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Que sont les révolutionnaires arabes devenus?

«La plupart d'entre nous avons été emprisonnés, calomniés... Beaucoup sont partis, beaucoup sont extenués. Nombreux sont aujourd'hui prisonniers de leurs traumatismes.»
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Cinq ans après les soulèvements arabes, Sally Toma, psychiatre et égérie du mouvement du 25 janvier 2011 en Égypte, résume, dans un souffle, le sort de la génération Tahrir:

«La plupart d'entre nous avons été emprisonnés, calomniés... Beaucoup sont partis, beaucoup sont extenués. Nombreux sont aujourd'hui prisonniers de leurs traumatismes.»

On pourrait en rester à ce constat déprimant, désormais occulté à l'échelon régional par les tragédies syriennes, libyennes, irakiennes et yéménites, et l'épouvantail Daesh.

Le moment révolutionnaire arabe a cependant marqué l'acte de naissance de toute une génération. La psychiatre égyptienne rapporte aussi que, dans son pays, «beaucoup disent qu'ils sont nés le 25 janvier».

Ces cohortes de jeunes qui sont descendus dans les rues en 2011 et 2012, ou ont été les témoins transfigurés de ces évènements, représentent aujourd'hui le cœur des pays arabes.

Ici réside toute l'ambiguïté du moment présent: aujourd'hui combattue en Égypte, réduite au silence au Bahrein, ou persécutée en Syrie, la génération qui a battu le pavé des villes arabes il y a cinq ans sera inéluctablement condamnée à en déterminer le futur: comment pourrait-il en être autrement alors qu'en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, 60% de la population est âgée de moins de 30 ans?

Au Maroc, le jeune Hamza Alioua raconte comment en 2011 il a vu son père fuir la violente répression des manifestations du quartier populaire de Sbata 1. Et il s'est promis: «moi, je ne fuirai pas». Il avait alors 15 ans. Désormais étudiant, il milite au sein de l'Union des Étudiants pour le Changement du Système Éducatif (UECSE). Cette organisation est proche du «Mouvement du 20 février», qui avait mené la contestation en 2011 et forcé la monarchie marocaine à un compromis constitutionnel. Aujourd'hui, Hamza et l'UECSE portent leur combat sur le terrain de l'éducation, contre la privatisation grandissante du système éducatif marocain et l'accroissement de ses inégalités.

En Tunisie, Bouhid Belhadi, à peine plus âgé, avait combattu les forces de l'ordre dans sa ville natale de Hammamet dès décembre 2010. Quelques semaines plus tard, le régime de Ben Ali tombait. Aujourd'hui membre actif de l'association Shams, le courage toujours chevillé au corps, il mène un combat périlleux pour la dépénalisation de l'homosexualité et la reconnaissance des droits des minorités sexuelles au pays de la révolution du Jasmin.

Les brimades et craintes pour sa sécurité représentent peu à la lumière des dangers que le jeune garçon a bravé à l'adolescence. De son propre aveu, «le chemin est encore long en Tunisie», mais l'avenir de son pays se dessinera avec lui, la société civile et les autres organisations tunisiennes de défense des droits humains.

Après être restée un temps sous l'emprise de la magie du moment révolutionnaire, la génération des «Printemps arabes» est retombée sur terre, lourdement. Pire, elle côtoie l'enfer là où l'État a vacillé, comme en Libye, au Yémen et en Syrie.

Ironie de l'Histoire, cette jeunesse est confrontée au bilan, avant même d'avoir exercé des responsabilités politiques de premier plan. Marginalisée, elle ne peut échapper à l'introspection, et doit réévaluer son action. Après avoir appelé comme de nombreux autres compatriotes à l'organisation d'un «Jour de Colère» le 17 février 2011, Zahra Langhi, universitaire impliquée dans la défense des Droits des femmes en Libye, a été rapidement engloutie par le déferlement de violences dans son pays. Depuis, elle questionne la mesure de son engagement initial. La reconstruction et l'avenir de la Libye ne pourront se réaliser sans davantage de compassion, dit-elle.

En Syrie, un bain de sang effroyable et un exil endémique ont noyé le soulèvement massif et pacifique de 2011. Le regard désenchanté, mais la voix toujours déterminée, l'artiste syrien Ibrahim Fakhri admet qu'il ne sait pas quelle sera l'issue de révolution du 15 mars; et confesse qu'il n'en peut plus de voir ce sang qui n'en fini pas de couler... Pour autant, à lui comme à des millions d'autres, les évènements de 2011 ont donné une raison de vivre, et d'espérer. Chaque jour, ce sont le courage et le souvenir des martyrs qui lui commandent de remettre la main à son travail d'artiste.

Le lien Youtube vers la vidéo d'Ibrahim Fakhri sera disponible le 12 mars au plus tard.

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