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Après Orlando, le débat sur les armes s'emballe

Arme au poids très léger, facilement maniable, précise, rapide et disposant de chargeurs contenant jusqu'à 30 munitions, l'AR-15 est donc une arme d'une dangerosité extrême. Comment une telle machine à tuer a-t-elle pu se retrouver entre les mains de personnes si mal intentionnées?
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En assistant, de loin, au débat sur les armes qui agite les États-Unis, on prend conscience que ce pays n'est pas tout à fait comme le nôtre: parmi les mots nouveaux qu'il nous faut apprendre, il y a «AR-15». Partout où l'on parle de l'attentat d'Orlando, on prononce ces deux lettres et ce chiffre. Et pour cause: c'est l'arme qu'a utilisée Omar Mateen pour tuer ses 49 victimes.

L'AR-15 est un fusil d'assaut, une arme conçue pour qu'un soldat puisse tirer balle par balle et en rafale jusqu'à 300 mètres, plus connu sous la désignation militaire «M-16». C'est le fusil standard de l'armée américaine. Cependant, contrairement au M-16 qui dispose d'un mode automatique, l'AR-15 est semi-automatique, ce qui veut dire qu'il ne tire qu'une munition à la fois. Arme au poids très léger, facilement maniable, précise, rapide et disposant de chargeurs contenant jusqu'à 30 munitions, l'AR-15 est donc une arme d'une dangerosité extrême, au point d'être utilisée, entre autres, par la Drug Enforcement Administration (DEA), service de police fédérale américain charger de lutter contre le trafic de stupéfiants.

L'origine du mal: comment les tireurs se sont procurés leur AR-15?

On peut s'interroger sur la facilité avec laquelle chacun des tireurs l'ayant récemment utilisée dans des tueries de masse l'a acquise légalement. Comment une telle machine à tuer a-t-elle pu se retrouver entre les mains de personnes si mal intentionnées?

C'est la question que se posent tous les responsables politiques et les médias américains aujourd'hui.

Dans le cas de cette tuerie du 12 juin 2016, au club Pulse à Orlando et pour laquelle on déplore 50 morts (dont l'auteur) et 53 blessés, Omar Mateen a bien utilisé un fusil d'assaut de type AR-15 et un pistolet de calibre 9mm. On sait qu'il a fait l'objet, en 2013 et en 2014, d'enquêtes de la part du Federal Bureau of Investigation (FBI): des collègues du futur terroriste, inquiets des liens que celui-ci prétendait avoir avec Al-Quaida et le Hezbollah, l'avaient dénoncé; de plus, Mateen a fréquenté un islamiste notoire ayant commis un attentat-suicide en 2014, ce qui a également attiré l'attention des agents du FBI. Il a été interrogé trois fois puis relâché, entièrement libre. Rien ne l'empêchait alors d'acheter légalement ses deux armes, dans les deux semaines précédant la tuerie.

Malgré ses antécédents et la vérification de ceux-ci par le vendeur, la transaction a été totalement légale, Mateen ne faisant plus l'objet d'une quelconque procédure de surveillance. Si ce marchand avait refusé de vendre son artillerie à Mateen par pure méfiance, ce dernier en aurait trouvé un autre. En Floride, quiconque voit ses antécédents judiciaires vérifiés peut donc se procurer un AR-15 du moment qu'il est semi- automatique et non pas automatique.

Une longue liste d'antécédents

Cela n'a pas été différent du 2 décembre 2015, pour la fusillade à San Bernardino en Californie, durant laquelle on a déploré 16 morts (dont les deux assaillants) et 23 blessés. Les terroristes, Syed Rizwan Farook et Tashfeen Malik, ont utilisé deux fusils d'assaut de type AR-15 et deux pistolets de calibre 9mm. Aucun des deux n'avaient eu d'antécédents judiciaires: cela leur a permis d'acheter leurs armes en toute légalité. Syed Rizwan Farook s'est procuré deux pistolets; les deux fusils d'assaut furent achetés à un tiers. Ces fusils d'assaut se trouvent facilement en Californie, mais sont fabriqués et vendus de manière à en limiter l'usage: les fusils semi-automatiques ne peuvent par exemple avoir des chargeurs comprenant plus de 10 balles. Mais les terroristes modifièrent artisanalement leurs armes de manière à surmonter ces limitations.

1er octobre 2015, ce fut la fusillade de l'Umpqua Community College (Oregon): 10 morts (dont le tueur) et 9 blessés. Christopher Harper-Mercer était vindicatif, suprémaciste blanc et anti-religieux, il souffrait également de problèmes mentaux. Pourtant rien ne l'a empêché de se procurer cinq pistolets et un fusil d'assaut Del-Ton 5.56x45mm (une variation de l'AR-15). Sept autres armes ont été découvertes à son domicile. Chacune de ces treize armes a été achetée légalement.

Pour la tuerie de l'école primaire Sandy Hook, dans le Connecticut, le 14 décembre 2012 (28 morts, dont 20 enfants de 5 et 6 ans, et 3 blessés), il n'en a pas été différemment. Et on pourrait remonter ainsi très loin dans la tragique histoire des tueries de masse aux États-Unis.

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Aux États-Unis, les armes sont en vente dans les supermarchés. photo: Branaa, février 2016

Cela peut-il changer?

Si on peut espérer un changement face à cette question de la population américaine, c'est sans compter sur la toute puissante NRA (National Rifle Association) un lobby qui défend jusqu'à l'extrême le droit pour tous d'acheter et de posséder les armes de leur choix: il ne peut y avoir aucune limite, selon eux, car ce droit est protégé par le second amendement de la Constitution des États-Unis. Il s'agit donc d'un droit sacré.

D'ailleurs, l'année dernière, après la tuerie de San Bernardino, Dianne Feinstein, sénateur démocrate de Californie, a déposé un projet de loi visant à interdire l'achat d'une arme pour des présumés terroristes. La surprise est grande, vue de France, à constater que tous les Républicains, à l'exception de Mark Kirk (Illinois) ont voté contre. En réalité, Pat Toomey (Pennsylvanie) a déposé un projet de loi concurrent, visant au même but, et chaque parti a voté le sien, en ignorant celui de l'autre.

Trop c'est trop?

Cette fois-ci pourtant, il se pourrait bien que les choses changent. On a pu voir Hillary Clinton monter au créneau et promettre une politique forte sur le sujet. Mais la surprise est venue de Donald Trump, qui a annoncé qu'il rencontrait les responsables de la NRA pour les convaincre d'accepter un changement de taille dans l'approche de cette question et que l'on peut résumer par le slogan «plus d'armes pour les terroristes.»

Sauf que les choses se sont emballées: mercredi 15 juin, Chris Murphy, le sénateur du Connecticut, l'état où a eu lieu le massacre de Sandy Hook, s'est lancé dans un filibuster hostile pour obliger le Sénat à prendre position dès maintenant sur cette question. Le filibuster est une manœuvre de blocage qui n'est possible qu'au Sénat: le sénateur qui prend la parole a le droit de la garder aussi longtemps qu'il le veut -et le peut-. Ainsi, il bloque tous les autres débats. Et c'est ce qu'a fait le sénateur Murphy: prenant la parole à 11h21 le mercredi, il s'est lancé dans un véritable marathon oral, n'arrêtant plus de parler jusqu'à 2h11 le lendemain matin. Il a été tellement convaincant que d'autres collègues l'ont rejoint dans son filibuster, annonçant qu'ils allaient prendre la parole à leur tour.

Les Républicains ont cédé et ont accepté qu'il y ait un vote sur le sujet. L'opinion américaine sera cette fois-ci à l'écoute, à quelques semaines de l'élection de leur président, mais également du renouvellement des représentants (les députés) et des sénateurs. Cela sera-t-il suffisant pour que les choses bougent, enfin?

Le co-auteur de cet article, Marc Antoyan, est un étudiant qui participe à un programme universitaire, dans le cadre de ces élections présidentielles américaines (lire l'encadré En pleine campaign by USAssas). Ces étudiants animent un blogue et peuvent être aidés (logistiquement ou financièrement) en prenant contact avec leur association: USAssas.

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Jean-Eric Branaa: Qui veut la peau du Parti républicain? L'incroyable Donald Trump, éditions de Passy, 2016.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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