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Succession à la Francophonie: un possible candidat unique de l'Afrique?

Penser que l'Afrique francophone peut se mettre d'accord pour un candidat unique à la Francophonie, c'est peut être mal connaître ce continent qui a toujours été divisé sur de nombreux sujets importants à cause des clivages et rivalités entre pays et entre sous-régions.
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La communauté internationale francophone s'impatiente de connaître le nom de celui qui devra désormais présider à la destinée de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) à partir de novembre prochain.

Les chefs d'États africains, dont la majorité est francophone, vont se réunir pour le 23e Sommet de l'Union africaine (UA) du 26 au 27 juin 2014 à Malabo en Guinée Équatoriale. Certainement que dans les coulisses ils vont se parler au sujet du prochain Sommet de la Francophonie à Dakar et de candidats possibles à l'élection du secrétaire général.

Nous avons tous suivi une entrevue, diffusée mercredi 18 juin 2014 sur la Radio France Internationale (RFI), de l'envoyé spécial de la Francophonie au Burundi, El Hacen Ould Lebatt, qui affirmait qu'«il y a une règle dans la Francophonie qui s'est installée depuis le Sommet de Hanoi. C'est une règle non écrite : les ressources, leur gestion, c'est du ressort des membres du Nord, mais il y a le côté, leadership officiel, c'est-à-dire le secrétariat général, les envoyés spéciaux, ça a toujours été de la part du Sud. J'espère que les amis canadiens et les amis suisses vont reconsidérer, au moment du vrai débat sur cette question, cette position qu'ils ont aujourd'hui.»

L'envoyé spécial de la Francophonie au Burundi, qui est un ancien ministre des affaires étrangères et professeur de droit, est censé connaître que par la position qu'il occupe, il a le devoir de réserve qui lui interdit de faire de sa fonction un instrument d'une propagande ouverte pour un quelconque candidat à la Francophonie.

En tant qu'humain, on peut comprendre qu'il est souvent glissant de perdre son objectivité à cause des liens affectifs que l'on a avec les gens avec qui on devient proches ou du lieu où l'on passe la plus grande partie de son temps ou du travail. Mais l'envoyé spécial de la Francophonie au Burundi devrait s'efforcer de faire preuve de la plus grande impartialité dans ses propos.

Il a préféré troquer sa casquette d'envoyé spécial de la Francophonie pour celle d'agent de propagande d'un candidat à la Francophonie, en déclarant : «Tout le monde le dit et il est souhaitable que les deux présidents en exercice, les deux organisations partenaires que sont l'Union africaine et la Francophonie, à savoir le président Mohamed Ould Abdel Aziz et Joseph Kabila Kabange puissent coordonner leurs efforts à l'occasion des retrouvailles des chefs d'État de l'Union africaine à Malabo la semaine prochaine pour que l'Afrique, sur cette question, ne se divise pas.»

Est-il nécessaire de rappeler que la Francophonie est une organisation internationale composée de 77 États et gouvernements membres, associés et observateurs issus de cinq continents? Tous les États membres ont les mêmes droits et devoirs envers cette organisation. Le choix du nouveau secrétaire général n'est pas une compétition entre les continents, mais bien de trouver une personnalité à même de relever les défis importants qui nous préoccupent tous en tant que membres.

Comme l'a dit, Michaëlle Jean, également candidate à la Francophonie :

«Abdou Diouf a établi des fondations solides du point de vue de la Francophonie politique. Maintenant, ce que j'entends des chefs d'État depuis un an, c'est qu'ils veulent une Francophonie économique.»

Si telle est la volonté des chefs d'États africains, comme nous l'avions écrit dans un article sur la Parité homme femme à la Francophonie, ils devraient porter leur choix sur une personnalité qui soit un interlocuteur décomplexé devant les dirigeants des organisations de la gouvernance mondiale et des États du Nord, pour parler franchement des vrais problèmes économiques qui préoccupent les États du Sud.

Y a-t-il une règle non écrite en vigueur à l'OIF?

Une « règle non écrite » si elle existe, relève du droit international coutumier, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit et une pratique généralement acceptée par tous.

À la différence du principe universel de jus cogens, qui est une norme impérative de droit international généralement acceptée et reconnue par les États à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général, la coutume est une reconnaissance d'une pratique étendue et acceptée par tous comme étant le droit.

Si une telle règle a existé, elle est déjà remise en cause avec la nomination de l'actuel envoyé spécial de la Francophonie pour la République centrafricaine qui, à notre connaissance, ne vient pas d'un État du Sud, mais bien de celui du Nord.

Il est important de rappeler que le Sommet de Hanoï date de novembre 1997. S'il a été établi et admis par tous les États que le poste de secrétaire général de l'OIF serait réservé uniquement aux candidats du Sud, on aurait mieux fait d'enchâsser cette disposition dans la Charte de la Francophonie qui a été adoptée le 23 novembre 2005, pour éviter toute mauvaise interprétation de cette « règle de droit ».

Les articles 3 et 9 de la Charte de la Francophonie, adoptée en 2005 à Antananarivo, sont clairs comme de l'eau de roche :

Article 3 : Sommet : «Il élit le Secrétaire général, conformément aux dispositions de l'article 6 de la présente Charte.»

Article 6 : Secrétaire général : «Il est élu pour quatre ans par les chefs d'État et de gouvernement. Il dirige l'OIF. Il ne demande ni ne reçoit d'instructions ou d'émoluments d'aucun gouvernement ni d'aucune autorité extérieure.»

Étant donné que ladite « règle non écrite » n'a jamais été codifiée dans la Charte, qui est un instrument juridique par excellence qui établit les règles de désignation du secrétaire général, elle ne peut avoir une prépondérance sur le droit écrit. Logiquement, on ne saurait même pas opposer le droit coutumier, qui n'a qu'une place assez restreinte dans le système juridique issu du droit romano-civiliste, au droit écrit accepté par tous les États membres de l'OIF.

Une candidature unique de l'Afrique est improbable.

Le continent africain est composé de 54 pays divisés en cinq sous-régions : Afrique du Nord, Afrique de l'Ouest, Afrique centrale, Afrique de l'Est et Afrique australe. Chaque sous-région à sa spécificité, ses réalités, ses défis, etc. Il est difficile, on le voit souvent à l'Union africaine, de s'entendre sur plusieurs dossiers.

Si on revient aux règles non écrites dont il a été question ci-haut, on se souviendra de toutes les acrobaties qui ont abouti à l'élection de Madame Nkosazana Dlamini- Zuma à l'Union africaine en juillet 2012. Et pourtant, il existait bel et bien une règle non écrite qui voulait qu'un ressortissant d'un pays le plus puissant du continent ne doive pas exercer cette fonction.

Penser que l'Afrique francophone peut se mettre d'accord pour un candidat unique à la Francophonie, c'est peut être mal connaître ce continent qui a toujours été divisé sur de nombreux sujets importants à cause des clivages et rivalités entre pays et entre sous-régions. Monsieur Ould Lebatt, lui-même, le reconnait implicitement qu'un accord est improbable lorsqu'il dit : « pour que l'Afrique, sur cette question, ne se divise pas. »

J'étais tenté d'intituler cet article : « impossible candidat unique de l'Afrique », au lieu de « un possible candidat unique de l'Afrique ». Toutefois, l'avenir nous le dira.

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Avril 2018

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