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Malade notre système de santé? Congestion dans les services diagnostiques

La surconsommation d'examens diagnostiques et thérapeutiques entraîne des coûts énormes, ce qui force l'hôpital à diminuer l'accès aux services.
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Les problèmes d'accessibilité aux services diagnostiques et thérapeutiques constituent un frein majeur au bon fonctionnement de notre système de santé. Nous l'avons encore constaté la semaine dernière, où l'on réalisait qu'il pouvait prendre jusqu'à 10 semaines dans certaines régions pour avoir les résultats d'un simple test de dépistage du cancer du col utérin (PAP test).

Bien souvent, pour confirmer un diagnostic ou encore pour administrer une thérapie, le médecin devra recourir à des examens. Qu'il s'agisse d'une radiographie, d'un scan pour dépister un cancer ou encore d'une radiothérapie pour en guérir un autre, il reste que si ces services sont continuellement débordés, ni le dépistage, ni le traitement ne pourront s'effectuer de façon optimale.

Pour en arriver à un tel niveau d'engorgement, plusieurs facteurs peuvent être invoqués.

Une surconsommation des services

En somme, il existe deux façons d'envisager le diagnostic : par diagnostic différentiel, où le médecin établit un diagnostic et le confirme, si besoin est, par des tests diagnostiques (analyses de laboratoire, échographies, radiographies, scans, etc.) ; ou encore, à l'inverse, le médecin demande le plus de tests possibles et établit son diagnostic en fonction des résultats de ces tests.

Cette dernière façon conduit inévitablement à une surconsommation des services, sans plus de garanties d'une amélioration quelconque au plan diagnostic.

Un manque de rigueur en regard des règles d'utilisation

Par exemple, une radiographie n'est pas nécessaire pour confirmer un diagnostic. Cependant, le médecin décide (au cas où) de demander quand même un examen radiologique pour se rassurer, pour satisfaire à la demande du patient, ou encore parce qu'un autre médecin le demandera à sa place.

Une répartition inégale des services

Tel ou tel autre service d'un hôpital est suréquipé dans une technologie donnée, privant ainsi les autres services d'accès au développement d'autres technologies.

Une absence de règles claires en regard de choix de société

Doit-on réellement faire passer une angiographie (technique visant à dépister les blocages coronariens) à une personne de 80 ans dont la qualité de vie ne serait pas améliorée ? Sans choix de société clair, la règle de l'universalité s'applique : tous les individus ont droit à tous les services.

La limitation des heures ouvrables des services

Plusieurs services ne sont ouverts que huit heures par jour et certains ne sont efficaces qu'à peine six heures, lorsqu'on enlève les périodes de réunions, de dîner et de pauses. Une si faible disponibilité est un facteur qui limite l'accessibilité. À six heures sur vingt-quatre, on peut parler d'à peine 25 % d'accessibilité durant les jours ouvrables.

La situation est encore pire si on considère les jours fériés, les vacances et les congés de maladie. Il n'est pas si rare de voir une chirurgie pour pontages coronariens reportée d'un vendredi au mercredi suivant parce qu'on est à la veille du congé pascal et que, pendant trois jours, l'hôpital roulera à personnel réduit.

La duplication d'un examen d'un établissement à un autre par manque de communication technologique

Sans dossier informatisé, un patient qui se présente dans un hôpital pourra devoir repasser des examens qui ont déjà été effectués dans un autre établissement. C'est pourquoi le dossier informatisé est si important : il pourra sauver temps et argent, tout en étant des plus bénéfiques pour le patient, qui n'aura plus à subir ces duplications.

Finalement, et non le moindre, l'aspect financier

La surconsommation d'examens diagnostiques et thérapeutiques entraîne des coûts énormes, ce qui force l'hôpital à diminuer l'accès aux services. Des mesures cohérentes et pertinentes permettant de diminuer sensiblement cette surconsommation permettraient certainement d'augmenter d'autant l'accès aux services diagnostiques et thérapeutiques.

D'ailleurs le même raisonnement peut s'appliquer à tous les services hospitaliers. Pourquoi l'hôpital n'est-il opérationnel que 8 heures par jour, quand ses infrastructures et ses appareils technologiques sont présents et fonctionnels 24 heures par jour ? Surtout lorsqu'on considère, tout comme pour les services, que ces huit heures n'en sont plutôt qu'à peine six.

Ainsi, il n'est pas rare (euphémisme pour dire qu'il est plutôt fréquent) qu'un centre hospitalier voie un certain nombre de blocs opératoires fermer avant l'heure prévue. En effet, souvent le dernier cas inscrit sera reporté au lendemain de crainte de dépasser l'heure de fermeture habituelle du bloc.

Dans son livre intitulé Et si le système de santé vous appartenait ?, le Dr Yves Lamontagne en fournit un bel exemple :

«Mon second exemple m'a été donné par des chirurgiens d'un grand hôpital de Québec. Ceux-ci m'ont raconté que la salle d'opération ouvre à 8 heures, mais que l'intervention ne peut avoir lieu avant 8 h 45 en raison de la préparation de la salle et de l'attente de tout le personnel requis. Si l'intervention est terminée à 14 h 15, ils ne peuvent en commencer une seconde puisque les salles d'opération ferment à 16 heures. Au total, ils ne peuvent opérer qu'un cas par jour dans une salle d'opération qui, somme toute, ne fonctionne que pendant 6 heures sur 24. Des millions de dollars sont investis dans des salles d'opération qui sont fermées 18 heures par jour, faute de ressources budgétaires pour payer les heures supplémentaires du personnel.»

Dr Yves Lamontagne, Et si le système de santé vous appartenait ?, Québec Amérique, 2006, p. 30.

Des faux arguments

Pour justifier ces freins à la productivité en milieu hospitalier, deux arguments sont habituellement invoqués : les coûts et le manque de ressources humaines.

Concernant les coûts, le raisonnement est le suivant : en augmentant les heures opératoires et celles des services, on augmente automatiquement les coûts. Mais en réalité, la chirurgie qui n'est pas entreprise à 14 h 30 sera reportée au lendemain ou à un autre jour, et sera tout de même effectuée. Il n'y a donc pas d'économie réelle, d'autant plus que les ressources mises en œuvre pour préparer le patient à sa chirurgie devront être reprises inutilement. Combien coûtent en réalité ces reports, tant sur le plan financier que sur le plan humain ?

L'autre argument invoqué est le manque de ressources humaines. Il s'agit ici d'un faux prétexte : bien des professionnels, tant du secteur public que privé, seraient ravis d'avoir accès à plus d'heures opératoires.

La question d'augmenter les heures fonctionnelles de nos hôpitaux mérite certes d'être correctement évaluée. L'organisation des activités de certains services mériterait aussi d'être reconsidérée. Par exemple, faut-il deux ou trois infirmières en salle d'opération alors qu'un auxiliaire technicien pourrait effectuer le même travail qu'une des infirmières ? La formule remporte un réel succès aux États-Unis.

Référence : Jacques Beaulieu, Révolutionner les soins de santé. C'est possible !, Éditions Trois-Pistoles, 2012.

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