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Malade, notre système de santé: le paravent des irresponsables

Bien des gens croient que si cela va mal dans notre système de santé, c'est la faute au... système! Pourtant, j'y œuvre depuis plus de 40 ans et jamais je n'ai pu le rencontrer en personne. Plutôt que de s'en prendre à ce fantomatique individu, je crois qu'il serait de loin préférable de tenter d'identifier les vrais coupables.
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Bien des gens croient que si cela va mal dans notre système de santé, c'est la faute au... système!

Pourtant, j'y œuvre depuis plus de 40 ans et jamais je n'ai pu le rencontrer en personne. J'y ai été technicien de laboratoire, infirmier (remplaçant), technicien préposé aux autopsies, chercheur et chroniqueur. J'ai aussi signé et cosigné plus d'une trentaine de livres sur la santé, tantôt seul et bien des fois en collaboration avec divers médecins spécialistes. Durant toutes ces années, je le répète, je n'ai jamais rencontré personnellement ce fameux système vers qui tous les blâmes sont dirigés, encore moins ai-je pu parler à ce gigantesque personnage, s'il en est un. Plutôt que de s'en prendre à ce fantomatique individu, je crois qu'il serait de loin préférable de tenter d'identifier les vrais coupables.

Un premier constat s'impose: tout et chacun s'accorde à dire qu'une fois qu'on est entré dans ce fameux système, les soins sont de très grandes qualités. C'est donc dire que tout n'est pas perdu et que les responsables ne sont peut-être pas si nombreux qu'on serait porté à croire. En fait, mon opinion personnelle est que parmi tous celles et ceux qui travaillent en santé, il en existe quelques-uns qui n'auraient tout simplement pas dû entreprendre une telle profession. Et ce très petit nombre d'irresponsables suffisent à donner mauvaise image de l'état de la santé au Québec. Mais qui sont-ils?

Un tour de table rapide

Notre système se compose en gros de dirigeants, de soignants et de gestionnaires. Du côté des dirigeants, on compte bien sûr notre ministère et à sa tête, son ministre. Certes, il est facile de lui attribuer tous les maux de notre système et de lui faire porter le chapeau des erreurs passées, présentes et futures. Mais, il nous faut aussi constater que depuis plus de 20 ans, maintenant, les temps d'attente en chirurgie ou d'admission dans une urgence ou encore la difficulté de trouver un médecin de famille n'ont jamais été résolus, et ce malgré 8 ministres de la santé différents qui ont occupé ce siège durant cette période! Étaient-ils tous incompétents?

La simple logique nous permet d'en douter fortement. Si on regarde maintenant chez les soignants, j'ai eu, comme je le soulignais d'entrée de jeu, l'occasion d'en fréquenter plusieurs. Qu'il s'agisse de médecins, d'infirmiers, de techniciens de laboratoire, j'ai toujours pu observer beaucoup de compassion envers les malades et un désir inébranlable d'aider et de servir. Ceux qui ne sont pas mus par cet élan, qu'on appelait jadis, la vocation, n'occupent pas très longtemps un travail aussi exigeant qu'est celui d'être soignant et d'œuvrer auprès des malades. Quant aux gestionnaires, je n'en connais aucun qui en se levant un bon matin se soit dit: « Aujourd'hui, je vais faire en sorte que tout fonctionne mal dans mon établissement». Mais où se cachent donc les coupables? Car il doit bien en exister.

L'occasion fait le larron

Un des effets pervers de l'étatisation d'un service est certainement la déresponsabilisation. On pourrait simplifier en disant: «Si cela va mal, ce n'est pas ma faute, c'est celle du système». Et le problème majeur est que tous n'ont pas à se prévaloir de cette excuse, seulement quelques-uns et la perception de l'ensemble est irrémédiablement influencée. Il ne s'agit que d'un petit groupe de médecins qui tirent toutes les ficelles pour rentabiliser au maximum leurs honoraires pour que tous les médecins soient taxés d'opportunistes. Une situation semblable s'est présentée quant à ce qu'il est maintenant convenu d'appeler les frais accessoires. Il aura fallu une intervention du ministre pour rappeler à l'ordre certains qui en facturaient deux fois, trois fois, voire dix fois le coût réel. Pourtant, je connais plusieurs médecins qui n'ont jamais chargé de frais accessoires, même s'ils avaient été en droit de le faire. L'autre facteur qui incite à la déresponsabilisation est la gratuité, l'apparente gratuité devrait-on dire quand on sait ce que la santé coûte au trésor québécois. Quand c'est gratuit, le receveur de soin peut toujours attendre, patienter ou même ne pas recevoir toute l'attention qu'il mérite et tout cela sans mot dire (ou par un jeu de mots facile : sans maudire qui que ce soit). Du côté du dispensateur de soins, c'est la même chose. Il est rémunéré pour donner des soins, non pas à la personne qui se trouve devant lui mais à un ensemble assez vague de la population. Quand vous vendez une automobile à un client, celui-ci est la personne la plus importante. Quand vous avez un hôtel et recevez un client, vous voulez que son séjour soit le plus agréable possible. Mais dans un système gratuit, le client devient non pas un actif, mais un passif à qui l'on «donne» des soins, ce qui engendre des coûts et qui prend du temps. C'est, il va sans dire, tout à fait l'inverse, dans un service hôtelier où le client signifie un actif.

Finalement, le patient lui-même se prend au jeu de la déresponsabilisation. Il existe des parents qui envoient leurs enfants à l'école ou à la garderie quand ceux-ci sont malades et contagieux. Il y a des aînés qui se rendent à l'hôpital en ambulance, non pas parce que leur condition de santé l'exige, mais parce que ça ne coûte rien, et, super aubaine, on évite même le tarif de stationnement. Ce n'est que la pointe de l'iceberg de la surconsommation et la mauvaise utilisation des soins de santé. Mais que ce soit du côté des travailleurs de la santé ou des patients, je reste convaincu que dans chacun de ces groupes ce n'est qu'une petite minorité qui s'est déresponsabilisée avec le temps. Et ces quelques «déresponsabilisés» font office de paravent qui nous empêche de voir les beautés de notre système.

Pour que ça cesse enfin pour de bon

Si seulement ces quelques individus changeaient leur point de vue. Plutôt que de tenter d'obtenir le plus de revenus possibles, ils pourraient regarder tout le bien qu'ils peuvent faire autour d'eux. La fierté d'un travail bien accompli vaut bien des primes au rendement. Est-ce que je peux être fier de l'aide que j'ai apportée aux malades aujourd'hui? Est-ce que mon hôpital est le haut lieu d'hospitalité qu'elle devrait être? Est-ce que je suis fier de la propreté de mon lieu de travail ? La fierté du travail bien accompli vaut plus en terme de bonheur et d'épanouissement personnel que toutes les conventions collectives réunies. La vision peut sembler utopiste, j'en conviens, mais c'est le bon travail de chacun des employés d'un système qui fait que celui-ci est utile. Et ce sera la reconnaissance des usagers de notre système qui en sera la plus grande récompense. À l'avance, je vous dis «Merci à vous tous, travailleurs de la santé, de vous occuper de moi quand je serai malade».

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