Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Ebola: la communauté internationale est-elle coupable?

Selon une étude britannique, le Fonds monétaire international serait en partie responsable du niveau qu'a atteint l'épidémie.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

L'épidémie de fièvre Ebola est, plus d'un an après avoir été officiellement déclarée en Guinée, à l'ordre du jour du sommet du G7, qui s'est tenu en Allemagne les 7 et 8 juin. Une prise en compte qui en dit long sur l'importance croissante des questions sanitaires dans les relations internationales.

Ebola est depuis plus de vingt ans l'un des virus les plus surveillés de la planète. Mortel dans 50 à 80% des cas, il a fait plus de 10 000 victimes depuis novembre 2013, principalement en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. Pour être tragique, cette épidémie n'est cependant pas comparable au paludisme, par exemple (entre 1,4 et 3 millions de morts chaque année), ou même à la grippe (250 000 à 500 000 morts annuels).

Sa médiatisation et la mobilisation de la communauté internationale tiennent donc à d'autres facteurs, à savoir la réalisation de l'un des cauchemars de l'Organisation mondiale de la santé (OMS): la sortie de cette épidémie de son milieu naturel. Et donc le risque d'une contagion incontrôlée, non seulement à l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest, mais également aux pays occidentaux, en raison de l'importance des flux migratoires.

La mobilisation de l'Occident n'est sans doute pas étrangère à cette crainte, même si la mobilisation générale demandée par Barack Obama devant l'assemblée générale de l'ONU, le 25 septembre 2014, précède de quelques jours l'apparition des premiers cas sur le territoire américain, au Texas Health Presbyterian Hospital.

Le FMI et l'OMS sur la sellette

Selon une étude britannique publiée fin 2014 dans le journal Lancet Global Health, le Fonds monétaire international (FMI) serait en partie responsable du niveau qu'a atteint l'épidémie de fièvre dans les trois pays d'Afrique de l'Ouest. «Les mesures prônées par le FMI ont contribué à établir des systèmes de santé sous-financés, pauvres en main-d'œuvre, par ailleurs peu préparée, dans les pays frappés par la fièvre Ebola», y dénonce notamment Alexander Kentikelenis, professeur de sociologie à l'université de Cambridge et co-auteur de cette étude.

De même, l'OMS a été mise en cause pour la lenteur de sa réaction par certaines ONG. Notamment Médecins sans frontières (MSF) dans son rapport Poussés au-delà de nos limites (mars 2015), qui retrace «une année de lutte contre la plus vaste épidémie d'Ebola de l'Histoire» et fustige ceux qui ont «ignoré les appels à l'aide et ont réagi avec retard». Présente en première ligne dès la découverte de l'épidémie, «MSF s'est vite rendu compte que celle-ci était hors norme, avec une multitude de foyers et une extension hors des zones forestières vers les grands centres urbains, favorisée par les mouvements de populations transfrontaliers». (Le Monde, 24 mars 2015.)

Pour être classiques, ces critiques doivent être replacées dans leur contexte. Plusieurs fois incriminée dans le passé pour des messages d'alerte jugés a posteriori infondés, car ayant suscité des dons inutiles, l'OMS est aujourd'hui prudente. D'autant plus qu'une alerte n'est pas sans conséquences politiques et économiques pour les pays concernés. Mais dès sa déclaration officielle d'une «urgence internationale», la mobilisation des États s'est enclenchée, et constitue encore aujourd'hui l'une des plus importantes face à un problème sanitaire. Et ce sont des laboratoires français, britanniques et américains qui travaillent d'arrache-pied à la mise au point de traitements et vaccins contre le virus.

Quant aux mesures préconisées par le FMI, elles sont certes d'essence libérale, mais comme dans tous les pays où il intervient. Et selon l'un de ses responsables, Sanjeev Gupta, les demandes du FMI n'ont pas pesé sur les politiques de santé puisque les budgets alloués en pourcentage du PIB ont progressé de 0,7 point en Guinée, de 1,6 point au Liberia et de 0,24 point en Sierra Leone.

Le problème de l'aide internationale

Le problème, récurrent, tient sans doute davantage à la mobilisation effective et à l'usage des fonds. Selon des organisations guinéennes (AGT) et sierra-léonaises, seuls 3% des dons pour la lutte contre l'épidémie peuvent être tracés jusqu'aux actions sur le terrain. Le reste se perd dans l'opacité des comptabilités des ONG et des organismes plus ou moins publics: «campagne de sensibilisation», «information sanitaire», «accès aux soins» et autres postes génériques qui peuvent faire craindre un vaste détournement de fonds (GuineeConakry.Info, 22 mars 2015).

Reste l'impact économique et social pour les populations concernées. Selon les estimations de la Banque mondiale, «le manque à gagner du fait de l'épidémie se chiffrera en 2015 à 1,6 milliard de revenus pour les trois pays». Et pour y faire face, l'institution financière a mobilisé un montant total de 1,62 milliard de dollars à l'appui des efforts de lutte contre l'épidémie et de redressement de l'économie des pays les plus éprouvés par Ebola. La Banque mondiale s'est également engagée à créer un nouveau mécanisme de riposte d'urgence aux pandémies, afin que la communauté internationale soit mieux préparée aux situations d'urgence sanitaire. Il devrait permettre, le cas échéant, d'acheminer plus rapidement les fonds.

Car au-delà de l'écume médiatique, et bien sûr des malheureux décès, ce qui apparaît, c'est l'importance croissante de ces sujets en termes de relations internationales. Dans son discours du 25 septembre dernier à l'ONU, Barack Obama avait d'ailleurs été clair. Tout en appelant l'ensemble du monde à la rescousse, il y avait affirmé que «seule l'Amérique a la capacité et la volonté de mobiliser le monde contre les terroristes de l'État islamique», de «battre le rappel mondial contre l'agression russe» et de «contenir et anéantir l'épidémie d'Ebola». «C'est un exemple de ce qui se passe quand l'Amérique prend le leadership pour affronter les plus grands défis mondiaux», avait-il conclu. Et ce sont d'ailleurs 3000 militaires que les États-Unis ont dépêché au Liberia -soit autant que l'ensemble des forces françaises déployées face à la menace islamiste dans la bande sahélo-saharienne. On ne saurait mieux souligner le caractère désormais géopolitique des crises sanitaires. Dans un monde globalisé comme le nôtre, nul doute que celles-ci constituent l'une des menaces stratégiques à affronter à l'avenir.

Pour aller plus loin:

Géopolitique d'Ebola. Economie mondiale et sécurité internationale au risque des crises sanitaires", note d'analyse géopolitique CLES de Grenoble École de Management, n° 162, 4 juin 2015 - à lire sur http://notes-geopolitiques.com

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Faiblesse

Ebola: les symptômes

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.