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Il était une fois la maladie: la tumultueuse découverte de l'insuline

En 1911, Nicolae Constantin Paulescu, un médecin chercheur, arrive à fabriquer des extraits de pancréas et découvre que ces extraits réussissent à baisser le taux de glycémie sanguin.
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Avant l'insuline, en Roumanie, la pancréine

En 1911, Nicolae Constantin Paulescu, un médecin chercheur, arrive à fabriquer des extraits de pancréas et découvre que ces extraits réussissent à baisser le taux de glycémie sanguin. Il effectue ses expérimentations sur des chiens rendus diabétiques, mais jamais ses extraits ne furent testés sur des humains. Car la substance semblait particulièrement irritante. Il la nomme pancréine. Il publie ses résultats en mars 1921 et dépose un brevet le 10 avril 1922. À cause de ses engagements et déclarations résolument antisémites, Paulescu n'aura jamais droit à la reconnaissance internationale comme pionnier dans la découverte de l'insuline.

Puis, à Toronto, l'insuline

Héros militaire de la Première Guerre mondiale, Frederick Grant Banting, jeune médecin, commence sa pratique médicale en orthopédie à London en Ontario. Durant la guerre, en France à la bataille de Cambrai, il s'était porté au secours de sa garnison au risque de sa vie et il avait été blessé. Il fut d'ailleurs honoré de la Croix militaire pour héroïsme. De retour au pays, la clientèle se faisant rare, il accepte un poste comme assistant de recherche du professeur Miller, à l'University of Western Ontario. En 1920, il est appelé à donner un cours sur le pancréas. C'est en étudiant cet organe en préparation de son cours que l'idée lui traverse l'esprit que le pancréas possède en réalité deux fonctions: l'une exocrine par la sécrétion des sucs gastriques et l'autre, endocrine en produisant une hormone capable d'abaisser la glycémie sanguine. Banting n'a dès lors plus qu'une passion: consacrer toutes ses énergies à découvrir un remède contre le diabète.

Il a besoin de locaux et d'animaux pour faire sa recherche. Son patron le présente donc au professeur Macleod de l'université de Toronto, qui décide en mai 1921 de lui fournir un laboratoire, dix chiens et un assistant de recherche, un de ses élèves les plus brillants du nom de Charles Best. L'hypothèse que d'être secondé par un bon assistant se révèle encore ici fondée, si bien qu'en moins de six mois, Banting présente son rapport préliminaire de recherche au Physiological Journal Club of Toronto.

Une fougue qui a failli coûter un prix Nobel

L'enthousiasme des deux jeunes chercheurs est à son comble, ils ne rêvent que d'une chose: réaliser des tests sur des humains. Pour se faire, Banting insiste auprès de son patron Macleod pour retenir les services de James Bertram Collip, un jeune docteur en biochimie spécialisé dans la préparation d'extraits tissulaires. Collip aurait donc comme tâche de purifier le mieux possible les extraits de pancréas sur lesquels travaillaient Banting et Best.

Le 11 janvier 1922, le rêve de Banting se réalise. Un jeune patient âgé de 14 ans repose dans un état semi-comateux à l'Hôpital Général de Toronto. Sa vie ne tient plus qu'à un fil. Les médecins de Leonard Thomson, le jeune diabétique mourant, lui administrent donc la préparation fournie par Banting et Best. Le taux de glycémie du patient baisse de 24,5 à 17,8 nmole/l, mais il reste encore beaucoup de sucre dans le sang et dans les urines, si bien que l'expérience n'est qu'un demi-succès.

Qui plus est, Macleod et Collip avaient été tenus dans l'ignorance quant à cette première injection sur un patient, et ils étaient furieux. Collip qui, entre temps avait réussi à obtenir une préparation plus pure menaçait de breveter lui seul ses résultats. Ce ne fut qu'au prix de longues négociations que les quatre chercheurs finirent par s'entendre.

Le 23 janvier 1922, soit 12 jours à peine après le premier essai, une injection de la préparation de Collip, une version purifiée de celle administrée précédemment, fut administré au jeune Thomson. Le succès fut total. L'état de santé du patient s'améliora en un rien de temps. Sa glycémie passa de 28,9 à 6,7 nmole/l. Le jour suivant, la glycémie remonte et une nouvelle injection est administrée avec les mêmes résultats. Leonard Thomson qui attendait la mort en ce mois de janvier 1922, vivra jusqu'en 1935 et mourut d'une pneumonie.

Et le Prix Nobel va à...

En 1923, le Prix Nobel, qui ne peut être officiellement accordé conjointement qu'à trois récipiendaires pour une seule découverte, sera finalement remis à Frederik Banting et John Macleod. Banting partagera symboliquement son prix avec Charles Best et Macleod avec James Bertram Collip.

Comme la substance isolée par Banting et Best a un rapport démontré avec une partie des cellules pancréatiques appelées les îlots de Langerhans, ils lui donnent d'abord le nom d'isletin, puis en avril 1922, celui d'insuline.

De la découverte à la commercialisation

Les premières insulines furent fabriquées artisanalement directement à partir des laboratoires de l'University of Toronto. Très tôt, les compagnies Eli Lilly aux États-Unis et Connaught en Ontario ont commencé la fabrication commerciale du produit. On utilisait alors des pancréas de porc ou de bœuf à partir desquels on extrayait et purifiait l'insuline. En 1976, les méthodes allaient changer radicalement. Une jeune compagnie américaine révolutionne la fabrication de l'insuline par la biotechnologie. En modifiant l'ADN de certains microorganismes et en y greffant les gènes codant pour la fabrication d'insuline chez l'homme, il devenait possible de synthétiser rapidement et efficacement une insuline humaine. Genentech qui, sous simple présentation de son idée, a vu ses parts grimper en bourse plus que toute autre entreprise inaugure une ère nouvelle en fabrication de médicaments.

L'insuline à l'origine du statut professionnel du travail d'infirmier

L'administration d'insuline à trop forte dose pouvait provoquer un coma insulinique. Banting en avait observé les effets dès ses premières expérimentations sur les animaux. En 1927, un psychiatre et neurophysiologiste polonais, Manfred Joshua Sakel met au point une technique pour traiter la schizophrénie. Son principe était de provoquer chez un patient atteint de cette maladie une dissolution de la conscience en le plongeant dans un coma insulinique. En redonnant graduellement du sucre au patient, celui-ci bénéficiait au réveil d'un maternage qui pouvait être comparé au rapport mère - enfant dont il aurait été privé durant son jeune âge. Et lorsque le patient émergeait de son sommeil, il avait effectivement oublié tous ses soucis antérieurs. La durée du traitement pouvait s'échelonner sur plusieurs heures. Et le rôle des infirmières et des infirmiers était primordial. Tant dans la préparation du patient que durant la phase de coma, tous les signes vitaux étaient pris régulièrement et méthodiquement par l'infirmière qui devait de plus changer souvent les vêtements du patient et sa literie car, à cause de l'hypersudation provoquée par l'hypoglycémie, devenaient rapidement mouillés. Puis l'infirmière devait, par une sonde oesophagienne, administrer la quantité de sucre nécessaire afin d'extirper le patient de son coma. C'était la phase dite de resucrage.

Enfin, lorsque le patient se réveillait totalement, elle devait le rassurer, lui procurer des vêtements propres et lui parler avec bienveillance afin de compléter une psychothérapie efficace du traitement. Par toutes ces actions, les infirmières et les infirmiers, ne devenaient plus de simples gardiens, des garde-malades. Ils s'inscrivaient comme véritables professionnels de la santé, statut qui leur était résolument conféré à l'intérieur des institutions où se pratiquait la cure de Sakel. Malheureusement ce statut ne leur était pas reconnu en dehors de celles-ci et après l'abandon de ces cures au tournant des années 1950, on oublia pour longtemps le statut professionnel de ces infirmières et d'infirmiers spécialisés en psychiatrie.

L'insuline aujourd'hui et demain

De nos jours, l'insuline n'est plus utilisée dans le cadre de cures psychiatriques. Mais la découverte de Banting, Macleod, Best et Collip aura profité et profite encore à des millions de personnes souffrant de diabète.

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