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La financiarisation est-elle une super bulle?

Les épargnants, qu'il s'agisse d'individus ou d'institutions, sont collectivement moins riches qu'ils ne le pensent.
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On parle beaucoup de financiarisation depuis quelques années. Pour plusieurs, ce terme fait allusion à la pratique des dirigeants et des conseils d'administration des grandes sociétés consistant à donner la préséance à des opérations financières, tels que les rachats d'action ou les placements dans des titres financiers, plutôt qu'à l'expansion des capacités de production ou des débouchés commerciaux de leurs entreprises. Mais la financiarisation peut aussi référer à la place considérable qu'en est venu à prendre le secteur financier dans l'économie.

Une étude[1] portant sur la période 1990-2010 révèle que, à l'échelle mondiale, le capital financier a crû beaucoup plus rapidement que la production réelle telle que mesurée par le produit intérieur brut (PIB). Ainsi, alors que les prêts et les prises de participation représentaient 2,6 fois le PIB mondial en 1990, ce multiple avait augmenté à 3,6 en 2010 sous la poussée notamment du capital-actions et des emprunts gouvernementaux.

La financiarisation de l'économie mondiale

Selon plusieurs experts, la grande importance qu'a prise l'économie financière vient du décrochage de l'étalon-or opéré par le président Nixon. En 1971, les États-Unis, accompagnés de l'Allemagne et du Japon, décidèrent de laisser flotter leurs devises l'une par rapport à l'autre, mettant ainsi fin de facto aux accords de Bretton Woods (1944) qui avaient instauré le principe de la parité fixe des monnaies au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Le nouveau régime de monnaie fiat, c'est-à-dire reposant uniquement sur la confiance plutôt que sur la convertibilité à l'or, a ouvert la voie à une expansion considérable de l'offre de monnaie. Par exemple, certains pays, et notamment les États-Unis, purent financer leurs déficits commerciaux et budgétaires simplement en accroissant leur masse monétaire. Alors qu'entre 1949 et 1969, les réserves mondiales de devises étrangères avaient crû de 55%, elles firent un bond de 2000% entre 1969 et 2000. Ces nouvelles liquidités eurent pour effet de gonfler la valeur des actifs financiers[2].

Les entreprises productrices de biens tangibles ou de services autres que financiers ont aussi contribué à la financiarisation dans la mesure où, comme nous l'évoquions plus haut, elles ont préféré faire des opérations financières plutôt que de procéder à des investissements dans l'économie réelle. Ainsi l'investissement qui atteignait 26,1% du PIB mondial dans les années 1970 était descendu 20,8% en 2002[3]. Cette glissade des investissements s'est vraisemblablement poursuivie au cours des dernières années.

À la suite de cette migration de l'économie réelle vers l'économie financière, le capital financier représenterait maintenant le double de la valeur du capital réel[4]. Cela revient à dire que l'économie mondiale est dans une situation un peu similaire à un propriétaire de maison qui a une dette hypothécaire s'élevant au double de la valeur marchande de sa propriété. Manifestement, la richesse financière a quelque chose d'artificiel et d'illusoire. Les épargnants, qu'il s'agisse d'individus ou d'institutions, sont collectivement moins riches qu'ils ne le pensent. Pour éviter de douloureuses désillusions, il faut souhaiter qu'à moyen terme l'économie financière et l'économie réelle retrouvent le chemin de la convergence.

[1] MCKINSEY GLOBAL INSTITUTE, Mapping global capital markets 2011, 2011.

[2] Données tirées de Richard DUNCAN, The Dollar Crisis, 2003, et rapportées dans Floating all boats, THE ECONOMIST, 16 janvier 2010, p73.

[3]Richard DOBBS et.al., Farewell to Cheap Capital? The Implications of Long-Term Shifts in Global Investment and Saving? McKinsey Global Institute, 2010.

[4] Selon une estimation de Jim STANFORD dans Petit cours d'autodéfense en économie - l'abc du capitalisme, Lux, 2011.

Ce billet a aussi été publié sur Libres Échanges, le blogue des économistes québécois.

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