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De la sorcellerie à Star Académie: la fibrose kystique

Au Canada, on estime qu'il meurt encore une personne atteinte de fibrose kystique chaque semaine.
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Au Moyen-âge, un dicton populaire prédisait qu'un bébé, dont le goût d'un baiser sur le front était salé, était ensorcelé et mourrait avant la fin de sa première année. Voilà certainement les premières observations non pas de la preuve de l'efficacité de la sorcellerie, mais d'une maladie qui ne sera réellement découverte qu'en 1936. Pourtant, il ne s'agit pas d'une maladie parmi les plus rares. La fibrose kystique est, en effet, la plus fréquente des maladies génétiques touchant un enfant sur 3 500.

Mais, effectivement, comme le sort funeste des nouveau-nés se réalisait souvent, et que ceux-ci mourraient après quelques mois seulement d'existence, le diagnostic et l'observation des symptômes de la maladie ne pouvaient se faire assez rapidement. Pourtant, les sorciers de l'époque avaient mis le doigt sur un outil diagnostique qui, bien des siècles plus tard, allait s'avérer fort efficace et qui est encore utilisé de nos jours: la composition chimique de la sueur qui est différente chez les personnes atteintes de fibrose kystique.

Mais il faudra attendre l'année 1948 où une canicule sévit à New York et força l'hospitalisation de plusieurs bébés souffrant de mucoviscidose pour en apporter la preuve scientifique. Mais n'anticipons pas et suivons plutôt le fil chronologique des événements depuis le Moyen Âge jusqu'à aujourd'hui.

Du XIVe siècle au XXe

En 1595, le Dr Pieter Pauw aux Pays-Bas décrit une autopsie d'une patiente chétive et supposée ensorcelée. Elle présentait un pancréas élargi, dur et blanchâtre. Quelques années plus tard, un médecin espagnol, le docteur Alonso y de Los Ruyzes, confirme que les doigts passés sur le front des enfants ensorcelés présentent un goût salé. Une même observation est relevée dans un almanach datant de 1857.

On peut en effet y lire: l'enfant mourra bientôt dont le front embrassé est salé. Finalement, au XIXe siècle, le pathologiste autrichien Karel Freiherr von Rokiyansky décrit un fœtus décédé après une péritonite méconiale. Il s'agit d'une complication de l'iléus méconial (sorte de bouchon muqueux qui bloque une partie de l'intestin) présente chez certains enfants souffrant de la fibrose kystique. Mais encore ici, il faudra attendre le début du vingtième siècle pour effectuer le rapprochement entre les deux maladies.

L'entrée officielle de la fibrose kystique dans l'histoire humaine

Le début du vingtième siècle marque l'arrivée des premières observations associant les symptômes pulmonaires, la diarrhée et les anomalies pancréatiques typiques de la maladie. C'est en 1912, qu'un médecin observe des familles dont les enfants souffrent de diarrhées graisseuses et meurent d'infection pulmonaire. Mais le lien entre symptomatologie pulmonaire et digestive n'est pas encore bien établi. Il faudra attendre 1936 pour qu'une thèse, portant titre : Zystiche Pankreasfibromatose mit Bronchiektasien, dirigée et publiée par le pédiatre suisse Guido Fanconi von Grebel mette enfin en lumière les principaux symptômes de la maladie.

Et ce n'est qu'en 1938 qu'une pédiatre et pathologiste américaine, Dorothy Hansine Anderson, soit la première à décrire la fibrose kystique en tant que maladie à part entière ainsi que son caractère héréditaire. Ses observations cliniques révélaient une fibrose du pancréas formant des kystes. C'est pourquoi on nomma la maladie fibrose kystique du pancréas. Puis le nom s'est simplifié en fibrose kystique car on avait découvert que d'autres organes que le pancréas étaient touchés. Le terme mucoviscidose fut inventé par le docteur Sydney Faber, médecin au Children's Hospital de Boston pour illustrer l'obstruction caractéristique des voies aériennes et digestives causée par le mucus visqueux provoquant des bouchons. Néanmoins, le terme fibrose kystique continua à être utilisé surtout par le milieu anglophone tandis que les médecins français ont plutôt opté pour mucoviscidose. Voilà pour la sémantique.

Au Canada, on estime qu'il meurt encore une personne atteinte de fibrose kystique chaque semaine...

Les premiers tests diagnostiques

Comme souligné précédemment, une vague de chaleur avait touché durement la ville de New York en 1948 et forcé l'hospitalisation de plusieurs jeunes patients souffrant de déshydratation avancée. Au Columbia Hospital de New York, le docteur Paul di Sant'agnese découvrit que la sueur des patients atteints de fibrose kystiques présentait des anomalies électrolytiques, particulièrement une augmentation importante en chlore et en sodium. Non seulement venait-il d'expliquer la thèse de la sorcellerie datant du Moyen Âge, mais surtout, il mit au point une méthode de diagnostic fiable encore utilisée de nos jours basée sur le degré de salinité de la sueur.

En 1983, P.M. Quinton publie un article dans la revue Nature (301, 421-422). Il y démontre que l'imperméabilité au chlore qu'il avait trouvée dans les glandes sudoripares était la cause de l'augmentation des électrolytes dans la sueur. Ce fut là une étape majeure dans la compréhension de la maladie.

Le XXIe siècle

Même si au Canada, on estime qu'il meurt encore une personne atteinte de fibrose kystique chaque semaine, il n'en demeure pas moins que d'énormes progrès ont été réalisés. En moins d'un demi-siècle, l'espérance de vie associée à cette maladie est passée de sept ans à plus de cinquante ans. Les antibiotiques, les inhalateurs (bronchodilatateurs et mucolytiques), la vaccination, la prise de vitamines et d'enzymes digestives, la physiothérapie pulmonaire et dans les cas ultimes, la greffe pulmonaire représentent tous des percées majeures dans le traitement de la fibrose kystique.

Non seulement ces découvertes ont pu accroitre radicalement l'espérance de vie des personnes atteintes, mais celles-ci jouissent d'une meilleure qualité de vie pouvant réaliser des exploits qui auraient été impensables il y a cinquante ans. À témoin: la vie de Grégory Lemarchal, une grande vedette de Star Académie en France.

Grégory Lemarchal (1983-2007)

C'est à l'âge de 20 mois que ses parents, s'inquiétant de ses difficultés respiratoires, amenèrent Grégory chez le médecin et le verdict ne fut pas long à tomber: fibrose kystique. Mais cela ne l'empêcha pas de cumuler les succès tout au long de sa courte existence. Il fut un sportif apprécié au basketball sous la direction de son père, un entraîneur professionnel dans cette discipline. À peine âgé de 13 ans, il devient champion de France avec la formation de rock sauté (une forme de danse de compétition) Mambo Rock. En 1999, il s'inscrit au concours Graines de star sans succès. Mais il y acquiert une bonne notoriété ce qui lui permet de faire la première partie des spectacles d'Hervé Vilard et de Gilbert Montagné, deux grands chanteurs français. Puis, le 22 décembre, le succès est toujours fidèle au rendez-vous puisqu'il emporte avec 80% des suffrages du public la quatrième saison de Star Academy sur la chaîne TF1 en France.

Il part ensuite avec toute la troupe en tournée pour trois mois. Il reçoit la récompense «Révélation francophone de l'année» au NRJ Music Awards en janvier 2006. Un an plus tard, il doit envisager une transplantation pulmonaire et en février, il annonce une pause dans sa carrière en attendant sa chirurgie. Le 30 mars de la même année, il interprète avec Hélène Ségara la célèbre chanson Vivo per lei. Puis son état se dégrade rapidement. Hospitalisé le 2 avril, il meurt 28 jours plus tard. Une association sera créée en son nom pour lutter contre la fibrose kystique.

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