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Le docteur Victor Goldbloom, l'homme aux quatre carrières

Le pédiatre Victor Goldbloom, décédé le 15 février dernier à 92 ans, aura connu quatre vies.
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Son père fut un pionnier de la pédiatrie au Québec. C'est en 1923 que naît Victor Goldbloom. Il entra à l'université McGill et s'intéresse d'abord au journalisme. Prenant une part active dans le journal universitaire McGill Daily, il est passionné par cette profession. Mais la guerre allait modifier ses plans.

Pour obtenir les médecins dont le pays prévoyait avoir un urgent besoin, on offrit aux étudiants de raccourcir le cours préparatoire à la médecine d'une année et le cours de médecine d'une autre année. Victor opta donc pour cette voie. Il fut donc reçu médecin à l'âge de 22 ans, ce qui était et demeure fort exceptionnel.

Il entreprit sa résidence au Montreal Children Hospital pour compléter sa formation en pédiatrie. Il fit aussi un stage de deux années au très célèbre Babies Hospital de New York. Pendant les douze années qui suivirent, il continua sa pratique au Montreal Children Hospital et au bureau de son père. À un certain moment, père et fils ont échangé leurs bureaux, le fils passant dans le grand bureau du père qui, vu son âge, diminuait graduellement sa pratique. Lorsque je lui demandai quelles étaient ses relations avec ses parents, il m'avoua: «Je crois que mon père et ma mère étaient très fiers de moi. Je pense qu'ils ne m'avaient jamais vu autrement que de devenir pédiatre.»

L'appel de la politique

Nous sommes en 1962, la Révolution tranquille s'amorce au Québec et le monde médical est aussi appelé à vivre de grands changements. L'assurance maladie s'en vient et bien des acteurs sont déjà en place. Voulant participer à ces nouveaux et beaux défis, il fit dont son entrée au Collège des médecins, étant élu troisième vice-président. Il continua néanmoins à exercer sa pratique, tant privée qu'à l'hôpital.

À la croisée des chemins

Le docteur Goldbloom se trouvait alors à une croisée des chemins. Ou bien il retournait à temps plein à sa pratique comme pédiatre, ou bien il faisait le saut dans l'arène politique pour travailler là où les vraies décisions se prennent.

Dans un premier temps, son ami, Jean Marchand, lui propose de joindre les rangs du Parti libéral du Canada (PLC). À l'investiture, il est battu par Pierre Elliott Trudeau dans le comté de Mont-Royal. Mais le docteur Goldbloom n'est pas du genre à abandonner. Se disant que, de toute manière, la santé est de juridiction provinciale, il tente à nouveau sa chance du côté du gouvernement du Québec.

En 1966, il est élu député libéral de la toute nouvelle circonscription de D'Arcy-McGee. Le Parti libéral du Québec (PLQ) perd à ce moment le pouvoir et le docteur Goldbloom fera ses classes comme membre de l'opposition. «Malgré le fait que je devais diminuer ma pratique, je crois que mes parents étaient fiers de voir leur fils embrasser une carrière en politique. Mon père était doté d'une grande curiosité intellectuelle et aimait bien venir discuter des grands enjeux sociaux avec mes nouveaux collègues de l'Assemblée nationale», me confia encore le Dr Goldbloom.

Ministre de l'Environnement, des Affaires municipales et... de la RIO

En août 1969, Jean Lesage annonce qu'il quittera son poste dès qu'un nouveau chef du parti sera nommé, ce qui fut fait. Robert Bourassa prend la relève en janvier 1970. Les élections qui suivirent le portèrent au pouvoir. Victor Goldbloom héritera du ministère de l'Environnement. Il me dira: «C'est nécessairement la Loi sur l'environnement que j'ai fait adopter dont je suis le plus fier lors de mon passage dans ce ministère. Cette loi comblait une importante lacune.»

En 1973, le premier ministre demande au Dr Goldbloom d'assumer les responsabilités du ministère des Affaires municipales, tout en conservant celui de l'Environnement. Nouvellement nommé, ce dernier amorce une tournée du Québec dans le but de rallier le monde municipal autour d'objectifs communs et de faire cesser les discordes existantes.

Ce sont ces talents de rassembleur qu'a reconnu M. Bourassa et c'est à ce titre que M. Glodbloom hérite d'une nouvelle commande. Nous en sommes alors à la préparation des Jeux olympiques de Montréal et, pour employer une expression courante, rien ne va plus. Une nouvelle crise à gérer, une nouvelle tâche pour notre docteur. Il devient donc ministre responsable de la gestion de la Régie des installations olympiques (RIO).

Jusqu'en novembre 1975, le maire Jean Drapeau fut le seul maître à bord du projet olympique. Il détenait tous les pouvoirs et était régulièrement à couteaux tirés avec les médias. «À mon entrée en fonction comme ministre responsable de la RIO, une de mes premières actions fut d'annoncer une visite hebdomadaire durant laquelle j'accompagnerais les médias sur le chantier olympique pour leur faire état de la situation», décréta-t-il alors. Les résultats ne se firent pas attendre. Le climat a alors complètement changé, la confiance est revenue, le stade fut prêt à temps et les Jeux eurent lieu.

Pédiatre, député, ministre et toujours œcuméniste

En 1979, le Conseil canadien des chrétiens et des juifs se cherchait un président-directeur général. C'est en ces termes que le docteur Goldbloom me fit part de son nouveau changement de carrière: «Après presque quatorze années en politique active, je me sentais prêt à relever un nouveau défi, je mis donc un terme à ma carrière à l'Assemblée nationale et acceptai la présidence de cet organisme.»

Le domaine des relations interconfessionnelles n'était absolument pas nouveau pour lui. Homme de consensus, Victor Goldbloom avait effectué ses premiers balbutiements dans le domaine une bonne cinquantaine d'années auparavant à l'exemple de son rabbin, Harry Stern, un pionnier de l'œcuménisme. Celui-ci avait pour habitude d'inviter un autre pionnier, le cardinal Paul-Émile Léger. Une amitié durable s'est donc établie entre M. Goldbloom et le célèbre cardinal. En 1981, Paul-Émile Léger décida d'unir toutes ses œuvres dans la Fondation Jules et Paul-Émile Léger et demanda à M. Goldbloom de devenir l'un des directeurs fondateurs au sein de sa nouvelle fondation, créée par une loi spéciale du gouvernement du Canada, poste que le docteur Goldbloom a toujours occupé.

Pour compléter le kaléidoscope des réalisations du docteur Goldbloom, on ne peut passer sous silence ses deux nominations comme délégué à l'Organisation des Nations unies, son poste de directeur général au Fonds de recherche en santé du Québec, ou encore son passage comme commissaire aux langues officielles de 1991 à 1999. Il fut aussi président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) et président de l'Agence des services de santé et des services sociaux de Montréal.

Un homme aux quatre vies

Victor Goldbloom aura connu quatre vies. En entrevue, il confia: «Ma carrière pédiatrique fut certainement la plus gratifiante, soigner des enfants est la plus belle profession. Ma vie en politique fut celle qui m'apporta les plus beaux défis, et mes succès dans le monde de l'œcuménisme furent ceux qui m'ont le plus touché. Enfant, j'avais connu un monde de discrimination et de méfiance entre les diverses allégeances religieuses. C'est pourquoi je fus particulièrement touché d'être décoré par le pape de l'ordre de Saint-Sylvestre en récompense à mes efforts dans le rapprochement judéo-chrétien.»

Quant à sa quatrième vie, elle fut certainement remplie d'amour auprès de sa femme, Sheila, et de ses trois enfants, Michael, Jonathan et Susan. Fait inusité, son épouse aussi a reçu de nombreuses distinctions, dont celles de l'Ordre du Canada et de l'Ordre du Québec, tout comme son époux. Le Dr Goldbloom est décédé lundi le 15 février 2016 à l'âge de 92 ans.

Références : Jacques Beaulieu, Ces médecins qui ont marqué le Québec, Éditions MultiMondes, 2014.

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