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Malade, notre système de santé? De sauveur à tyran en passant par vache sacrée

Le but premier de ces chroniques sera de nous permettre d'y voir plus clair dans ces transformations qui, osons l'espérer, donneront naissance à un nouveau système de santé qui aura réussi le tour de force de conserver une grande partie de nos acquis en matière de santé publique tout en respectant nos besoins, nos ressources et nos aspirations.
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Ce titre trace en quelques mots une histoire abrégée de notre système de santé.

SAUVEUR

Sauveur, il le fut très certainement. Car avant son arrivée, le patient devait tout payer à partir des visites du médecin à domicile ou à son cabinet. Chaque consultation était facturée ainsi que les médicaments qui, dans la plupart des cas, étaient directement vendus par le médecin soignant.

L'époque était aux familles nombreuses et la grande dépression économique des années 1929 à 1939 allait limiter encore plus la capacité de payer et donc d'avoir recours aux médecins pour un très large pan de la population. Et si la maladie était plus grave ou encore qu'un accident survenait et qu'il fallait aller à l'hôpital, pour beaucoup, c'était la catastrophe. Je me souviens avoir assisté à une autopsie en 1973. Après avoir ouvert la boîte crânienne de la personne décédée à l'âge de 68 ans, on s'est rendu compte que son cerveau n'avait qu'un hémisphère. Une rapide enquête auprès des membres de la famille a révélé qu'à l'âge de deux ans, sa tête avait été écrasée par la charrette remplie de foin de la ferme. On l'avait apportée dans son lit et faute d'argent on n'avait pu ni appeler un médecin ni, encore moins, l'amener à l'hôpital. Elle était restée ainsi inconsciente pendant plusieurs jours et était graduellement revenue à la normale par la suite. L'hémisphère droit de son jeune cerveau ayant pu survivre à l'accident avait pris en charge les fonctions de l'hémisphère gauche, si bien que, quasi miraculeusement, elle ne conserva aucune séquelle de cet accident qui aurait pu s'avérer fatal.

Tout ceci pour montrer qu'avant l'arrivée des régimes publiques, ceux qui n'avaient pas d'argent devaient bien souvent se priver d'assistance médicale. Et bien des gens se sont retrouvés complètement ruinés quand un membre de leur famille avait eu la malencontreuse idée de tomber malade. La plupart des gens attendaient à la dernière minute pour consulter un médecin ou encore se rendre à l'hôpital car ils n'avaient tout simplement pas les moyens de se faire soigner. Autre conséquence néfaste, dans bien des cas, lorsqu'on décidait d'avoir recours au médecin, la maladie avait tellement gagné de terrain que le pauvre docteur ne pouvait plus rien faire.

L'argent était rare et avant de consentir à payer un médecin, on avait essayé tous les remèdes de grand-mère qui existaient. Mouches de moutarde, emplâtres diverses, tisanes et décoctions faisaient alors partie de l'arsenal à épuiser avant d'avoir recours à la médecine.

Vers la fin des années 1960, le système de santé publique est alors arrivé en véritable sauveur. Il serait désormais possible à tous d'avoir accès à des soins de santé. Le système se targuait de trois épithètes qui se sont passablement effritées avec le temps : la gratuité (tous les soins sont couverts par l'État), l'accessibilité (tous ont accès à des soins de qualité) et l'universalité (le système doit garantir à tous, tous les soins de santé et ce du berceau à la tombe).

VACHE SACRÉE

Une telle générosité consacra très tôt ce sauveur qu'était le système de santé en une véritable vache sacrée. Tant et si bien que quiconque osait contester ne fusse qu'un iota de ce joyau du modèle québécois ne trouvait aucun support pour faire entendre ses revendications. Alors notre sauveur s'alourdit. De nouvelles structures vinrent garnir son royaume. Un exemple parmi tant d'autres : la naissance des CLSC.

Sitôt ouverts, on nous en vantait tous les mérites en claironnant le plus fort possible chaque délégation étrangère venue les visiter. Étrangement, aucun de ces pays visiteurs n'implanta un système semblable chez lui. Peut-être avaient-ils compris que les CLSC ne recevaient des patients qu'entre 8h00 et 16h30 du lundi au vendredi sauf les jours fériés et que dans leur pays respectif, il arrivait que leurs citoyens soient malades en dehors de ces heures d'ouverture. N'empêche qu'ici, on persévéra et nous sommes encore tous bien fiers de nos CLSC.

Autre particularité de notre système est qu'il a fait des urgences des hôpitaux, la porte d'entrée du malade aux soins de santé. Avant l'entrée en vigueur de l'assurance maladie, les salles d'urgence de nos hôpitaux étaient quasiment toujours vides. On n'y rencontrait en effet que des accidents d'automobile, des accidents de travail, une maladie subite, une crise cardiaque difficile à stabiliser, un accouchement qui présentait des problèmes graves, etc., en somme que des «vraies» urgences.

Aucune personne qui souffrait d'une grippe ou d'une gastro-entérite n'aurait eu l'idée de se présenter à l'urgence d'un hôpital. Ces maladies étaient traitées au cabinet de leur médecin. Mais encore ici, les fauteurs de trouble qui osaient s'élever contre le fait que les salles d'urgence étaient devenues la porte d'entrée dans notre système étaient vite relégués aux oubliettes.

TYRAN

Pourtant les problèmes s'accumulaient, les coûts bondissaient et il fallait trouver des solutions. Pendant des décennies, ce fut la parade des comités spéciaux et des commissions d'études. Chacun arrivait avec ses solutions et avec elles de nouvelles structures sensées résoudre les problèmes. De sauveur qu'il fut, notre système de santé s'était donc transformé en vache sacrée puis en tyran. Et, comme pour tous les tyrans, le nôtre est difficile à détrôner.

D'abord, il est devenu titanesque et pour le moins gourmand. Il avale tout près de la moitié du budget totale de la province. Ce doit certainement aussi être l'un des plus gros employeurs du Québec avec plus de 660 000 employés (référence ici). Donc notre ministère de la santé et des services sociaux est devenu un véritable géant. Et sa tyrannie n'est pas prête de s'éteindre parce que, dès que des changements sont proposés, se lèvera toujours une véritable armée de contestation.

En somme nous voulons tous qu'il y ait des changements mais en autant que chacun conserve tous ses avantages. On pourrait dire avec un brin d'humour qu'on veut que ça change en autant que ça reste pareil.

La bonne nouvelle

Pourtant, une lueur d'espoir se lève. Une refonte approfondie de notre système de santé est en cours. Notre ministre semble bien déterminé à s'atteler à la tâche. Et, bonne surprise, il ne semble pas trop céder sous les tollés de protestations qui fusent de toutes parts. Bien sûr, il faut rester vigilant mais j'ajouterais lucide.

Le système a besoin d'une cure d'amaigrissement sévère et le travail est commencé. Bien sûr aussi, les risques de dérapages sont grands et des erreurs seront commises. Mais la lucidité nous force à constater que le statut quo n'est plus possible.

Le but premier de ces chroniques sera de nous permettre d'y voir plus clair dans ces transformations qui, osons l'espérer, donneront naissance à un nouveau système de santé qui aura réussi le tour de force de conserver une grande partie de nos acquis en matière de santé publique tout en respectant nos besoins, nos ressources et nos aspirations.

Le bar ouvert en santé est-il en train de fermer? C'est la question qu'on se posera la semaine prochaine.

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