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J'ignorais qu'un banal traitement antalgique à base de codéine ferait de moi une toxicomane

Un médicament anodin, en vente libre m’a amené à devenir une véritable droguée ni plus ni moins, je ne valais pas mieux que les héroïnomanes que l’on voit traîner dans les rues.
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J'ignorais qu'un banal traitement antalgique à base de codéine ferait de moi une toxicomane.
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J'ignorais qu'un banal traitement antalgique à base de codéine ferait de moi une toxicomane.

J'ai 41 ans je suis mariée et Maman de deux merveilleux enfants de 6 et 10 ans.

J'ai un passé psychiatrique assez lourd souffrant de troubles alimentaires et anxieux depuis mes 20 ans.

Il y a quelques années j'ai eu des problèmes importants de cervicales qui m'ont amenés à devoir prendre de la codéine pour soulager ces douleurs invalidantes.

J'ai très vite constaté que la codéine soulageait la douleur physique mais aussi psychologique, elle faisait sur moi un formidable travail sur la dépression et sur les angoisses.

La codéine m'offrait une vie bien plus confortable.

Pendant 2 ans, les doses prescrites par mon médecin suffisaient pour me sentir bien.

Douce euphorie, calme, énergie et bon sommeil.

L'état que me procure la codéine, je n'ai jamais pu le retrouver sans substances.

Mon addiction se développant, les doses ont augmenté.

Pour pouvoir continuer à ressentir cet état, je complétais mes prescriptions par des comprimés en vente libre.

Pendant 2 ans j'ai fais la tournée des pharmacies quotidiennement, deux ou trois pharmacies par jour, jamais les mêmes pour ne pas me faire remarquer.

Toujours les mêmes rengaines, bonjour j'aimerais une boîte de xxxxx. On me demandait toujours si je toussais, si je connaissais le produit. Oui je tousse bcp, j'ai toussé toute la nuit, oui je connais, merci madame au revoir.

Une boîte à 2,79 euros et j'étais partie pour 3h de bonheur.

Je n'étais pas euphorique, j'étais juste bien et moi-même. J'étais normale, avec la codéine j'étais comme tout le monde.

Je me suis retrouvée au point où sans codéine je ne pouvais plus travailler ni m'occuper de mes enfants.

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Je souffrais terriblement du manque les jours où je ne pouvais pas m'en procurer.

J'ai falsifié des ordonnances, volé dans les tirelires de mes enfants, menti, caché, tout cela pour me procurer ces fichus cachets.

Lorsque je n'avais pas assez de codéine, je me tournais vers l'alcool. Quelques bières fortes tous les jours pour pouvoir fonctionner.

Faire la tournée des pharmacies plusieurs fois par jour prend énormément de temps, d'énergie et d'argent.

J'arrivais en retard au travail, j'ai plusieurs fois été jusqu'au coma à cause de l'alcool, mes enfants avaient peur de moi, peur de me retrouver dans un état second quand j'allais les chercher.

Je suis devenue une droguée en tailleur et talons.

Une droguée mère de famille, une droguée qui travaille. Je faisais semblant pour tout, tout m'etait devenu insignifiant, mes enfants, mon mari, ma famille. Tout ce qui comptait c'etait combien j'avais d'argent dans mon porte-monnaie, quelle pharmacie je pouvais visiter et quel moment j'allais me réserver pour siffler quelques bières entre deux. J'ai passé quasiment toutes mes pauses déjeuner dans ma voiture planquée dans mon parking pour boire mes 2 Maximator verte qui tape à 11 degrés. C'etait pitoyable vu de l'extérieur.

Quand on est dans cette situation-là, les gens sont très critiques et culpabilisants, ils nous rabâchent sans cesse que l'on a tout pour être heureuse, qu'on est égoïste.

Je n'étais pas égoïste, j'étais juste très malheureuse et très seule. Pourtant entourée par mes amies, ma famille, personne ne pouvait comprendre ce qui m'arrivait et surtout quelle force me poussait sans cesse à consommer toujours plus quitte à mettre ma vie en danger et celle de mes enfants. Pour supporter cette vie qui me paraissait insupportable j'ai bu des litres de bière, de vin, avalé des boîtes entières de cachets.

Je prenais mes cachets 5 par 5 avec une gorgée de Coca. Je ne mangeais plus ou très peu parce que la codéine ou l'alcool font mieux effet à jeun et surtout pour garder un maximum d'argent pour mes consommations. Je dépensais tout mon argent quotidien dans la codéine ou l'alcool. Cela me permettait aussi de cacher ma consommation à mon mari. Lui pensait que je déjeunais à la cafétéria pendant que mon budget repas finissait en cachets ou bières.

J'avais honte, honte de gâcher ma vie et celle de mes proches, honte d'être sans volonté.

J'étais embrigadée dans un cercle vicieux. Je consommais, je culpabilisais, j'angoissais, je re consommais pour essayer de sortir de cette angoisse.

Ceci pendant presque 4 ans. Je sombrais peu à peu.

Heureusement j'ai fais un pas très important, aidée de mon mari qui aurait pu me quitter 100 fois après tout ce que je lui ai fait subir, j'ai consulté un médecin addictologue. Je lui ai raconté mon histoire en pleurant, de honte, de fatigue et quelque part aussi de soulagement.

On m'écoutait enfin et on comprenait enfin que j'étais malade, que ce n'était pas qu'une histoire de volonté.

On m'a prescrit un traitement de substitution, le même que l'on prescrit aux héroïnomanes.

Voilà j'etais une vraie droguée.

J'en étais là, à 41 ans avec une famille et une vie en apparence équilibrée, à prendre tous les jours ma substitution, à aller tous les 14 jours dans une pharmacie assignée avec mon ordonnance sécurisée.

J'ai beaucoup pleuré quand j'ai été obligée de me rendre à l'évidence, je ne m'en sortirai pas seule et je souffrais d'une addiction sévère à la codéine et à l'alcool.

Un médicament anodin, en vente libre m'a amené à devenir une véritable droguée ni plus ni moins, je ne valais pas mieux que les héroïnomanes que l'on voit traîner dans les rues.

J'ai dû accepter de me confier à mon mari, à mes amies et à mon médecin.

Je pensais être une super woman qui maîtrisait sa vie, qui était au-dessus de tout et de tout le monde.

Je ne suis pas tout cela, je suis malade et je dois me soigner. Je ne maîtrise plus rien, c'est la codéine et l'alcool qui dirigent ma vie. Ces substances m'ont mise sous emprise.

J'ai encore un long chemin à faire pour m'en sortir, je vais devoir prendre ma substitution encore plusieurs mois.

Mais j'ai retrouvé l'espoir, le goût à la vie. Je profite enfin de vivre simplement. Je me sens exceptionnellement bien, heureuse, pleine d'amour et de confiance. Je pense pouvoir honnêtement dire que je revis et que je ne me suis rarement sentie aussi bien tant physiquement que moralement.

La substitution me permet de vivre comme tout le monde, de me lever le matin, de m'occuper de mes enfants, de travailler. C'est une béquille très importante mais elle me soutient parfaitement pour le moment.

Je ne prend plus de codéine, je bois occasionnellement de l'alcool, je n'ai plus bu seule ou compulsivement depuis le début du traitement.

J'ai une force nouvelle qui me permet de ne pas craquer et entrer dans une pharmacie pour acheter de la codéine ou entrer dans dans un magasin pour acheter 2 ou 3 bières.

Ma vie n'a pas changé en apparence mais pour moi c'est une nouvelle vie, une vie sans recherche effrénée de pharmacies, sans détour pour vite aller acheter une bière, sans stratégie pour cacher mes consommations.

Je suis substituée et je suis enfin heureuse.

(Le nom de l'auteur a été modifié à sa demande)

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