après cette triple fracturation.

Quoi qu'il en soit, c'est sur la foi des conclusions du BAPE que nous aurons la meilleure estimation possible de la faisabilité du projet, donc des revenus ou des profits dont nos partenaires seraient privés à cause de notre décision de ne pas procéder à l'exploitation. Il n'est pas impossible que ce chiffre soit proche de zéro.

L'essentiel est de combiner deux objectifs : notre intégrité écologique, l'intégrité de la parole de l'État québécois.

Candidat au poste de chef du Parti québécois, je prends envers les Québécois et envers nos partenaires ce double engagement.

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