Ce texte a été adopté à l'unanimité lors de notre Comité annuel qui a eu lieu à Paris, le 13 décembre dernier.
Les autorités européennes désignées suite aux élections de mai 2014 ont une responsabilité historique, sinon écrasante : face à la pression conjointe des eurosceptiques et des europhobes, il leur incombe de donner d'urgence un nouvel élan à la construction européenne, critiquée comme rarement, mais toujours aussi nécessaire dans une mondialisation où l'Europe vieillit et rétrécit.
Ce nouvel élan, les Européens le trouveront d'abord en regardant le monde, bien davantage qu'ils ne l'ont fait pendant l'interminable et ravageuse crise de la zone euro. Vus de Pékin, de Brasilia ou de Bamako, nous sommes d'ores et déjà unis autour de la volonté de concilier efficacité économique, cohésion sociale et protection de l'environnement, dans un cadre pluraliste. Unissons-nous davantage pour promouvoir cette volonté commune, nos intérêts et nos valeurs dans un monde de moins en moins euro-centrique, grâce à des politiques commerciales et d'aide extérieure plus cohérentes, la création d'une véritable Union de l'énergie, ou encore le patient renforcement de notre politique étrangère et de défense commune - car l'union fait la force ! Cette union-là a naturellement besoin du Royaume-Uni, si la majorité de ses citoyens souhaitent continuer à en faire partie - car l'union n'est pas une prison ! Elle s'étendra après 2020 à quelques autres pays voisins, essentiellement dans les Balkans - son urgence à court terme étant de progresser simultanément à 28 et dans le cadre de la zone euro, pour retrouver des niveaux de croissance et d'emplois restaurant son dynamisme interne comme sa crédibilité sur le plan extérieur.
Donner un nouvel élan à l'UE suppose aussi de faire un meilleur usage des opportunités qu'elle offre comme espace d'échanges économiques et humains et comme puissance publique : même si les Etats restent maîtres des grands choix économiques, éducatifs et sociaux, la sortie de crise passe aussi par l'Europe ! Approfondissons le marché unique dans le domaine des services, de l'économie numérique, du marché des capitaux et des grandes infrastructures, afin de créer une croissance plus qualitative et davantage d'emplois, et sortons enfin de la concurrence mortifère en matière sociale et fiscale. Préservons et promouvons la libre circulation des travailleurs et des personnes, dont dépendent des millions de postes de travail, dans le respect du principe de non-discrimination, en la complétant par une politique commune et solidaire de l'immigration. Dépensons et investissons davantage ensemble, y compris en soutenant vigoureusement le plan proposé par la Commission Juncker, malgré ses limites, et en demandant aux Etats et aux acteurs privés de l'abonder plus massivement. Agissons ensemble pour lutter contre le chômage des jeunes et éviter qu'une génération perdue ne se forme. Parachevons l'union économique et monétaire en respectant les grands principes et règles qui la fondent, notamment s'agissant du contrôle de l'excès d'endettement (et non de l'endettement), et en la dotant de mécanismes politiques de légitimation et d'outils financiers de stabilisation et d'aide aux réformes, qui permettent d'éviter d'en revenir à l'Europe-FMI de ces dernières années.
Pour beaucoup d'Européens, cette "Europe-FMI" a été vécue comme une menace, parce qu'elle a été le vecteur d'une aide conditionnée à des réformes et coupes budgétaires douloureuses et injustes; on oublie trop souvent qu'elle a eu le mérite d'organiser une solidarité entre les Etats, d'ailleurs parfois mise en cause. Donner un nouvel élan à la construction européenne, c'est également lui permettre d'apparaître non comme une menace, mais comme une réponse aux menaces et défis qui nourrissent les peurs, tout en renforçant en réalité l'intérêt de s'unir : la confrontation avec Vladimir Poutine et l'instabilité de nombreux pays voisins, qu'il faut soutenir dans leur combat (en Ukraine comme en Tunisie) ; l'existence de foyers terroristes au Sahel et au Proche-Orient ; les ravages de la finance folle et de l'optimisation fiscale incontrôlée; les spectres de la déflation et de la désindustrialisation ; les risques liés au changement climatique et à la dépendance énergétique extérieure... Les nouveaux décideurs européens peuvent céder à la tentation aisée de limiter la production de normes sanitaires ou environnementales incomprises et brocardées, dont la vertu technique est de fait souvent inférieure aux dégâts politiques qu'elles suscitent. Mais c'est in fine sur leur capacité à répondre efficacement aux principales menaces et défis qu'affrontent les Européens qu'ils seront aussi jugés au terme de leurs mandats.
L'aventure communautaire a été lancée il y a plus de 60 ans pour stimuler notre reconstruction et créer un espace de paix et de respect mutuel face à la division de l'Europe: elle doit plus que jamais démontrer sa double capacité à stimuler et à protéger les citoyens qu'elle a vocation de servir au cours des années décisives qui s'annoncent. Mesdames et Messieurs les responsables de l'UE, il est minuit moins le quart!
Comité européen d'orientation 2014: liste des participants
Joaquín Almunia, ancien Vice-président de la Commission européenne et ancien Commissaire à la concurrence
Pascale Andréani, Conseillère diplomatique du gouvernement, Ambassadrice, ancienne Représentante permanente de la France auprès de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)
Gérard Andreck, ancien Président de la MACIF
Enrique Barón-Crespo, Président du Conseil d'administration de l'International Yehudi Menuhin Foundation, ancien Président du Parlement européen, ancien Président du groupe parlementaire des socialistes européens
Erik Belfrage, Conseiller auprès du Président de la Fondation Marcus Wallenberg et du Conseil de l'Institut suédois d'Affaires internationales, membre de la Chambre de commerce international et de la Commission trilatérale
Pervenche Berès, Députée européenne, Présidente de la délégation socialiste française
Yves Bertoncini, Directeur de Notre Europe - Institut Jacques Delors
Emma Bonino, ancienne Ministre des affaires étrangères d'Italie
Josep Borrell, ancien président de l'Institut universitaire européen de Florence et ancien Président du Parlement européen
Jean-Louis Bourlanges, Président de la Fondation du Centre, Conseiller maître à la Cour des Comptes, ancien député européen
Laurent Cohen-Tanugi, Avocat et écrivain
Etienne Davignon, Président de Friends of Europe, Ministre d'État belge, ancien Vice-Président de la Commission européenne
Renaud Dehousse, Directeur du Centre d'études européennes, Sciences Po Paris
Jacques Delors, Président du CEO, Président fondateur de Notre Europe - Institut Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne
Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat
Isabelle Durant, députée de la région de Bruxelles-Capitale, ancienne Vice-présidente du Parlement européen
Henrik Enderlein, Directeur du Jacques Delors Institut - Berlin, professeur d'économie politique à la Hertie School of Governance - Berlin
Emilio Gabaglio, ancien Secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats
Nicole Gnesotto, Professeur titulaire de la Chaire sur l'Union européenne au CNAM, Vice-Présidente de Notre Europe - Institut Jacques Delors
Elisabeth Guigou, Députée française, Présidente de la Commission des Affaires étrangères, ancienne Ministre française
Pascal Lamy, Président d'honneur de Notre Europe - Institut Jacques Delors, ancien directeur de l'OMC
Eneko Landaburu, Directeur Général, "Relations extérieures", Commission européenne, ancien Ambassadeur, Chef de la Délégation de l'Union européenne auprès du Royaume du Maroc
Enrico Letta, professeur invité à Sciences Po, ancien Président du Conseil italien
Pierre Lepetit, Vice-Président du Conseil d'administration, Inspecteur général des finances
Florence Mangin, Diplomate
Vitor Martins, Conseiller pour les affaires européennes du Président de la République portugaise, ancien Ministre portugais
Riccardo Perissich, Vice-président exécutif de la représentation italienne du Conseil des États-Unis et de l'Italie, ancien Directeur général pour l'Industrie à la Commission européenne,
Alojz Peterle, député européen, ancien Premier ministre slovène
Gaëtane Ricard-Nihoul, Chef de la Représentation de la Commission européenne en France (ff), ancienne secrétaire générale de Notre Europe - Institut Jacques Delors
Maria João Rodrigues, Députée européenne, Conseillère pour les politiques économiques et sociales auprès de la Commission européenne, professeur à l'Université de Lisbonne
Javier Solana, Président de l'ESADEgeo, membre éminent de la Brookings Institution, ancien Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune
Pedro Solbes, Président de la Fundación para las Relaciones Internacionales y el Diálogo Exterior (FRIDE), ancien Ministre espagnol, ancien Commissaire européen
Christian Stoffaës, Professeur associé à l'Université Paris IX-Dauphine, Membre du conseil d'administration du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII)
Frank Vandenbroucke, Professeur à la KU Leuven, homme politique belge, membre du parti socialiste flamand
Christine Verger, Directrice des relations avec les parlements nationaux à la Direction générale de la Présidence du Parlement européen, ancienne secrétaire générale de Notre Europe - Institut Jacques Delors
António Vitorino, Président de Notre Europe - Institut Jacques Delors, Avocat, ancien Commissaire européen, ancien Ministre portugais
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