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La fusillade de Las Vegas prouve qu'il est encore trop facile de se procurer une arme aux États-Unis

On trouve des armes même au Walmart du coin. Il suffit de le mettre dans son panier!
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Jean-Eric Branaa
La fusillade de Las Vegas prouve qu'il est encore trop facile de se procurer une arme aux Etats-Unis
Jean-Eric Branaa

Cela coûte environ 300 dollars. Pas plus. Ce petit jouet est un AK-47 ou un AR15 ou un M16 ou une Kalachnikov. On ne se rend pas compte, vu de France, à quel point il est facile d'acheter une arme aux États-Unis, même ce type d'armes automatiques. Officiellement, ces armes ne peuvent pas tirer en rafale lorsqu'elles sont vendues dans le pays; un "petit inconvénient" qui se contourne facilement. La vidéo qui circule depuis ce matin sur les réseaux sociaux démontre qu'on peut donc se procurer des M16 débridés.

La question des armes revient incessamment dans le débat public américain. Bill Clinton avait tenté d'en limiter la prolifération, en tentant d'imposer une maigre limite qui consistait à obliger l'acheteur à revenir deux jours après sa commande, histoire d'empêcher les tueries commises sous l'emprise d'une colère incontrôlée. Mais la Cour Suprême avait retoqué la bonne idée: car elle contrevenait à la liberté qui est inscrite dans la Constitution fédérale, dans son célèbre article 2, qui célèbre le droit à tous les Américains de posséder une arme. Le résultat est édifiant: on trouve des armes même au Walmart du coin. Il suffit de le mettre dans son panier!

Barack Obama a, lui aussi, tenté de pousser un projet de loi contre les fusils d'assaut. La tuerie de Newton avait révulsé beaucoup d'Américains qui ne comprennent plus que la vie de leurs enfants soit ainsi mise en danger, qu'elle puisse être arrachée par le premier fou venu. C'était le 14 décembre 2012, vingt écoliers âgés de 6 à 7 ans sont tombés sous les balles d'un tueur solitaire à Newtown, dans le Connecticut, ironiquement situé à une cinquantaine de kilomètres de la manufacture Colt le célèbre fabricant d'armes.

Barack Obama n'a donc pas réussi non plus à faire quoi que ce soit. Hillary Clinton a alors promis pendant sa campagne de s'attaquer à cette question, tout en précisant dans chacun de ses meetings "qu'elle n'est pas pour une remise en cause du droit à posséder une arme", juste à en limiter l'accès pour les armes les plus dangereuses, ces fameux fusils mitrailleurs. Elle était tiraillée entre le désir d'agir et la peur de perdre des millions de voix.

On estime qu'il y a plus de 300 millions d'armes en circulation aux États-Unis, soit une par habitant.

Car la question des armes à feu est particulièrement polémique dans ce pays. Les défenseurs de ce droit sont très organisés et très déterminés. Et ils sont soutenus par des lobbies puissants, dont la célèbre NRA (National Rifle Association), qui dépensent des centaines de milliers de dollars en procès. On estime qu'il y a plus de 300 millions d'armes en circulation aux États-Unis, soit une par habitant. Donald Trump s'est montré très vindicatif sur cette question et a défendu ce droit sacro-saint: "Moi président, personne ne vous volera ce droit" a-t-il affirmé. Et il était régulièrement acclamé pour cela.

Le problème est bien connu: l'association de défense du droit à posséder une arme se bat bec et ongle contre toute tentative de limitation. Leur lobbying est puissant et très actif. C'est grâce à eux, en grande partie que ce droit a survécu et qu'il est totalement légal de porter une arme, même dans les lieux publics et que ce droit est reconnu dans 44 États sur 50 et est régulièrement réaffirmé par la Cour Suprême. Lorsque les autorités locales s'y opposent, c'est donc les tribunaux qui les y obligent: le 16 juillet 2014, c'est symboliquement la capitale fédérale qui était rappelée à l'ordre par une Cour d'appel et qui mettait ainsi fin à une des législations les plus restrictives des États-Unis. Les élus de la ville ont donc voté à contrecœur, quelques jours plus tard, une loi qui autorise visiteurs et habitants à porter une arme. Ils n'ont pu ajouter pour seule restriction qu'un "elle ne doit pas être visible".

Les gouvernements successifs semblent impuissants face à ce phénomène et restent le plus souvent réduits à quelques prises de position plus ou moins entendues.

Alors, oui, les tragédies sont nombreuses et alimentent régulièrement le débat: 30 000 personnes meurent chaque année victime d'armes à feu, dont 3000 enfants. Les gouvernements successifs semblent impuissants face à ce phénomène et restent le plus souvent réduits à quelques prises de position plus ou moins entendues. Les timides propositions pour toucher au sacro-saint amendement sont régulièrement repoussées et ceux qui ne veulent pas qu'on y touche peuvent dormir tranquilles: les sondages indiquent que de moins en moins d'Américains sont favorables à des lois sur le contrôle des armes. Au nom de leur liberté individuelle, disent-ils.

Et régulièrement, dans les journaux du pays, on lit des comptes-rendus de drames affreux, comme celui d'aujourd'hui à Las Vegas, avec un bilan qui laisse sans voix. Que ce soit une attaque terroriste ou l'oeuvre d'un déséquilibré ne changera rien à cette donnée du problème: l'homme était armé et son fusil automatique a semé la mort.

Editions Privat

Jean-Eric Branaa, Trumpland: portrait d'une Amérique divisée - Ed. Privat, à paraître le 12octobre 2017.

Ce billet de blogue a d'abord été publié sur le HuffPost France.

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