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Lettre à Serge Losique: qu'avez-vous fait de notre festival?

Si je prends aujourd'hui la plume, c'est avant tout pour vous demander ce que vous avez bien pu faire de notre Festival des films du monde. Le nôtre oui, car même si vous en êtes l'irréductible président fondateur, il reste que ce festival dont la nouvelle édition débute jeudi appartient d'abord aux Montréalais, Québécois et Canadiens, autant de contribuables qui permettent son existence et sa survie. Un détail toujours bon à rappeler.
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Monsieur Losique,

On ne se connait pas. En tant que journaliste cinéma, on a bien dû se croiser parfois dans des couloirs tout en se disant un bonjour de circonstance. Reste que notre relation n'est jamais allée aussi loin que les politesses de convenance.

Mais si je prends aujourd'hui la plume, c'est avant tout pour vous demander ce que vous avez bien pu faire de notre Festival des films du monde (FFM). Le nôtre oui, car même si vous en êtes l'irréductible président fondateur, il reste que ce festival dont la nouvelle édition débute ce jeudi 22 août appartient d'abord aux Montréalais, Québécois et Canadiens, autant de contribuables qui permettent son existence et sa survie. Un détail toujours bon à rappeler.

Ne voyez pas dans mes propos un quelconque manque de respect monsieur Losique, mais plutôt une véritable consternation. Sans doute en aurez-vous cure de ma lettre, car depuis quelque temps, les critiques semblent n'avoir plus aucun effet sur vous. C'est votre droit. On peut appeler cela de l'indifférence, j'y vois au contraire un phénomène que je nommerais pudiquement l'effet Titanic. En effet, pendant que le bateau coule, vous vous obstinez à nous chanter la pomme. Toujours la même musique quoi...

Notre festival roule sa bosse depuis 37 ans. Dans trois ans - s'il tient encore jusque-là - il fêtera quatre décennies d'existence. Quarante bougies à souffler, c'est quand même énorme. Mais pour célébrer quoi au juste? Car avec le temps, des conclusions s'imposent et il en est une qui est impitoyable: le FFM se meurt! Je l'écris avec les mots de la lucidité sans joie ni bonheur.

L'histoire du festival a pourtant commencé comme un joli conte du 7e art. Il était une fois, à Montréal, une manifestation cinématographique fort appréciée qui soulevait les foules. Les grands noms du cinéma se bousculaient au fil du temps pour nous rendre visite. Andreï Tarkovski, Jean-Jacques Beineix, Bibi Andersson, Pedro Almodovar ou Isabelle Adjani. Ils étaient tous là. Des films comme Le Goût des autres (2000), 37°2 le matin (1986), La lectrice (1988) ou Once were Warriors (1994) remportaient les grands honneurs...

Ensuite? Eh bien monsieur Losique, comme nous tous, vous la connaissez la suite. Le public, les vedettes, les grands réalisateurs et les films marquants nous ont quittés pour ne plus revenir. Aujourd'hui, le FFM est bel et bien mourant. Je le répète puisque contrairement à la tradition, ce conte ne finit pas bien.

Ma lettre n'a pas vocation à vous jeter tout l'opprobre. J'ai bien conscience que vous n'êtes pas l'unique et seul responsable de la débâcle. Je ne réécrirais pas l'histoire, disons seulement que sur le chemin du FFM est arrivé le TIFF de Toronto. En quelques années, le festival de la Ville Reine est devenu un événement prisé par l'industrie et la plaque tournante du cinéma en Amérique du Nord. Qui avait avantage à favoriser l'anglo-saxonne Toronto au détriment de la francophone Montréal? Les grands studios? Le gouvernement? Les distributeurs? Probablement, toutes ces réponses...

En tant que capitaine, qu'avez-vous fait pour empêcher cela? Pas grand-chose. Ah oui, vous vous évertuez à répéter, et ce, encore aujourd'hui que contrairement au TIFF, le FFM est un festival compétitif et, par conséquent, ils ne doivent en aucun cas être comparés. Point final. Franchement monsieur Losique, de qui se moque-t-on?

Le pire, c'est que vous en rajoutez à chaque fois que vous en avez l'occasion. Lors de la conférence de presse du 5 août dernier, vous avez affirmé, impassible, que le niveau de la compétition du FFM n'avait rien à envier aux autres grands festivals comme Cannes, Berlin ou Venise. Avec de telles déclarations, les médias présents ne savaient pas s'ils devaient rire ou pleurer.

En attendant, une chose est certaine, si Montréal n'est plus considérée comme une rampe de lancement pour le cinéma d'ailleurs, elle ne l'est même plus pour notre cinéma national. Situation plus que honteuse alors que notre 7e art est maintenant célébré partout dans le monde, aux Oscars ou en Europe où l'on qualifie notre jeune génération comme la «Nouvelle Vague» québécoise.

Durant les prochains mois, les Québécois seront les derniers à découvrir les films de leurs propres cinéastes. Denis Villeneuve (Prisoners et Enemy), Jean-Marc Vallée (Dallas Buyers Club), Robert Lepage (Triptyque), Catherine Martin (Une jeune fille) ont préféré présenter leur dernière mouture à Toronto. Quant à Xavier Dolan, c'est à la Mostra qu'il ira accompagner son Tom à la ferme, Louise Archambault (Gabrielle) a préféré Locarno. Des festivals dont on n'a rien à envier comme vous dites...

L'année dernière, vous disiez (à la blague?) que vous ne voyiez pas de raison de prendre votre retraite puisque les papes sont là jusqu'à leur mort. Le 11 février 2013, Benoît XVI a renoncé dans un geste inédit à ses fonctions pontificales. À bon entendeur, je vous salue.

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