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35 ans de mariage: lettre à mon épouse

Le 30 décembre 1978, nous disions «Oui, je le veux». Tu parles d'une idée de se marier entre Noël et le Jour de l'an, même si les arbres avaient revêtu leurs habits de noce. 35 ans, déjà! En me réveillant le matin du 30 décembre 2013, je t'ai dit: «T'as beaucoup ronflé cette nuit». Pas très romantique, n'est-ce pas?
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Jacques Gauthier et Anne-Marie Bernier, 30 décembre 1978

Ce billet a été publié dans sa version intégrale sur le blogue de Jacques Gauthier

Le 30 décembre 1978, nous disions « oui, je le veux ». Tu parles d'une idée de se marier entre Noël et le Jour de l'an, même si les arbres avaient revêtu leurs habits de noce. Trop fatigués pour fêter cet anniversaire chaque année, nous avons préféré le 1er mai, jour où l'on s'est dit « je t'aime » la première fois. De l'absolu de cet amour fondateur découle tout le reste.

Trente-cinq ans, déjà ! En me réveillant le matin du 30 décembre 2013, je t'ai dit : « T'as beaucoup ronflé cette nuit ». Pas très romantique, n'est-ce pas ? Et tu m'as répondu : « Après trente-cinq ans, la marchandise est non échangeable ». L'humour, voilà une première pierre à conserver sur le chemin quand on jette un coup d'œil au rétroviseur de notre vie à deux. Humour, humilité, pour être capable de rire de soi, de notre couple, sans blesser.

Alors, je me suis dit : pourquoi ne pas souligner cet anniversaire en écrivant sur mon blogue une lettre à mon épouse. J'en conviens, ce n'est pas très sexy de parler de la personne avec qui l'on vit au quotidien depuis si longtemps. La vie conjugale, comme la relation avec Dieu, est chose si intime et personnelle, qu'il peut paraître impudique de l'étaler au grand jour. Mais un 35e, ça n'arrive qu'une fois. Je n'attends pas que tu sois morte pour t'adresser ces mots, malgré les clichés, les bons sentiments, les sarcasmes, les blessures.

Je n'adresse pas cette lettre à ma « chum », je sais que tu as horreur de ce mot, mais à toi, mon épouse, ma conjointe, ma femme, qui m'accompagne fidèlement depuis l'âge de vingt-sept ans. Il n'y a que toi pour porter ce titre et il n'y a que moi pour être ton époux, ton conjoint, ton homme. Le 1er mai 1978, je t'avais avoué ceci qui t'avais beaucoup touchée : « Je te serai fidèle toute ma vie ». Il fallait beaucoup de folie pour risquer ainsi l'avenir, pour t'offrir ma présence au jour le jour, quoiqu'il arrive, dans le respect des différences. Fidélité, une création à faire, un cheminement de confiance et de foi, la deuxième pierre sur notre chemin.

La vie avec toi m'a rendu plus humain. C'est tout un défi ce « vivre ensemble », il faut une sorte de charte des valeurs pour durer sans trop s'écorcher. La foi nous a aidés à tenir l'alliance, car une vie de couple, ça se bâtit. Foi en soi et en l'autre, foi conjugale et théologale, foi que l'on porte en des vases fragiles, mais que l'on découvre au fil de l'âge comme un trésor inespéré. La foi, et son corollaire la prière, voilà bien cette troisième pierre qui cimente notre couple.

Vivre en couple et en famille, c'est une manière de vivre l'échange, la relation, le partage. Nos quatre enfants et deux petites-filles sont nos plus grandes réussites. Comme nous, ils ne sont pas parfaits, mais ils veulent aimer et partager, c'est ce qui compte. Et je pose ici la quatrième pierre de notre couple, le partage. Aujourd'hui, tu réalises ton rêve d'accompagner les personnes en fin de vie, en soins palliatifs. Moi, je continue à donner des retraites spirituelles et des conférences, et j'écris toujours, bien sûr. Le bonheur, ça se partage, chacun à sa manière, et plus on le donne, plus il grandit.

À Noël, nous avons joué à « Un brin de jasette ». C'était beau d'entendre les réponses de nos enfants à différentes questions. Nous sommes un tel mystère pour chacun et nous n'avons jamais fini de naître. On ne connaît pas vraiment nos enfants, comme nous ne nous connaissons pas totalement. Pourtant, je pouvais deviner tes réponses et toi les miennes. On s'en étonnait, mais c'est souvent comme cela. Cette complicité entre nous, qui vient de l'intériorité partagée, voilà la cinquième pierre de notre édifice conjugal.

Vivre en couple, c'est tout de même un sport extrême. On ne compte plus les nombreux accidentés de l'amour qui ont jalonné notre route. Quand on écrit sa vie dans l'alliance de deux corps, il arrive que l'étreinte sonne faux, que la vie de couple ne soit plus cette œuvre d'art qu'on voulait créer. Nous avons misé sur le pardon, sixième pierre sur le chemin d'un amour fécond.

Aujourd'hui, que reste-t-il de notre amour ? Je dirais plutôt avec Ferrat : «Que serais-je sans toi?» Les saisons brûlantes des premières années ont passé, où nous prenions le temps de vivre, comme le chantait si bien Moustaki. Les enfants sont venus, nous avons joué notre symphonie du mieux qu'on pouvait à la maison, et avec le temps nous avons continué à aimer. Tous n'ont pas cette grâce, car on meurt souvent sur la patine du temps, usé par la routine, meurtri par les habitudes, comme l'exprimait si bien mon vieux Léo Ferré. Les chansons, comme la prière, ont été des bâtons de pèlerin sur notre route, des phares dans la nuit. Il nous reste la tendresse, ce langage quotidien de l'amour, que Brel a su évoquer avec panache, cette dernière pierre au cœur qui devient braise rouge.

Trente-cinq ans de mariage, noces de rubis. J'avais écrit au début de notre relation ces vers qui sont gravés sur un édifice à Trois-Rivières, ville de la poésie : « Plus feu que ton corps / Le soleil s'y brûlerait ». Même si le rouge passion n'est plus aussi ardent dans notre couple, la transparence de cette pierre précieuse symbolise bien l'union qui est la nôtre. Elle a pris la couleur de nos sept autres pierres, jetées sur le chemin comme autant de balises, pour mieux le retrouver au retour : humour, fidélité, foi, partage, complicité, pardon, tendresse.

Pour aller plus loin, ces guides que j'ai écrits sur les âges de la vie et qui ont nourri notre union : Les défis du jeune couple, La crise de la quarantaine, Les défis de la soixantaine.

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