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La menace nucléaire grandit avec l'État islamique

Le décor est planté pour ce qui pourrait s'avérer être l'une des plus graves catastrophes nucléaires de l'Histoire.
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Nice, Istanbul, Bruxelles, Paris... Depuis deux ans, l'organisation terroriste État islamique démontre sa capacité à diversifier les moyens utilisés pour commettre des attentats. On observe aussi une tendance inquiétante, qui est illustrée par l'attaque d'objectifs hautement stratégiques, comme les deux aéroports d'Istanbul et de Bruxelles. L'enquête sur ce dernier attentat a révélé ce que la communauté des analystes et du renseignement craignait: l'organisation État Islamique planifiait une opération contre une centrale nucléaire en Belgique.

Alors que la fin de la Guerre froide semblait éloigner le risque d'une guerre nucléaire, la menace terroriste constituée par l'État islamique est venue réactiver ce type de scénario. De telles attaques sont probables aujourd'hui et supposent une surveillance accrue de nos installations. Le coordinateur de l'Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, déclarait récemment que «le Web rendrait possible la prise de contrôle d'un centre de gestion d'une centrale nucléaire». Face à cette menace tangible, certaines installations situées dans l'ancienne Union soviétique sont au cœur des préoccupations et laissent craindre le pire.

L'État islamique, ou la stratégie du fou nucléaire

Un faisceau d'éléments témoigne de la volonté de l'État islamique et d'autres groupes terroristes de produire et d'utiliser des armes nucléaires. En 2015, les djihadistes ont dérobé 40 kg d'uranium faiblement enrichi à l'Université de Mossoul, en Irak. Ce vol témoigne de l'échec des autorités irakiennes, en collaboration avec les États-Unis et les pays occidentaux, à sécuriser et à déplacer les matériaux dangereux pour prévenir le risque terroriste. Du coté de la Syrie, en proie à la guerre depuis plus de 5 ans, aucun rapport ne confirme que le matériel nucléaire utilisé dans le réacteur détruit de Dair-al-Sour ait été mis en sécurité.

Plus récemment, en avril 2016, les services géorgiens de sécurité ont arrêté six trafiquants, trois Arméniens et trois Géorgiens, pour avoir tenté de vendre 200 millions de dollars d'uranium 238. Ces arrestations ne sont pas les premières. Les trafics ont en effet augmenté depuis deux ans selon le World Post, publication partenaire du Huffington Post.

En effet, l'enclavement géographique de l'Arménie oblige les trafiquants à emprunter la route de la Géorgie pour accéder aux ports de la mer Noire, utilisés pour transférer du matériel nucléaire vers le Moyen-Orient. Le démantèlement de ces réseaux a alerté les experts de la non-prolifération nucléaire. Des institutions comme la Nuclear Threat Initiative, organisation américaine spécialisée dans l'analyse des risques nucléaires, insiste depuis de nombreux mois sur le sérieux de ce danger et regrettent que le monde se soit exclusivement focalisé sur le dossier nucléaire iranien, au détriment d'autres questions plus explosives.

La stratégie de l'État islamique rend la menace crédible. Outre une idéologie basée sur la terreur, le groupe cherche à «subjuguer» en multipliant les tueries de masse et en les diffusant massivement sur les réseaux sociaux. Leurs atrocités maintiennent l'attention de la communauté internationale. Et il va sans dire qu'une attaque nucléaire correspondrait au paroxysme de cette stratégie. Par ailleurs, différents rapports des services de renseignement précisent que l'État islamique a attiré dans ses rangs des recrues dont certaines ont de solides connaissances en physique, chimie et informatique. À travers leur expertise, l'organisation serait donc en capacité d'utiliser des matériaux nucléaires mais aussi chimiques comme des «armes de terreur», selon la très sérieuse NATO Review.

«Le décor est planté pour ce qui pourrait s'avérer être l'une des plus graves catastrophes nucléaires.»

Dans ce contexte, la faible protection des centrales de l'ex-URSS, principalement en Ukraine, Moldavie et Arménie, en font de réelles sources d'approvisionnement, mais aussi les cibles d'attaques potentielles perpétrées par l'organisation État islamique.

Metsamor, vétusté et tensions géopolitiques dans le Caucase

Le cas de la centrale de Metsamor, en Arménie, est particulièrement préoccupant.

Outre la menace terroriste, cette dernière cumule les dangers : bâtie sur une zone sismique active, elle ne possède pas de système de refroidissement, crucial pour circonscrire la surchauffe du cœur nucléaire. De plus, le Nagorno-Karabakh, territoire azerbaïdjanais occupé par l'Arménie depuis 1994, est utilisé pour stocker les déchets nucléaires. Sa faible surveillance en fait une cible facile pour les terroristes et laisse envisager une catastrophe environnementale majeure dans le Caucase du Sud.

Metsamor a été construite en 1976 avec une technologie soviétique similaire à celle de Tchernobyl. Décrit comme étant «le plus vieux et le moins fiable» des réacteurs nucléaires par l'Union européenne et comme «la centrale la plus dangereuse du monde» par le National Geographic, l'installation avait fermé en 1988 suite à un tremblement de terre mais elle a été rouverte - une première dans l'histoire - en 1995.

Le stockage de déchets nucléaires sur le territoire occupé du Nagorno-Karabakh par les Arméniens laisse planer un sérieux danger pour toute la région du Caucase et au delà. En cas d'accident, les effets sur l'environnement seraient désastreux. De plus, la grande dispersion des sites de stockages - 29 centres de radiation sur le territoire occupé - en font autant de cibles potentielles pour l'État islamique, mais aussi dans un scénario de guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. La tension sur le terrain entre Erevan et Bakou est palpable et pourrait conduire à une véritable confrontation d'envergure entre les deux pays, si la diplomatie venait à échouer.

À plusieurs reprises, l'Union européenne a appelé à la fermeture rapide de la centrale - son cycle de vie devait s'achever en 2010 - mais elle s'est heurtée au refus du gouvernement arménien : 40 % de l'approvisionnement en électricité en Arménie provient de Metsamor. Récemment, il a été annoncé que les opérations seraient maintenues jusqu'en 2026. Cette décision politique des autorités arméniennes est lourde de conséquences et pourrait conduire la région vers une catastrophe de grande ampleur.

Cumul des dangers, notamment montée en puissance de le menace terroriste, manque de volonté politique, rivalité géopolitique... Le décor est planté pour ce qui pourrait s'avérer être l'une des plus graves catastrophes nucléaires de l'Histoire.

Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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