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Êtes-vous un patient, un malade, un bénéficiaire ou encore un usager ?
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Êtes-vous un patient, un malade, un bénéficiaire ou encore un usager ? Pour paraphraser notre poète national Jean-Pierre Ferland, on pourrait répondre : Tout dépend de l'heure du jour, de l'édition et du tirage...Et j'ajouterais, bien humblement, de son rôle.

  1. Le malade

En effet, la terminologie a varié en fonction du temps. Au début, on l'appelait : le malade. Le malade consultait son médecin et celui-ci le traitait. S'il devait être hospitalisé, une garde-malade prenait soin de lui. Le malade était alors passif. Le docteur décidait des traitements à lui prodiguer et le malade recevait ces soins. Tel était le rôle du malade.

Deux facteurs totalement étrangers aux malades allaient contribuer à les faire changer de noms. Dans la recherche d'une nomenclature moins blessante pour les personnes souffrant de troubles mentaux, on mit de côté les mots tels fous, aliénés, arriérés, etc. Naissaient alors les termes plus acceptables de maladie mentale et de malade mental. Mais même si le nom était moins offensant que de parler de fou, de retardé ou autres, la maladie n'était pas plus enviable pour autant. Tant et si bien qu'il devenait difficile de parler d'un malade sans qu'il y ait une référence populaire à la maladie mentale. Il fallait changer le nom du malade.

L'autre raison, toujours externe au patient, est que les médecins et le système de santé en général dirigeaient aussi leurs actions non plus seulement vers la guérison des maladies mais aussi vers la prévention. On ne traiterait dorénavant non plus seulement les personnes malades mais aussi celles en bonne santé qui désirent conserver leur santé. Le changement de nom accordait aussi à tous et chacun un rôle un peu plus actif dans son état de santé. Il devenait possible en suivant les conseils des spécialistes en santé d'éviter certaines maladies.

  1. Le patient

Le terme est d'origine grecque et latine. En grec antique, on parlait de pathos (de là aussi les mots : pathologies, pathétiques, etc.) et en latin de patiens qui signifiait qui souffre. Le malade devenait donc un patient. Mais il s'avéra que l'origine du mot fut oubliée et qu'elle fut rapidement confondue avec patience. Car il faudrait dorénavant user de bien de patience pour recevoir des traitements. Avec l'arrivée de l'assurance hospitalisation et de l'assurance maladie, fréquenter un hôpital ou consulter un médecin devenait entièrement gratuit.

Et bien que sa contribution financière ait fondu comme neige au soleil, le fédéral continue d'imposer ses normes aux provinces comme si c'était eux qui en assumaient la facture.

Alors que dans la quasi-totalité des pays du monde, y compris les pays scandinaves (Norvège, Danemark, Suède) que l'on considère comme des exemples de défenseurs des valeurs sociales, il faut débourser au moins une partie des frais médicaux pour y avoir accès, ici au Canada, il fut décidé que tout allait être couvert. Pour faire avaler la pilule aux provinces, le gouvernement fédéral d'alors allait payer 50% des frais encourus. Comme marché de dupes, on ne fait pas mieux. Car depuis ce temps, cette contribution s'est diluée au fil des années si bien que moins de 50 ans plus tard, le gouvernement du Canada contribue maintenant pour moins de 20% au système de santé des provinces. Et bien que sa contribution financière ait fondu comme neige au soleil, le fédéral continue d'imposer ses normes aux provinces comme si c'était eux qui en assumaient la facture. Ainsi nous nous retrouvons dans cette situation où les coûts de santé augmentent et la contribution fédérale diminue régulièrement.

Avec une population qui vieillit et des traitements qui coûtent de plus en plus chers, la seule façon de maintenir plutôt mal que bien le bateau à flots est de restreindre l'accès des patients à leurs médecins. Et c'est pourquoi au cours de ces 50 dernières années, il est devenu de plus en plus difficile d'avoir accès aux soins de santé et le patient a dû faire appel à sa patience bien plus souvent qu'à son tour. L'ère du patient-patience est résolument engagée.

  1. Le bénéficiaire et l'usager

Pour faire patienter notre patient qui n'en pouvait plus, notre bon système inventa une solution dont lui seul est capable : ne pas changer le service, mais le nom de celui qui reçoit le service. Il le nomma pendant un certain temps, le bénéficiaire. Mais comme il existait déjà des bénéficiaires de l'aide sociale, la consonance était un tant soit peu péjorative et ne reçut pas l'aval de la population.

Puis vint le nom d'usager. Tiré de la terminologie de celui qui utilise le système, l'usager n'était plus ni malade, ni patient, ni encore bénéficiaire, il utilisait le service de santé. Il en est l'usager, comme on peut être usager du transport en commun ou peut-être aussi comme un véhicule usagé qui demande de plus en plus de réparations. Mais, comble de malchance, les ateliers de réparations débordent et les mécaniciens sont difficiles d'accès dans le monde de la santé. On aboutit à la situation actuelle avec un système usé et des usagers désabusés.

  1. Le présent et le futur

Si vous êtes jeunes et cherchez en quelle branche vous diriger à l'université et si le domaine de la santé vous intéresse, ne cherchez plus dans les facultés de sciences, de médecine ou de pharmacies. Il faut se diriger vers la lexicologie. Car il semble qu'au Ministère, cet emploi soit des plus recherchés. Après avoir passé à travers les mots malade, patient, bénéficiaire et usager, il fallait une refonte du système. Personnellement, je croyais qu'elle était bien abordée par un ministre qui semblait ne pas avoir peur du changement. Mais s'il put sabrer dans les fonctions et simplifier un système qui en avait grandement besoin, il semble que l'art de la finition et le talent de rassembleur ne lui sont pas particulièrement familiers, si bien que le réagencement même du système soit en péril. Dans l'ultime objectif de régler tous les problèmes, on fit la découverte du siècle : changer le nom du patient. Il deviendra le patient-partenaire.

Après avoir passé à travers les mots malade, patient, bénéficiaire et usager, il fallait une refonte du système.

Mais encore ici, il est fort à parier que le seul véritable changement ne soit que celui du nom et que le patient devra continuer d'être patient. Dans une vraie relation de partenariat, le patient aurait la possibilité de consulter lui-même son dossier médical, y voir les résultats de ses dernières analyses, choisir son médecin, l'hôpital où il désire être traité le cas échéant. Aucune de ces conditions essentielles à un vrai partenariat n'est pourtant disponible. Pour le dossier médical informatisé accessible au patient, la seule certitude que l'on a est qu'il faut continuer à payer des expertises, des analyses et autres frais. Quant à la date d'entrée en vigueur, il ne reste qu'à espérer qu'elle ne soit pas déjà fixée à un mois et une année que l'on nomme les calendes grecques. Pour les autres conditions, votre choix de votre médecin et celui de votre hôpital est fixé par votre code postal. Si vous désirez choisir un hôpital ou un médecin en particulier, il vous faudra déménager dans le code postal correspondant !!!

Cent noms = sans nom

En entrevue avec M. Pierre Blain, directeur général du Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU), celui-ci me rappelait, à juste titre, deux évidences qui semblent pourtant totalement ignorées de nos jours. La première de ces évidences est que le patient est la personne essentielle au réseau de la santé, sans lui, tout le réseau devient inutile. La deuxième est qu'on ne nomme pas ce qui n'existe pas. Toute cette kyrielle de noms qu'on a donné aux malades, qui sont devenus des patients, puis des bénéficiaires, etc., a fait en sorte que notre patient n'a plus de nom. C'est donc faire en sorte qu'il n'existe pas. Le système de santé est hautement organisé, structuré et absolument fonctionnel. Si seulement personne n'en avait besoin, ce serait l'idéal.

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