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Mondial 2014 au Brésil: la coupe est pleine (partie 3)

Les Brésiliens n'ont pas du tout digéré les 18 milliards d'impôts partis en fumée dans la construction d'infrastructures et de stades monumentaux qui ne serviront parfois à rien après la Coupe du monde.
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...Suite de la partie 2

Un contexte particulier : des grèves larvées dans plusieurs secteurs depuis 2 ans

Le Sindicato Nacional dos Servidores Federais da Educação Básica, Técnica e Tecnológica (SINASEFE), depuis plusieurs mois est en activité pour réclamer des augmentations de salaires pour les enseignants, mais aussi des meilleures conditions de travail. Ce syndicat est puissant et il est mobilisé très activement contre le Coupe du monde de soccer, notamment en exigeant de l'argent pour les écoles et les universités et pas pour les stades de soccer.

Là encore, il faut avoir vu des écoles et des universités dans la zone amazonienne, dans le Parà et même dans certains quartiers de Rio, de Campinas ou de São Paolo ou dans les campagnes de l'est, du centre ou du nord pour comprendre quelles sont les difficultés rencontrées.

Un enseignant, dans une grande ville (Rio de Janeiro, São Paolo, Brazilia, Belo Horizonte, Fortaleza, Florianopolis, Salvador de Bahia), où les prix sont équivalents à ceux de l'Europe occidentale, est obligé de réaliser deux voire trois séquences d'enseignement pour pouvoir vivre décemment, autrement dit encore enseigner plus de 45 heures par semaine. Il gagne en moyenne 1000 reals par mois, ce qui est très insuffisant pour vivre en zone urbaine.

En outre, faute de locaux adaptés dans bon nombre de zones, il faut faire se succéder plusieurs classes dans la même journée. En effet, en moyenne l'horaire légal est de quatre heures par jour. On peut donc faire un cours de 7h à 11h, puis de 11 h à 15 h et parfois même de 15h à 19h... Il y a 40 à 50 élèves par classe dans l'enseignement primaire. Les élèves sont donc oisifs une bonne partie de la journée ou du moins livrés à eux-mêmes. Dans certaines communes du Maranhão par exemple, les cours ont lieu seulement de 18h à 22h et les enfants ne font rien du reste de la journée.

13% des écoles rurales ne disposent pas de réseau électrique. Seules 25% des écoles ont une bibliothèque. 23% disposent d'un terrain de sport, moins de 10% on un réseau internet. Les élèves par ailleurs peuvent accéder à l'école à n'importe quel âge, ce qui créé évidemment d'énormes disparités dans les classes. Dans ces conditions on comprend qu'un élève sur cinq abandonne l'école après le premier cycle et que seuls 9% des élèves accèdent à l'enseignement supérieur. Pour ce qui est de l'enseignement supérieur et pour éviter que seuls les élèves du privé puissent y accéder 50% des places sont réservées aux élèves des écoles publiques.

Le choix du privé pour les plus privilégiés s'impose. Mais une inscription dans le privé coûte entre deux et cinq fois le salaire minimum brésilien (400 reals par mois) soit entre 700 et 2000 reals par mois. Les classes populaires et moyennes, qui gagnent entre 1000 et 4000 reals par mois, n'ont donc guère d'autre choix que d'aller à l'école publique très critiquée pour ses faiblesses.

On comprend aussi que les Brésiliens préféreraient que les milliards qui sont affectés par l'État à la construction des stades et des infrastructures de la Coupe du monde le soient pour bâtir des écoles ou pour les améliorer dans leur fonctionnement.

Une Coupe du monde sous tensions et fédératrice des luttes pour la justice sociale

Au regard de l'ensemble des conditions qui viennent d'être décrites, il est évident que cette Coupe du monde peut s'avérer particulièrement explosive d'autant que certains syndicats assez puissants au Brésil l'ont prise comme objectif médiatique pour faire valoir leurs droits. Les enseignants revendiquent une augmentation de salaire de 20% (on le comprend au regard de leurs conditions de vie) et vont se mobiliser durant la Coupe du monde, mais ils ne seront pas les seuls à profiter de l'exposition médiatique que constitue la Coupe du monde pour manifester et faire valoir leurs droits. Les groupes indigènes vont tenter d'occuper le devant de la scène tout comme les usagers des transports en communs, ou de la santé elle aussi particulièrement mal traitée pour le plus grand nombre.

Les Brésiliens n'ont pas du tout digéré les 18 milliards d'impôts partis en fumée dans la construction d'infrastructures et de stades monumentaux qui ne serviront parfois à rien après la Coupe du monde.

Il faut rajouter à cela qu'au regard de phénomènes de corruption récurrents le Parti des travailleurs de Lula da Silva, si populaire après la chute de la dictature, est en perte d'influence nette dans les classes moyennes, chez les enseignants, les fonctionnaires et même parfois dans les classes populaires qui ont pourtant bénéficié d'une politique parfois qualifiée de populiste et électoraliste.

Les actions violentes d'une police militaire qui peut très vite être assimilée à la dictature pas si lointaine dans le temps et dans les esprits, pourraient très bien jeter de l'huile sur le feu notamment si son action se porte sur les favelas et quartiers populaires et a fortiori sur les classes moyennes cultivées.

Le seul espoir pour que cette Coupe du monde puisse se tenir dans des conditions acceptables est que le «Dieu football» substitut des Orixas (ou orishas, sortes de dieux animistes) du condomblé (religion semi animiste semi chrétienne très présente au Brésil avec les évangélistes) et la passion du jeu des classes moyennes et populaires prenne le dessus sur les revendications de masse pour plus de justice sociale.

La partie est loin d'être gagnée d'avance.

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