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Secteur public : la grève, pourquoi ?

Si vous passez par une ligne de piquetage au cours des six prochaines semaines, et elles sont très nombreuses, signifiez votre appui aux grévistes. C'est important pour elles et pour eux.
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Lorsque vous accompagnez votre enfant au service de garde ou que vous rencontrez la secrétaire de l'école de votre quartier pour lui donner les dernières informations le concernant, vous voyez des travailleuses attentives à vos propos. C'est important. Après tout, il s'agit de votre enfant. Lorsque vous êtes admis à l'urgence, que vous visitiez un proche qui reçoit des soins dans un hôpital ou un grand-parent dans un centre d'accueil, vous n'êtes pas toujours conscient de tout le travail qui est accompli dans cette ruche grouillante pour assurer la qualité des soins et des services. C'est normal. Les services publics font partie de notre vie quotidienne et nous côtoyons tous les jours ces hommes et ces femmes, souvent nos frères, nos sœurs, ou nos voisins qui, par leur travail, nous rendent la vie moins difficile.

Au Québec, ils sont plus de 540 000. En quelque sorte, ils forment une part importante de l'échafaudage de l'État social québécois, que nous avons patiemment et collectivement mis en place depuis 50 ans.

Dans ces moments, c'est avec eux que vous êtes en contact et vous ne voyez sûrement pas les Couillard, Barrette, Coiteux et Blais discourir froidement sur l'efficience, l'équilibre, la rigueur, la flexibilité, les centres intégrés, les déficits, comme s'ils ne s'adressaient qu'à des bureaucrates fixés à leurs bouliers. Car c'est en ces termes que parlent ces gens-là, retranchés qu'ils sont dans leur tour, et indifférents aux soucis de Monsieur et de Madame tout le monde, lorsqu'ils font référence aux travailleuses et aux travailleurs de la santé, des services sociaux, de l'éducation, des organismes gouvernementaux et de la fonction publique.

Dans leur rhétorique faite de chiffres et de pourcentages, il n'est jamais question d'hommes ou de femmes. Que de concepts technocratiques et froids définis par des agences de notation et dans les officines des financiers et des patrons.

Le plan du patron

Que veulent les dirigeants de ce gouvernement, au juste ? Dans sa quête idéologique, le quatuor de choc du Parti libéral du Québec cherche à travestir le rôle donné à l'État comme redistributeur de la richesse créée. Et il prend les moyens pour y arriver.

Il a d'abord institué deux commissions, l'une pour réviser les programmes gouvernementaux et une autre pour revoir la fiscalité, en leur attribuant des mandats taillés sur mesure pour parvenir à ses fins : démanteler morceau par morceau l'État social tout en le privant davantage de revenus par des baisses d'impôt. Il a aussi adopté une loi pour « contrôler » les embauches dans les services publics. En fait, il souhaiterait qu'il y ait moins de monde à l'œuvre pour moins de services accessibles et gratuits. Nous l'avons dit à maintes reprises, sous couvert de réduire le déficit budgétaire, il creuse ainsi un profond déficit social à léguer aux générations futures.

Dans son dessein, la question des milliards de dollars dissimulés au fisc dans les paradis fiscaux n'est jamais posée. Ce n'est pas sans raison. Des revenus, le gouvernement libéral n'en souhaite pas plus. Il en veut juste moins. Son travail méthodique de démantèlement se résume en un mot : austérité.

Austère négociation

C'est cette même austérité qui guide le gouvernement Couillard dans les négociations avec le Front commun. Car pour s'assurer que son plan fonctionne, il doit précariser davantage les emplois et fragiliser les conditions de travail. Il a besoin de toute la flexibilité nécessaire pour répondre aux impératifs des gestionnaires des établissements. Il veut s'assurer que ces derniers puissent par le travail effréné de leurs employé-es, en faire autant, sinon plus, avec moins. Quelle chimère !

Pour réussir à démanteler l'État, les libéraux doivent faire subir un sort semblable aux conventions collectives des travailleuses et des travailleurs du secteur public. Voyez vous-même ce condensé de reculs qu'ils recherchent dans cette négociation en cours depuis un an :

  • Imposer des horaires de travail sur plus de 5 jours
  • Obliger les salarié-es à accepter des emplois à plus de 50 kilomètres du lieu de travail initial
  • Changer le calcul du temps supplémentaire pour en verser moins
  • Imposer des horaires atypiques pour répondre aux besoins des gestionnaires
  • Abolir les primes de rétention pour la Côte-Nord
  • Diminuer l'autonomie professionnelle
  • Restreindre les droits syndicaux qui permettent de défendre les membres.

Il cherche donc à adapter les conventions collectives pour pouvoir transformer les travailleuses et les travailleurs en pions malléables selon les besoins de gestion. Il est beaucoup question ici des départs qui ne sont pas comblés et des absences pour maladie. Sur ce point, les coûts de l'assurance-salaire défrayés par les établissements, donc l'État, ont atteint près de 390 millions de dollars en 2013, tant les absences dues aux surcharges de travail, à l'accélération des cadences et à la pression indue ont été nombreuses ces dernières années. Or, plutôt que de chercher des solutions aux sources des problèmes, qui relèvent souvent de l'organisation du travail, le gouvernement veut restreindre l'accès à l'assurance-salaire et réduire ses bénéfices, dont la durée et les prestations versées.

Que dire des non moins méprisantes « offres » pécuniaires ? Deux ans de gel et 3 % sur trois ans, soit bien moins que l'inflation et, surtout, rien pour combler l'écart qui ne cesse de se creuser entre les salaires versés dans le secteur privé et ceux du secteur public, à la défaveur de ce dernier, bien sûr. Et c'est sans compter les pertes de revenus que propose aussi le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, aux futurs retraité-es. Bien que le régime de retraite des employé-es de l'État soit en bonne condition, il a déposé des demandes qui pourraient faire en sorte de réduire jusqu'à 40 % leurs rentes. Rien de moins.

Ces offres visent-elles à diminuer l'expertise acquise dans les services publics ? Servent-elles à vider de leurs postes les titulaires pour accélérer les pénuries de main-d'œuvre constatées dans plusieurs titres d'emplois ? Comment ne pas y croire ?

Refusons l'austérité en tout

À la CSN, les syndicats sont mobilisés contre l'austérité depuis septembre 2014. Aux côtés des autres syndiqué-es, des groupes féministes, des étudiantes et des étudiants, des militantes et des militants des mouvements sociaux et environnementaux, ils ont massivement participé aux actions contre les politiques du gouvernement Couillard aux quatre coins du Québec. Les offres méprisantes de ce dernier, dans la négociation pour le renouvellement de leurs conventions collectives, sont autant de nouvelles insultes au rôle qu'ils jouent dans la société québécoise et à eux, comme citoyennes et citoyens à part entière.

Depuis la fin de l'été, les manifestations des membres du Front commun se multiplient , dont la spectaculaire marche du 3 octobre qui a vu plus de 150 000 personnes, et pas uniquement des syndiqué-es, dans les rues de Montréal. Ces actions attestent de leur colère et de leur détermination à refuser les visées du gouvernement Couillard. La décision des membres du secteur public de la CSN de voter à 85 % un mandat de grève de 6 jours, avec le Front commun, témoigne de ce ras-le-bol.

En ce 26 octobre, où se dressent des piquets de grève de dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs devant des centaines d'établissements du secteur public, la lutte contre l'austérité prend un nouvel élan. Il en va des services à la population et des conditions de travail de celles et de ceux qui les assurent. C'est le sens profond de cette grève.

Si vous passez par une ligne de piquetage au cours des six prochaines semaines, et elles sont très nombreuses, signifiez votre appui aux grévistes. C'est important pour elles et pour eux.

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