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La santé et les compagnies pharmaceutiques

Il est devenu à la mode, dans certains milieux, de critiquer les médicaments. Le problème est que dans la population existeront toujours des gens pour qui ces affirmations et jugements deviennent des vérités absolues. Et cela a des répercussions immenses.
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Il est devenu à la mode, dans certains milieux, de critiquer les médicaments. Il s'agira parfois d'une personnalité qui a refusé la chimiothérapie et qui s'en est (pour le moment du moins) sortie, d'un journaliste qui se sent investi de la mission de protecteur de la veuve et de l'orphelin en décriant les débordements des pharmaceutiques ou encore de groupes de pression qui sont convaincus, malgré toutes les preuves scientifiques que la vaccination est dangereuse. Dans tous les cas, il y a un impact pour le moins dangereux.

Le problème est que dans la population existeront toujours des gens pour qui ces affirmations et jugements deviennent des vérités absolues. Et cela a des répercussions immenses en santé publique.

Sans vaccination, les fléaux du passé reviendraient en force, et ce très rapidement. Il n'y a qu'à se rappeler les contagions de rougeoles survenues alors qu'un seul couple avec ses enfants non vaccinés est revenu de la côte ouest-américaine et a réintroduit la rougeole dans la région de Joliette. Heureusement, aucune mortalité n'a été rapportée. Il faut dire, n'en déplaise aux anti-pharmas, qu'aujourd'hui nous disposons de médicaments pour lutter contre des surinfections (infections opportunistes) comme les antibiotiques. Avant ces médicaments, souvent les enfants atteints de rougeole contractaient, parce qu'ils étaient affaiblis par la maladie, d'autres infections comme la pneumonie qui s'avéraient alors mortelles.

L'industrie pharmaceutique

Quoi qu'on en dise, l'être humain n'a jamais vécu aussi longtemps et avec une si bonne qualité de vie que de nos jours. Et la pharmacologie en est largement responsable. En 1920, mes ancêtres avaient un mode de vie extrêmement sain et proche de la nature. Ils vivaient sur une ferme, ne consommaient que des aliments biologiques, ne connaissaient pas la pollution par les voitures et les pétroles en général, faisaient quotidiennement de l'exercice physique et ne souffraient pas des stress d'aujourd'hui. Pourtant, leur espérance de vie était bien faible comparativement à ce qu'elle est devenue. «Au Canada, l'espérance de vie s'est grandement améliorée depuis le début du 20e siècle. En effet, chez les hommes, l'espérance de vie à la naissance s'est accrue de 20,5 années, passant de 58,8 ans en 1920-1922 à 79,3 ans en 2009-2011. Au cours de la même période, l'espérance de vie des femmes a augmenté de 23,0 années, passant de 60,6 ans à 83,6 ans» (Source : Statistiques Canada).

Il ne s'agit pas ici de renier les rôles d'une saine alimentation, de l'activité physique régulière ou encore des dangers de la pollution. Mais il faut mettre les choses en perspectives et réaliser l'impact extraordinaire des médicaments et de l'accès aux soins de santé sur la longévité et la qualité de la vie.

À bout d'arguments concernant le rôle des médicaments en santé publique, certains décriront les profits qu'ils qualifieront d'exorbitants des compagnies pharmaceutiques. « Selon Research Infosource, l'industrie pharmaceutique occupe le deuxième rang après celle des technologies de l'information (TI) sur le plan de l'intensité de la R-D. En 2015, vingt-deux sociétés pharmaceutiques et de biotechnologie figuraient parmi les 100 entreprises dont les dépenses en R-D étaient les plus élevées au Canada. Les coûts moyens de la R-D par médicament se sont élevés en moyenne à 1,4 milliard de dollars américains sur une période de 12 à 13 ans (Tufts Center for the Study of Drug Development). Si l'on tient compte de l'amortissement des échecs de recherche et du coût de renonciation du capital, les coûts moyens augmentent de manière notable. Il faut parfois de 2 à 3 ans et de 3 à 10 millions de dollars en R-D pour mettre au point un médicament générique et prouver qu'il est équivalent au médicament original » (Source : Gouvernement du Canada : Profil de l'industrie pharmaceutique).

Et parfois, il faut beaucoup plus de temps et de financement pour la découverte d'un seul médicament. L'amiodarone, un médicament utilisé pour contrer certains types d'anomalies du rythme cardiaque en est un exemple parmi tant d'autres.

L'amiodarone : l'histoire parsemée d'essais et d'erreurs

C'est en 1974, suite à une publication d'une équipe de cardiologues américains, que l'effet sur le rythme cardiaque de l'amiodarone fut reconnu. Mais le médicament dormait sur les tablettes depuis plus de dix ans, et ce, après de multiples rebondissements.

Son histoire commence réellement bien des années auparavant. En effet, les Arabes utilisaient une décoction d'une apiacée, l'Amni visnaga, vulgairement appelée herbe au cure-dent ou herbe d'évêque ou encore khella pour aider à dissoudre les calculs rénaux. En 1945, un médecin britannique, le docteur Glen Anrep alors en poste au Caire remarqua qu'un de ses laborantins avait vu ses symptômes d'angine disparaître alors qu'il était traité avec cette plante. Il écrivit donc une publication y relatant les effets vasodilatatoires de cette plante. On en extrait alors la khelline qui fut largement utilisée jusqu'à qu'on lui découvre des effets secondaires graves.

De l'erreur en naît une autre

Une course à un analogue moins toxique fut alors lancée. C'est ainsi qu'une nouvelle molécule vit le jour : le benzarone qui présentait des propriétés vasodilatatoires. De cette molécule, une deuxième, encore plus efficace fut synthétisée : le benzodiarone qui connut son heure de gloire sous le nom commercial de CardivixMD. Malheureusement, encore une fois des effets secondaires surtout marqués d'atteints hépatites graves, conduisirent à son retrait du marché.

Puis une nouvelle molécule

Toujours dans le but de trouver une molécule semblable qui serait un vasodilatateur efficace avec moins d'effets secondaires, de nouvelles recherches furent entreprises. C'est ainsi que vers dans les années 1960, l'amiodarone fit son apparition. Une équipe de chercheurs français lui découvre une propriété étonnante. La molécule provoque l'élimination de l'acide urique. Mais encore une fois, des effets toxiques sur la cornée, sur la peau et sur la glande thyroïde amènent son retrait du marché.

Enfin le succès

Alors qu'elle est reléguée aux oubliettes, une équipe de cardiologues américains remarque les effets bénéfiques de l'amiodarone sur le rythme cardiaque. Cette molécule retarde la repolarisation de la cellule musculaire ce qui provoque un ralentissement du rythme cardiaque. Malgré ses effets secondaires, l'amiodarone aide encore aujourd'hui des milliers de cardiaques dans le contrôle de l'arythmie et dans la prévention des infarctus. L'Amni visnaga donna naissance à la Khelline, laquelle amena la synthèse du benzarone puis du benzodiadiarone et finalement l'amiodarone. Les chemins sont souvent longs et complexes.

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