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Rire au bureau aide à la performance

Plutôt que de baisser les bras, serrer les dents ou se mettre en colère, rappelons-nous qu'une dose d'humour peut parfois suffire à transfigurer une situation difficile.
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L'humour est certainement un phénomène très important dans nos vies personnelles et professionnelles, générant de fortes attentes quant à ses bénéfices. De façon instinctive, nous savons que pratiquer l'humour, sourire, rire, est positif à bien des points de vue. Cet aspect est validé par de nombreuses études qui démontrent que les bienfaits de l'humour sont particulièrement riches et nombreux. D'un point de vue psychologique, l'humour favorise le développement personnel, la capacité à affronter les problèmes, la résistance au stress, le renforcement du statut dans le groupe.

D'un point de vue sociologique, l'humour aurait un impact positif sur l'engagement et l'implication, la stabilité sociale, le lien, la médiation, la créativité. Et d'un point de vue médical, l'humour améliore la résistance aux maladies, la vigilance grâce aux sécrétions d'adrénaline, de norepinephrine, de dopamine, la respiration, l'activité musculaire et le rythme du cœur, l'oxygénation, la résistance à la douleur, et... augmente le plaisir grâce à la sécrétion d'endorphine.

Nous faisons le constat d'un phénomène fort complexe: bien compris, l'humour peut contribuer à la performance, en améliorant les relations entre personnes, en désamorçant les conflits, en fédérant ... Mais soumis aux dérives de l'agressivité, de la mise en cause de personnes, il peut devenir du harcèlement, et créer de la souffrance. Il est donc important de cultiver notre sens de l'humour, que nous soyons à l'initiative des traits d'humour ou seulement interlocuteur, sans céder à la raillerie, à la plaisanterie blessante, à la ricanerie systématique comme on le voit trop souvent. Je propose ici l'analyse de trois situations d'entreprise pour illustrer mon propos.

1. Première situation: la réunion commerciale

Il s'agit d'une réunion commerciale dans un laboratoire pharmaceutique, l'ensemble des responsables de vente sont réunis pour une présentation d'une nouvelle ligne de produits, de médicaments le cas échéant, destinés au marché OTC (sans prescription médicale). Il y a 7 personnes.

• Le responsable marketing, que nous appellerons MK, est au bout de la table avec une animation Power Point en projection et un paper board.

• Les 6 responsables des ventes sont assis autour de la table de réunion.

La réunion a démarré depuis quelques minutes et l'atmosphère est assez tendue car les responsables commerciaux estiment ne pas avoir été impliqués dans cette action marketing. Ils n'ont pas été consultés et considèrent qu'une fois de plus, le marketing les met devant le fait accompli, alors qu'ils vont devoir mettre en œuvre la commercialisation de cette nouvelle ligne.

MK : donc, voilà pourquoi nous avons décidé de créer cette nouvelle ligne de médicaments

(Projetant la diapo suivante qui présente le nom et le logo de la nouvelle marque)

MK : Cette ligne s'appelle ALCIUS... (suspension de parole, pour laisser le temps à son auditoire de découvrir la projection)

Un responsable de vente : et avec ALCIUS, tu l'as dans l'anus!

-Rires généralisés de l'ensemble des directeurs de vente, expression figée du responsable marketing.-

Décryptage: l'humour de coalition

Dans ce cas, l'humour porte sur le registre de langage. Le responsable des ventes propose une phrase qui a tout à fait le rythme et la rime d'un slogan publicitaire.

L'incongruité porte sur la vulgarité du propos, avec deux registres, l'un qui reste «correct», le mot «anus», n'est pas un mot vulgaire. De plus, l'interaction se déroule dans l'univers des médicaments, où existe le suppositoire. L'autre registre est celui qu'implique l'expression, qui traduit en fait le sentiment général de l'ensemble des participants, celui de «s'être fait avoir» dans cette action de création de produits.

Le rire est explosif mais, assez rapidement, compte tenu de l'attitude de MK, il y a un retour au sérieux progressif, sachant qu'on comprend bien avec les regards des uns et des autres, que bien d'autres formules pourraient être proposées, mais certainement plus dégradantes. On sent également que des limites ont été frôlées et que, du coup, peut être vaut-il mieux ne pas insister.

MK perd la face, il est débouté de la «position haute» qu'il avait acquise avec son rôle d'animateur de réunion.

L'humour a ici joué un rôle de coalition car les membres du groupe se sont fédérés autour de cette répartie, un rôle de communication indirecte avec le message qui est passé, et un rôle de nouvelle répartition des places des personnes présentes, celui qui occupait la position haute la perdant, même si c'est provisoire.

2. Deuxième situation: la reprise de contact

Un commercial L1 arrive chez un client C1, il attend, assis dans la salle d'attente. C1 et L1 se connaissent car ils travaillent ensemble depuis deux ans, avec cinq à six rendez-vous par an. Pendant le moment où L1 attend, se déroule une livraison de café, boissons, snacks, très certainement destinés à des distributeurs automatiques. La pièce est encombrée de palettes de nourriture et boisson.

Quand C1 arrive dans le hall pour accompagner L1 à son bureau, celui se lève, tend la main à L1, et avant de dire bonjour énonce avec un grand sourire, en désignant les palettes de nourriture:

L1: Eh bien! Vous préparez un siège!

C1 (riant): On n'est jamais trop prudent!

-Rires-

Décryptage : l'humour de routine de courtoisie

Il s'agit typiquement d'«échanges confirmatifs en séquence d'ouverture», qui reprennent la notion de rituel. Il s'agit pour L1 (et C1 entre dans son jeu) de réaffirmer les liens sociaux, de confirmer chaque individu dans sa position de partenaire dans l'interaction à venir.

L'enjeu de cette séquence est la véritable reprise de contact, au cours de laquelle les sujets doivent se montrer de la considération, et même la joie de se retrouver. Les interlocuteurs se livrent à un état des lieux, concernant le cadre, les personnes elles-mêmes, permettant d'inscrire l'interaction dans un continuum au cours duquel l'interaction vient s'enrichir de nouveaux éléments, de nouveaux dires et pratiques. Un autre rôle de cette séquence est de repérer et commenter les éventuels changements intervenus pour se les approprier. Les effets humoristiques permettent de renforcer cette «routine d'amorce» ou «routine de courtoisie».

3. Troisième situation : le conflit commercial

Le client C1 reproche de façon très véhémente à son interlocuteur L1 de ne pas avoir respecté les délais de livraison pour la dernière commande.

C1 : je considère que vous êtes défaillant ...

L1 : je l'admets, et j'en prends l'entière responsabilité ...

C1: c'est la moindre des choses, mais ça ne change rien à mon problème

L1 : comme je vous l'ai proposé tout à l'heure, on peut vous faire une livraison dès cet après-midi pour 100 lots, le reste début de semaine prochaine

C1: bon... il faut un geste commercial

L1 : nous vous proposons «moins 2,4»... C'est vraiment difficile de faire plus

C1 : OK... mais je souhaiterais à l'avenir plus d'exactitude

L1 : (petit rire), je vous assure de toute ma «bravitude»!

C1 : (rires) mais ne comptez pas sur ma mansuétude...

-Rires communs-

Décryptage : l'humour de désamorçage de conflit

Nous assistons au désamorçage d'un conflit, certes le litige commercial est en passe d'être réglé grâce à la transaction raisonnée, mais c'est un autre processus qui est à l'œuvre en fin de dialogue: celui du rétablissement du contrat de parole. La relation se renoue, certainement plus vite qu'elle n'aurait pu, grâce à l'humour. L'incongruité est en place puisque le commercial reprend un mot inexact, prononcé par un personnage public, candidat à la présidence de la République française, qui a été largement raillé dans les médias.

Il joue sur l'euphonie des mots, prenant le risque d'agacer son interlocuteur qui pourrait estimer que c'est faire preuve de beaucoup de légèreté que de rire de ce problème de livraison, grave à ses yeux. Finalement, certainement parce que le litige est réglé, le client accepte de renouer le fil du dialogue, redonnant à son interlocuteur une place de partenaire. En effet, toute la durée de l'interaction, le vendeur est en place basse, et accepte les remontrances en faisant «profil bas».

Le client rebondit même, en jouant sur le même registre de la terminaison en «tude». Le vendeur convoque un énonciateur qui joue le rôle d'un brave, apparentant le monde du commerce à l'univers guerrier, mais l'incongruité du mot permet de provoquer l'ambivalence et la distance nécessaire pour en rire.

Désamorcer la colère d'un client mécontent, faire accepter la hausse des objectifs de production, gérer la mauvaise humeur d'un collègue de travail, affronter un photocopieur défectueux un soir à 23h, alors que le dossier est à rendre pour le lendemain à l'aube... Qui n'a pas connu ce type de situation? Plutôt que de baisser les bras, serrer les dents ou se mettre en colère... Rappelons-nous qu'une dose d'humour peut parfois suffire à transfigurer une situation difficile!

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