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L'absurdité de la Journée internationale des hommes

Nous ne nions pas que des hommes puissent rencontrer des difficultés, mais ils constituent néanmoins un groupe social privilégié.
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L'an dernier, nous avons publié un billet qui remettait en question la raison d'être de la Journée internationale des hommes. En conclusion de ce billet, nous avons soulevé la question suivante: comment réagirions-nous si quelqu'un proposait de créer une journée internationale pour les Blancs, les hétérosexuels, les riches, ou d'autres groupes qui occupent aussi une position privilégiée dans notre société?

Dans le présent billet, nous souhaitons pousser cette réflexion plus loin, en mettant en relation trois initiatives qui visent à contrer l'oppression systémique que vivent certains groupes, soit le Mois de l'histoire des Noirs, le défilé de la fierté, et la Journée internationale des femmes.

Des initiatives importantes

Le Mois de l'histoire des Noirs

Né d'une volonté de vaincre le racisme et d'intégrer l'histoire afro-américaine au curriculum scolaire traditionnel, le Mois de l'histoire des Noirs a été officiellement reconnu aux États-Unis en 1976, puis au Canada en 1995. Il est une occasion de souligner l'apport inestimable des personnes et des communautés noires dans notre société, et une opportunité pour célébrer leurs multiples réalisations. Cette initiative est aussi pertinente aujourd'hui qu'elle l'était il y a 20 ou 40 ans, puisque le racisme est encore présent et la contribution de ces personnes et de ces communautés demeure méconnue et sous-estimée.

Le défilé de la fierté

Le défilé de la fierté a vu le jour en 1970 à New York, en réaction à la discrimination exercée par les policiers à l'endroit de la communauté gaie. Cette tradition est maintenant présente dans plusieurs villes à travers le monde, revendiquant les droits des personnes LGBTTQ* et célébrant la diversité sexuelle. Même si, dans notre société, la réalité des personnes LGBTTQ* est souvent citée en exemple pour illustrer l'évolution rapide des mentalités, il n'en demeure pas moins que plusieurs d'entre elles sont toujours victimes de stigmatisation, de discrimination et même de violence.

Imaginons l'inverse...

Un Mois de l'histoire des Blancs

Pour faire contrepoids au Mois de l'histoire des Noirs, le Mois de l'histoire des Blancs permettrait de souligner l'apport des personnes blanches dans notre société et de célébrer leurs multiples réalisations. Cela serait évidemment absurde, puisque les personnes blanches n'ont pas été systématiquement exclues de l'histoire et leur contribution n'a pas été sous-estimée. Au contraire, les Blancs ont eu tendance à présenter une version de l'histoire qui est à leur avantage, dissimulant ou falsifiant certains aspects problématiques. Ainsi, comme l'histoire a été écrite et continue d'être largement écrite par les Blancs pour servir leurs propres intérêts, le Mois de l'histoire des Blancs ressemblerait essentiellement aux onze autres mois de l'année...

Un défilé de la fierté hétérosexuelle

Les personnes hétérosexuelles pourraient, comme les personnes LGBTQ*, organiser un défilé de la fierté hétérosexuelle, célébrant leur identité straight. Cela serait évidemment absurde, puisque les personnes hétérosexuelles n'ont pas à revendiquer leurs droits; personne n'est victime de stigmatisation, de discrimination ou de violence dû à son hétérosexualité. En fait, puisque l'hétérosexualité constitue la norme dans notre société, ce défilé serait simplement une occasion pour les personnes hétérosexuelles de réaffirmer leurs privilèges, ce qui se fait nécessairement au détriment de la diversité sexuelle et des personnes LGBTQ*.

Pour une Journée internationale des hommes comme des femmes?

Issue des luttes féministes, la Journée internationale des femmes est célébrée dans différents pays européens dès 1911, puis l'Organisation des Nations unies l'a reconnue officiellement en 1977. Quoique basées sur différents axes d'oppression, cette initiative, tout comme les deux présentées dans la première partie de ce billet, s'appuie sur une volonté de lutter pour l'égalité et la justice sociale, de revendiquer des droits et de célébrer la diversité. Ces initiatives étaient cruciales lors de leur création et demeurent pertinentes aujourd'hui, puisque plusieurs personnes continuent d'être victimes de stigmatisation, de discrimination et même de violence, parce qu'elles sont noires, LGBTTQ* ou femmes.

À l'opposé, nous avons démontré à quel point il serait absurde de mettre en place un Mois de l'histoire des Blancs ou un défilé de la fierté hétérosexuelle. La Journée internationale des hommes nous apparaît tout aussi absurde... Nous ne nions pas que des hommes puissent rencontrer des difficultés, mais ils constituent néanmoins un groupe social privilégié. Ils continuent de dominer la majorité des sphères de pouvoir politiques, sociales et économiques et surtout, ne sont pas victimes de discrimination et de violence «parce qu'ils sont des hommes». Leur consacrer une journée spéciale pour célébrer leurs accomplissements constitue plutôt une insulte aux femmes et aux groupes marginalisés qui, contrairement aux hommes, doivent réellement lutter pour une société plus juste et égalitaire. Dans ce contexte, cette initiative ne tient pas la route puisque la Journée des hommes, c'est tous les jours de l'année...

Ce texte est cosigné par Simon Lapierre (blogueur au Huffington Post) et Vanessa Couturier, étudiante au baccalauréat à l'École de service social, Université d'Ottawa.

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En images : le défilé de la Fierté 2015 à Montréal

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