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Le médicament doit s'inscrire comme un des éléments dans un ensemble d'interventions visant l'amélioration non seulement de la longévité de la vie, mais aussi et surtout, de la qualité de vie.
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Cette attitude de contestation de certains médicaments provoque un sentiment néfaste de culpabilité à des personnes aux prises avec ces problèmes.
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Cette attitude de contestation de certains médicaments provoque un sentiment néfaste de culpabilité à des personnes aux prises avec ces problèmes.

Trop souvent, j'entends des lignes ouvertes où la question est : pour ou contre les médicaments. Bien sûr, cette interrogation ouvre la porte à ceux qui crient le plus fort contre les médicaments. Mais au-delà de cette réaction attendue sinon espérée par l'animateur radiophonique, il est permis d'essayer de comprendre le pourquoi de ce mouvement anti-médicament qui, fort heureusement, demeure marginal.

Tous les médicaments ne sont pas jugés de la même manière

Certains font même la quasi-unanimité. On peut penser aux antibiotiques lors d'infection ou encore à l'insuline pour les diabétiques. Même les antidouleurs semblent épargnés de la grogne populaire. À l'inverse, ceux qui semblent susciter davantage ce mécontentement sont surtout les médicaments qui agissent sur l'aspect psychologique de l'être humain. Antidépresseurs, anxiolytiques, Ritalin et somnifères font partie de ceux-ci.

Deux poids, deux mesures :

Ainsi en ce qui concerne les somnifères, TVA titrait : Les Québécois ont de plus en plus recours aux somnifères pour régler leurs problèmes de sommeil, alors que le nombre d'ordonnances pour certaines prescriptions a bondi de 41% en cinq ans, selon des données obtenues par Le Journal de Québec.

Les spécialistes et psychologues interrogés par Le Journal ne se surprennent pas de cette hausse de prescriptions, qui peut s'expliquer par des rythmes de vie effrénés, de l'anxiété de performance au travail, une mauvaise gestion de l'équilibre entre le travail et les loisirs, en plus des téléphones, tablettes ou autres, consultés avant d'aller au lit.

Selon Statistiques Canada, 43% des hommes et 55% des femmes ont de la difficulté à dormir ou à rester endormis la nuit.

Les mêmes inquiétudes semblent affecter ceux qui consomment des anxiolytiques ou encore du Ritalin, etc.

Pourquoi ?

Personnellement, je crois que cette distinction survit encore à cause de préjugés lointains qui ont la couenne dure comme on disait anciennement. Les maladies qui s'attaquent à tous les organes sont bien admises sauf celles qui concernent l'intellect. Bien peu condamneront un diabétique de prendre son insuline ou encore une personne atteinte de pneumonie d'avaler un antibiotique. Dans la perception populaire, il s'agit là de vraies maladies devant être traitées par de vrais médicaments.

Mais il semble normal et de bon ton de s'interroger du bien-fondé de prendre un anxiolytique, un somnifère ou un antidépresseur lorsqu'on souffre d'anxiété, d'insomnie ou de dépression. Malgré le nombre d'années et toutes les campagnes de sensibilisation, ces maladies ne sont pas encore admises comme étant de véritables maladies. Une crise de foie, oui, une crise au cerveau pas tout à fait?

La remise en question des médicaments

Mais la sempiternelle remise en question de ces types de médicaments apporte bien des effets pervers. Le premier, et non le moindre, s'attaque aux personnes mêmes qui les utilisent. C'est un peu comme si on leur disait qu'elles ne sont pas vraiment malades, que la prise de ces médicaments est un pis-aller à leur incapacité plus ou moins volontaire de gérer leur stress, leur anxiété ou leur sommeil. Voilà certainement pas de quoi renforcer leur estime personnelle à ces personnes qui justement en aurait grandement besoin. Lorsque l'on vit une situation de détresse, l'estime personnelle risque bien de se retrouver au plus bas niveau. Si en plus vous vous faites sans cesse répéter que les médicaments que vous prenez ne sont pas nécessaires, vous comprenez que non seulement vous avez de la difficulté à reprendre votre vie en main, mais par surcroit, les moyens que vous acceptez pour vous en sortir ne sont pas les bons. Pas très encourageant ni pour le présent, ni pour l'avenir, et il y a même là de quoi augmenter la perception négative de l'existence...

Cette attitude de contestation de certains médicaments provoque un sentiment néfaste de culpabilité à des personnes aux prises avec ces problèmes.

Cette attitude de contestation de certains médicaments provoque un sentiment néfaste de culpabilité à des personnes aux prises avec ces problèmes. Il y a des parents qui se sentent coupables parce qu'un enfant prend du Ritalin. Il y a d'autres personnes qui se sentent coupables de prendre un antidépresseur. Toutes ces attitudes ne favorisent certainement pas leur santé.

Un autre effet pervers consiste en ce qu'il convient d'appeler la fidélité aux traitements. Plusieurs personnes vont accepter, de peine et de misère, de prendre un médicament. Mais, dès que leur situation semblera s'améliorer, ne serait-ce qu'un tant soit peu, elles cesseront leur médication. Bien de ces médicaments mettent plusieurs jours, voire semaines, avant que leurs effets ne se fassent sentir et, lorsqu'ils commencent à opérer, ils mettront aussi un certain temps avant de cesser leur action positive. C'est pourquoi plusieurs cessent leur médication dès que les premiers effets se font sentir et restent convaincus un certain temps qu'ils avaient raison puisqu'ils ne voient pas de différence depuis qu'ils ont cessé de prendre leurs médicaments. Bien sûr, lorsque les effets positifs se seront estompés, ces personnes renoueront inexorablement avec leurs problèmes et le tout sera à recommencer amenant encore plus de découragement et de perte d'espoir.

Lorsque cette routine n'est pas exécutée sur une période suffisamment longue, l'insomnie risque bien de revenir en force.

Le même constat pourrait toucher les personnes souffrant d'insomnie. Pour plusieurs, cette insomnie est causée par un rythme irrégulier du sommeil. Trop peu de sommeil provoquera des périodes de siestes plus ou moins longues durant le jour, ce qui amènera des difficultés à s'endormir le soir et ce cercle deviendra de plus en plus infernal. Le somnifère peut induire le sommeil et une prise régulière sur une période suffisamment longue pour rétablir le cycle sommeil-éveil peut régler le problème. Lorsque cette routine n'est pas exécutée sur une période suffisamment longue, l'insomnie risque bien de revenir en force.

Finalement, ces campagnes anti-médicaments fournissent l'occasion de perpétuer cette image de faiblesse, de manque de volonté, voire même de paresse de celles et ceux qui sont aux prises avec des problèmes de cet ordre. Pourtant, je crois plutôt que ces personnes ont bien plus besoin de notre empathie que de nos savantes questions à savoir si nous consommons trop de tels ou de tels médicaments. Les problèmes psychologiques et psychiatriques demeurent largement tabous, et ce, même au XXIe siècle. C'est bien facile de régler les problèmes des autres en leur suggérant de faire des efforts ou encore de regarder le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide, ou bien de cesser ces médicaments et de se bouger un peu. À tout ceci, il faut ajouter toutes les thérapies alternatives qui leur sont proposées. Il y a aussi un marché pour bien de ces thérapies plus ou moins officielles qui offrent des traitements, des conseils et du coaching à des prix plus ou moins dispendieux.

Les réticences face aux médicaments dans notre société n'épargnent personne. Si vous avez été influencé pendant des années par ces craintes, qu'adviendra-t-il le jour où vous devrez prendre un médicament ? Ou encore que ferez-vous si un jour vous devez vous occuper d'un parent malade qui prend des médicaments ? Serez-vous enclin à tenter de le convaincre de ne plus les prendre ? En somme, la mauvaise presse contre les médicaments risque fort de provoquer bien des problèmes en santé publique.

Bien au contraire, en santé publique, le médicament doit s'inscrire comme un des éléments dans un ensemble d'interventions visant l'amélioration non seulement de la longévité de la vie, mais aussi et surtout, de la qualité de vie.

Avril 2018

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