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Dépression et imipramine

Il n'est pas toujours facile de discerner tristesse, déprime et dépression. En médecine, nous avons mis au point des trucs, adopté des acronymes pour détecter rapidement une dépression.
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La dépression

Il n'est pas toujours facile de discerner tristesse, déprime et dépression. En médecine, nous avons mis au point des trucs, adopté des acronymes pour détecter rapidement une dépression. Ainsi, si une personne présente quatre des conditions ci-après énumérées d'une façon qui ne fluctue pas dans un laps de temps assez long (par exemple, deux semaines à un mois), nous disons qu'il y a de fortes chances d'être en présence d'une dépression. Pour mieux nous rappeler ces signes, nous les avons regroupés sous une formulation qui évoque une prescription médicale: les « vieux » médecins se souviennent qu'autrefois, on écrivait une prescription en commençant par les lettres « SIG » (sans doute du latin signatura). Puis, on écrivait la prescription comme suit: « tel antibiotique » 2-CAPS (capsules) matin et soir, par exemple. L'acronyme pour se rappeler les huit grands symptômes d'une dépression devient une prescription d'énergie SIG: E CAPS dans laquelle chacune des lettres a une signification particulière qui pourrait se lire ainsi: S I G: E CAPS :

S

veut dire sommeil (la personne a des troubles du sommeil);

I

veut dire intérêt (la personne perd de l'intérêt pour les choses qu'elle aimait avant et perd la capacité d'éprouver du plaisir);

G

veut dire grande culpabilité ou une grande démoralisation (la personne ressent une grande culpabilité);

E

veut dire énergie (la personne ressent une perte d'énergie, elle fonctionne au ralenti, tant physiquement que moralement);

C

veut dire concentration (la personne a de la difficulté à se concentrer);

A

veut dire appétit (la personne perd son appétit);

P

veut dire psychomoteur (la personne fonctionne au ralenti);

S

veut dire suicide (la personne a tendance à s'isoler, à ressasser des idées noires et moroses, allant parfois jusqu'aux idées suicidaires).

Donc, encore une fois, si on détecte, en plus d'un changement de l'humeur, quatre ou plus de ces symptômes, on doit en parler à son médecin de famille qui pourrait prescrire, s'il confirme notre conclusion, un antidépresseur. Bien qu'un antidépresseur, à dose thérapeutique, peut prendre de quatre à six semaines avant de faire effet, il risque de faire disparaître tous ces symptômes et de ramener une sérénité et une joie de vivre chez le patient et, du même coup, chez son aidant naturel.

(Extrait du livre de Bernard Groulx, médecin psychiatre et Jacques Beaulieu, La maladie d'Alzheimer, de la tête au cœur, Éditions Publistar, 2004)

Découverte d'un antidépresseur : l'imipramine : Visa le blanc tua le noir

Roland Khun est né à Bienne en Suisse en 1912. Il étudia la médecine puis la psychiatrie à Berne puis à Paris. De retour à Berne, il fait son internat en psychiatrie à la clinique Waldau. Puis il sera professeur à Zurich. Il était connu pour être un chercheur fort consciencieux, un excellent observateur doté d'une forte intuition. Bien malgré lui, il devint en quelque sorte un casse-tête pour une grande pharmaceutique. En voici l'histoire.

On cherche un neuroleptique

Au début des années 1950, Robert Domenjoz est directeur de la recherche chez Ciba Geigy. On y cherche alors un neuroleptique un peu sur le modèle du Largactyl. La compagnie a mis au point un tel composé sous le sigle G 22355. L'effet recherché est de calmer les personnes agitées. Lors d'un entretien avec le professeur Jean Thuillier, un célèbre écrivain et psychiatre français, Domenjoz avouera que tous les psychiatres qui ont effectué des essais avec le nouveau produit ont déclaré n'y avoir trouvé aucun effet sédatif et avaient rapidement cessé d'en réclamer des échantillons. Tous sauf un. Le Dr Roland Khun qui insistait pour obtenir d'autres échantillons. Or les patrons de Ciba Geigy avaient décidé de cesser la fabrication du produit à la suite des rapports des autres psychiatres. Arrêter ou continuer : un casse-tête difficile.

Comment un composé tricyclique comme le G 22355, proche parent moléculaire de la chlorpromazine, pouvait-il avoir un effet antidépresseur ?

Le docteur Khun avait judicieusement remarqué que l'administration du produit chez des personnes agitées ne réduisait en rien les symptômes, mais parfois même les augmentait. Il avait aussi noté, et il était le seul, à avoir fait cette observation, que si le médicament était donné à des personnes dépressives, la dépression régressait jusqu'à disparaître complètement chez certains. Mais comment un composé tricyclique comme le G 22355, proche parent moléculaire de la chlorpromazine, pouvait-il avoir un effet antidépresseur ? La communauté scientifique restait fort perplexe.

Paris et Montréal à la rescousse

Les psychiatres Jean Delay et Pierre Denicker de l'illustre hôpital psychiatrique Sainte-Anne à Paris et le professeur Heinz Lehman, directeur de l'institut Douglas, à Montréal entreprirent donc des recherches avec le fameux produit. Tous leurs résultats confirmèrent la thèse du Dr Khun. Le G 22355, connu depuis sous le nom d'imipramine, est effectivement un antidépresseur.

Le docteur Khun présenta ses travaux dans le Swiss Medical Journal en août 1957. C'est ainsi que le premier antidépresseur non inhibiteur de la MAO (non inhibiteurs de la monoamine oxydase)vit le jour sous le nom commercial de TrofanilMD. On avait cherché au départ un sédatif et on a trouvé un antidépresseur.

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