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Comment le Canada a ouvert la voie au mariage entre personnes de même sexe

Lorsque la Loi sur le mariage civil est entrée en vigueur il y a dix ans, le Canada n'était que le quatrième pays au monde - et le premier à l'extérieur de l'Europe - à légaliser le mariage entre personnes de même sexe.
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Lorsque la Loi sur le mariage civil est entrée en vigueur il y a dix ans, le Canada n'était que le quatrième pays au monde - et le premier à l'extérieur de l'Europe - à légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Or, avec la récente décision rendue par la Cour suprême des ÉtatsUnis, et le référendum gagnant tenu en Irlande au printemps, le mariage entre conjoints de même sexe est maintenant reconnu dans plus de 20 pays, et ce nombre va continuer d'augmenter.

En ma qualité de ministre de la Justice, en 2005, j'ai été fier de rédiger et de présenter ce projet de loi, une mesure législative ancrée dans deux principes fondamentaux de notre Charte des droits et libertés : le droit de tout citoyen à l'égalité sans discrimination et le droit à la liberté de religion. La loi a garanti les droits des couples de même sexe, sans pour autant retirer de droit à quiconque, et sans subordonner un droit à un autre.

Lorsqu'on se souvient du débat sur la question qui s'est tenu au Canada il y a déjà dix ans, trois éléments sont frappants.

Premièrement, on a aujourd'hui du mal à imaginer le débat de l'époque, qui attisait les passions et pouvait à l'occasion devenir acrimonieux. Pourtant, comme je le disais alors à différents groupes d'intervenants, si nous adoptons cette loi, nous verrons bien, dans dix ans, que le ciel ne nous sera pas tombé sur la tête.

Deuxièmement, ce débat était une discussion constitutionnelle unique et enlevante. Cette mesure législative était le résultat d'une conversation à quatre entre le parlement, la population, les tribunaux, et le gouvernement.

Il s'agissait d'une initiative parlementaire - la Charte des droits et libertés - qui inscrivait dans notre constitution les droits à l'égalité et à la liberté de religion, et qui investissait les tribunaux du pouvoir de protéger ces droits. Il s'agissait de personnes et de groupes qui exerçaient les recours que leur garantissait la Charte pour affirmer leurs droits, et qui se sont battus avec succès devant les tribunaux de huit provinces et d'un territoire contre les restrictions limitant le mariage civil aux couples hétérosexuels. Et il s'agissait du gouvernement fédéral qui a soumis la question à la Cour suprême afin d'avoir son avis consultatif sur la constitutionnalité du mariage entre conjoints de même sexe.

Tout cela fait ressortir une troisième caractéristique remarquable du débat : c'était une discussion nationale de grande envergure, inclusive - et souvent animée - sur un enjeu crucial pour notre pays. De telles discussions sont d'autant plus remarquables qu'elles sont rares de nos jours.

C'était, par exemple, par respect pour la pluralité des options présentées et des questions soulevées, que, suite aux décisions des cours inférieures et des cours d'appel, j'ai demandé à la Cour suprême de se prononcer non seulement sur la constitutionnalité du mariage entre conjoints de même sexe, mais aussi sur la possibilité d'envisager les unions civiles comme une option valide.

Lorsque le tribunal a rendu une décision unanime déclarant que le mariage entre personnes de même sexe était non seulement permis par la Charte mais qu'il en découlait, et que les unions civiles n'allaient pas assez loin, j'ai déposé une mesure législative qui a fait l'objet d'un examen minutieux tant à la Chambre des communes et au Sénat que dans le Canada tout entier.

Quelque 28 groupes et personnes ont défendu devant la Cour suprême toute la gamme des points de vue sur la question. Un comité spécial constitué par la Chambre des communes s'est réuni à 21 reprises et a entendu 72 témoins, dont des représentants de 35 organismes. Le comité sénatorial qui s'est penché sur le projet de loi a quant à lui tenu six réunions supplémentaires et a recueilli 33 témoignages.

Qui plus est, la population canadienne dans son ensemble s'est beaucoup investie dans le débat.

Les Canadiens ont examiné la question sous tous ses angles, exprimé leur soutien ou leurs préoccupations aux pouvoirs publics, en plus de prendre part aux manifestations pour ou contre l'adoption du projet de loi.

Au moment de la promulgation de la loi, tous les aspects de la question avaient fait l'objet de débats approfondis et publics. Globalement, cette conversation nationale s'est révélée intense, mais respectueuse et indéniablement démocratique.

Sur des sujets d'une telle importance, et qui soulèvent autant de passions, ce genre de processus inclusif et engagé est essentiel, non seulement pour s'assurer qu'au bout du compte l'approche législative retenue est examinée minutieusement - et qu'on parvient à un juste équilibre; mais aussi pour conférer une légitimité démocratique à la loi, même pour ceux qui la désapprouvent.

Il est regrettable que toutes les grandes politiques publiques ne soient pas traitées de cette façon.

Comme nous l'avons vu récemment, les projets de loi sont trop souvent examinés à toute vitesse par le Parlement; les possibilités d'en débattre sont restreintes; les individus critiques sont dénigrés ou attaqués; et certaines dispositions majeures sont enfouies dans des projets de loi omnibus.

Dans les circonstances présentes, il est d'autant plus important de souligner le dixième anniversaire de la pleine égalité devant le mariage dans ce pays, à la fois en célébrant cet exemple de leadership canadien en matière d'égalité, de liberté et de justice, et en nous souvenant des vertus de débattre d'enjeux sérieux d'une manière digne d'une démocratie dynamique et ouverte.

Irwin Cotler est député libéral de Mont Royal, ancien ministre de la Justice et procureur général du Canada et professeur de droit émérite à l'Université McGill.

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