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«Les véganes imposent leur idéologie»: point de vue d'un antispéciste

Il n'est aucunement question de forcer physiquement les gens dans leurs choix de consommation, mais bien d'exposer ce que beaucoup s'efforcent de garder bien caché pour des raisons économiques.
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«To be 'for animals' is not to be 'against humanity.' To require others to treat animals justly, as their rights require, is not to ask for anything more nor less in their case than in the case of any human to whom just treatment is due. The animal rights movement is a part of, not opposed to, the human rights movement. Attempts to dismiss it as anti human are mere rhetoric.» - Tom Regan, The Case for Animal Rights.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les termes «végane» ou «véganisme», ils se rapportent à une conception philosophique morale relative à notre relation avec les animaux. Le véganisme est une idéologie antispéciste qui s'oppose à toute forme d'exploitation animale : industrie alimentaire, expérimentation, fourrure, chasse, divertissement, etc. Pour de nombreux véganes, il est par conséquent nécessaire de faire en sorte que l'on puisse octroyer aux animaux des droits, pour ainsi les protéger de l'exploitation humaine.

La question des droits des animaux est loin d'être ridicule, comme beaucoup semblent le croire. Elle repose sur la même prémisse qui justifie la reconnaissance des droits humains, en l'occurrence : une valeur morale intrinsèque liée à la possession de la sentience (capacité de ressentir) et/ou de conscience qui, par le fait même, donne l'existence à une vie psychologique subjective [1]. Contrairement à ce que beaucoup croient, les droits humains ne sont pas une affaire propre aux êtres possédant de grandes capacités cognitives. En effet, si cela était le cas, les enfants et les personnes ayant des déficiences intellectuelles ne seraient pas protégés par le droit.

Voici comment Kymlicka et Donaldson, dans Zoopolis: A Political Theory of Animal Rights: An Overview, expriment la signification des droits inviolables : (traduction personnelle)

«Les théoriciens des droits des animaux (ci-après, les théoriciens DA) ont à leur tour répondu que de restreindre les droits inviolables à ceux qui possèdent un certain niveau de capacité cognitive est non seulement théoriquement arbitraire, mais aussi en contradiction avec nos pratiques actuelles. En effet, la théorie et l'application des droits humains dans les 60 dernières années ont répudié toutes contraintes ayant comme critère la rationalité ou l'autonomie des êtres impliqués. Les droits inviolables, sont avant toute chose une façon de protéger les plus faibles et les plus vulnérables et non une sorte de prix que l'on accorde pour souligner la plus grande rationalité ou complexité cognitive.» [2]

Donc, la question du droit animal n'a rien à voir avec une quelconque conception anthropomorphique des animaux. On peut toutefois accuser avec raison les détracteurs des véganes d'être anthropocentriques et d'être incohérents dans leur refus d'octroyer des droits aux animaux.

Imposer une idéologie

Considérant ce qui vient d'être mentionné, voyons voir comment nous pouvons répondre à certaines affirmations dénonçant la volonté des véganes «d'imposer leur idéologie».

On peut facilement relever ce genre de déclaration sur les réseaux sociaux et différents blogues. Un certain blogueur décrie même une forme d'intimidation et un «durcissement du discours végétarien/végétalien» (voir le texte «La végé-intimidation» de Jo Drolet). Ce genre de propos ou de position traduit une distorsion de la réalité, et une grande incompréhension de ce que défendent les véganes. Distorsion parce qu'on conçoit les animaux non pas pour ce qu'ils sont, mais bien pour ce que nous voudrions qu'ils soient dans l'optique de justifier nos pratiques et habitudes de vie. Incompréhension parce que le véganisme est perçu comme étant un simple choix personnel.

Examinons plus en détail en quoi la notion «d'imposition du véganisme» est fallacieuse.

Les détracteurs du véganisme utilisent souvent cette stratégie «d'imposition» leur permettant d'occuper la place de la victime dans une relation faussement dépeinte comme étant bilatérale. En d'autres mots, les non-véganes considèrent qu'il existe seulement deux sujets moraux en jeu dans cette situation : il a ceux qui imposent (les véganes) et ceux qui se font imposer le véganisme (les non-véganes). Or, les non-véganes oublient un troisième acteur : les animaux. Omettre de considérer les animaux dans cette situation implique nécessairement que nous les considérons comme des objets, et non comme des sujets de droits. Avec ce que nous avons dit plus haut sur les droits humains et les droits des animaux, nous avons raison d'affirmer que les animaux possèdent les qualités intrinsèques légitimant leur protection par le droit. Alors si les non-véganes veulent bien parler «d'imposition», il serait impératif qu'ils considèrent les conséquences de leurs choix de consommation.

Comme j'en ai parlé dans un billet précédent, les animaux exploités à des fins de consommation sont traités comme des marchandises, et non comme des êtres sentients et conscients ayant des besoins qui leur sont propres. Ne pas être végan implique donc d'imposer indirectement la mort et de grandes souffrances non nécessaires aux animaux. Il n'y a donc pas de neutralité morale, tant dans la position végane que la position non-végane.

Considérant ces faits, il devient donc difficile de défendre avec sérieux la position de victime que veulent bien réclamer les non-véganes. Encore une fois, il n'existe pas deux acteurs dans cette situation, mais bien trois, et les plus grandes victimes ne sont pas les non-véganes, mais bien les animaux. Il serait risible d'affirmer que l'on peut mettre sur un même pied d'égalité la souffrance que peut ressentir un non-végane privé de son bacon (par exemple) et toute la souffrance et la mort imposées à un porc dans le processus d'élevage et d'abattage. Comme on peut le constater ici, il n'est aucunement question de choix et de préférences personnelles, parce que le choix en question implique des conséquences importantes qui affectent violemment les animaux non-humains.

De plus, l'utilisation du terme «imposition» est peut-être un peu exagéré, considérant le fait que, la plupart du temps, il est utilisé pour exprimer une certaine irritabilité que peuvent ressentir les gens exposés aux multiples images explicites et déclarations visant à dénoncer la cruauté et l'exploitation animale. Il n'est aucunement question ici de forcer physiquement les gens dans leurs choix de consommation, mais bien d'exposer ce que beaucoup s'efforcent de garder bien caché pour des raisons économiques (en 2014 au Canada seulement, l'industrie laitière et celle des produits du bétail généraient des recettes de 31,7 milliards de dollars [3]). Si les véganes décident de pratiquer l'autocensure pour éviter de choquer quelques individus conservateurs, on peut bien se demander quelles formes de moyens de pression peut bien être utilisée ayant un minimum de portée d'influence...

Finalement, si nous avons la capacité en tant que société de reconnaître que les animaux sont des sujets moraux ayant la légitimité d'avoir des droits, il n'y aucune raison qui devrait nous rendre plus irritables à l'endroit des militants véganes qu'à l'endroit des militants des droits humains : dans les deux cas, il est question de lutter contre l'oppression et l'exploitation d'êtres sentients et conscients. Il n'y a pas de raison de les opposer et nous aurions tout à gagner en faisant en sorte que leur travail soit concerté.

Notes:

[1] Will Kymlicka et Sue Donaldson, Zoopolis: A Political Theory of Animal Rights: An Overview. En ligne: https://www.academia.edu/2394382/Sue_Donaldson_and_Will_Kymlicka_Zoopolis_A_Political_Theory_of_Animal_Rights_An_Overview_ (page consultée le 8 janvier 2016).

[2] idem.

[3] Agriculture et Agroalimentaire Canada. «Recettes monétaires canadiennes tirées de l'exploitation agricole».

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