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Budget Leitão: une austérité permanente?

À la veille du dépôt de son troisième budget, les organisations ont été nombreuses à intervenir publiquement pour adresser leurs attentes au gouvernement Couillard.
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À la veille du dépôt de son troisième budget, les organisations ont été nombreuses à intervenir publiquement pour adresser leurs attentes au gouvernement Couillard. En jetant un regard rétrospectif, on remarque une constance dans les revendications populaires à cet égard.

Dès la fin de l'été 2014, la CSN et ses alliés du mouvement progressiste ont demandé l'arrêt des mesures restrictives qui commençaient alors à se mettre en place. La campagne Refusons l'austérité a permis de démontrer une formidable mobilisation populaire et citoyenne contre les politiques de ce nouveau gouvernement et un attachement au modèle québécois, construit morceau par morceau à partir de la Révolution tranquille: un État social fort qui répond aux besoins des Québécoises et des Québécois et qui permet de mieux répartir la richesse, notamment en offrant des services publics et des programmes sociaux accessibles à l'ensemble, dans toutes les régions du Québec. Certes, ils ont été malmenés depuis le début des années 1980, avec les premières réductions budgétaires, les déréglementations et les privatisations. Mais l'attachement de la population à ces acquis n'a jamais été démenti. C'est bien ce qu'ont démontré les mobilisations locales et régionales au cours des deux dernières années.

L'équilibre budgétaire, vraiment?

Le 6 février dernier, nous avons rencontré le ministre Leitão, lors des consultations prébudgétaires. Nous lui avons posé cette question: à l'heure des mesures d'austérité imposées par son gouvernement, à quel moment est-il devenu conscient que son objectif d'équilibrer les finances publiques était atteint, alors même qu'il poursuivait sur la voie des compressions budgétaires?

Au vu des surplus engrangés depuis 2015-2016, soit 5,4 milliards de dollars avant le versement au Fonds des générations, c'est une évidence que le premier objectif du gouvernement Couillard ne concerne pas tant une «saine gestion des finances publiques» que le désengagement de l'État de ses missions historiques. Il aurait très bien pu revenir à l'équilibre budgétaire sur une plus longue période, comme le font d'ailleurs les gouvernements ontarien et canadien.

En outre, il aurait dû tenter d'équilibrer le budget du Québec en recherchant de nouveaux revenus, notamment en établissant une fiscalité plus équitable. Au contraire, les charges fiscales des entreprises n'ont cessé de diminuer, faisant davantage porter de poids sur les épaules des contribuables. Depuis plus d'une dizaine d'années, il a réduit les taux d'imposition sur l'investissement et les profits sans que cela ait d'effets tangibles sur les investissements des entreprises. Encore dernièrement, il a abaissé la cotisation des employeurs pour financer l'application de la Loi sur les normes du travail. Évidemment, la question de l'évasion fiscale est toujours abordée en sourdine...

Le gouvernement libéral a plutôt poursuivi son plan de démolition en les coupant, en les sous-finançant et en détournant des sommes colossales vers le remboursement de la dette.

Enfin, il aurait pu réinvestir dans les services, dans les programmes, dans le financement des organismes communautaires, dans le développement régional dès le moment où le déficit zéro a été atteint. Le gouvernement libéral a plutôt poursuivi son plan de démolition en les coupant, en les sous-finançant et en détournant des sommes colossales vers le remboursement de la dette.

Une austérité permanente Le premier ministre Couillard présente l'atteinte du déficit zéro et la réalisation des surplus budgétaires comme des faits d'armes, malgré tous les torts que ses politiques, en sabrant dans l'éducation, la santé, les services sociaux, les services de garde éducatifs et les politiques de développement régional, ont causés aux familles, aux jeunes, aux femmes, aux personnes âgées. La situation demeure plus fragile que jamais. Car, en agissant ainsi, il a créé un déficit social qui ne peut que se creuser davantage du fait du démantèlement de notre État social. En outre, le vieillissement de la population accentuera la pression sur la santé et les services sociaux alors que la croissance économique demeure faible.

Il faut comprendre que la dette est maîtrisée. En utilisant la méthode de l'OCDE, on constate que la dette brute du Québec en 2015 s'élevait à 109,7 % du PIB, soit un niveau plus élevé que celui du Canada (98,5 %), mais inférieur à ceux des pays de la zone euro (110,5 %), des États-Unis (113,6 %), de l'OCDE (115,5 %) et du Royaume-Uni (112,8 %) alors que celui de la France représente 120,8 %.

Un réinvestissement nécessaire C'est pourquoi nous demandons au gouvernement de renoncer à son engagement électoral de consacrer la moitié des surplus aux baisses d'impôt et de taxes, et l'autre moitié au remboursement de la dette. S'il poursuit sur cette lancée, il enfoncera le Québec dans une austérité permanente du fait de la récurrence du sous-financement des programmes, entre autres parce qu'il consacre trop de revenus au Fonds des générations. La réduction du fardeau fiscal maintiendra les équilibres financiers du gouvernement du Québec dans un état de précarité.

Devant cette situation, il doit plutôt s'en tenir à son engagement électoral de rétablir un financement adéquat pour les grandes missions de l'État, soit de ramener la croissance des dépenses en éducation à 3,5 % par année et celle des dépenses en santé et en services sociaux à 4 % par année. De telles mesures correspondraient aux coûts de système, mais elles ne corrigeraient absolument pas les effets des coupes depuis plus de deux ans. Il doit assurément considérer la suspension des versements au Fonds des générations pour répondre à cette promesse.

Pour maintenir l'équilibre des finances publiques, le gouvernement doit accélérer la croissance des revenus de l'État québécois en utilisant tous les leviers dont il dispose afin de relancer l'économie et la création d'emplois : des politiques sectorielles adaptées, d'innovation, de recherche et développement, d'appui à l'investissement et qui visent la création d'emplois et des programmes de formation adéquats.

Le gouvernement libéral doit aussi accroître ses revenus en instaurant un impôt minimum aux entreprises et en relevant celui des plus fortunés. La lutte à l'évasion fiscale et à l'évitement fiscal doit aussi faire partie de ses priorités.

Nous ne nous faisons pas d'illusions quant aux intentions véritables du gouvernement Couillard. Nous émettons simplement ces propositions pour le prendre au mot lorsqu'il affirme vouloir le bien du Québec. En passant, le ministre Leitão n'a jamais répondu à la question que nous lui avons posée.

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