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Fidel Castro, Justin Trudeau et la liberté d'expression

Après votre première déclaration, vous avez dit que Fidel était un dictateur. Bien! Cependant, que vous n'ailliez pas aux funérailles de ce grand homme, c'est vous contraindre à ne pas suivre votre cœur et à renoncer à exercer votre liberté d'expression.
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M. Trudeau, dans notre pays démocratique où il y a la liberté d'expression, j'ai l'impression que vous ne continuez pas à exercer cette liberté en raison des commentaires défavorables émis sur votre déclaration faite après le décès de Fidel Castro.

Il est vrai que vous êtes chef d'un pays, mais tous les Canadiens connaissent les liens d'affection et d'amitié qui liaient Fidel et votre père, liens que vous aviez aussi. Vous avez parlé avec votre cœur à l'annonce du décès de Fidel, et c'était bien. Je crois que vous n'auriez pas dû écouter ceux qui ne tolèrent pas les expressions du cœur, car, à mon avis, le chef d'un pays doit pouvoir parler avec son cœur. Après votre première déclaration, vous avez dit que Fidel était un dictateur. Bien! Cependant, que vous n'ailliez pas aux funérailles de ce grand homme, c'est vous contraindre à ne pas suivre votre cœur et à renoncer à exercer votre liberté d'expression. Fidel est venu aux funérailles de votre père et je crois que vous devriez lui rendre la pareille, soit être présent à ses funérailles.

J'indique ici ce que je pense de Fidel et, à la fin, j'aurai un message pour vous, Monsieur Trudeau. Fidel était un grand homme! Cuba est une société qui ne ressemble à aucune autre dans le monde. Dans cette société, ont été mises de l'avant les plus belles valeurs: accès à des soins de santé, à la culture, à l'éducation; partage, etc. Oui, depuis la chute de l'URSS, la situation économique à Cuba est difficile, en partie en raison de l'embargo imposé par les États-Unis, embargo qui est toujours en place. Oui, Fidel a fait des erreurs, mais, en comparaison de ce qu'il a fait de bien, ce ne sont pas les erreurs qui pèsent le plus lourd dans la balance.

Du temps de Batista, les casinos et la prostitution, etc. fleurissaient à La Havane. Quelques Cubains, acoquinés avec les Américains, étaient riches, mais c'était l'infime minorité de la population. Avant la révolution menée par Castro, la majorité des Cubains vivaient dans une extrême pauvreté, n'avaient pas de logement décent, pas suffisamment à manger, pas de soins de santé, pas de système d'éducation. N'eût été Fidel, Cuba serait actuellement dans la même situation que la plupart des pays de l'Amérique latine, soit une majorité de gens, dont des enfants, qui vivent dans des conditions misérables (parfois dans des dépotoirs, sur des détritus), des gens n'ayant pas accès à l'éducation, à la culture, des gens ayant à faire face à la violence, des adultes et des enfants qui meurent, faute de soins de santé gratuits.

Je parle ici de pays qui sont des « démocraties » et qui ne se préoccupent pas du bien du peuple. Regardons la situation du côté de la majorité de la population, soit du côté des pauvres. Prenons l'exemple d'une mère, dans ces pays, qui voit son enfant mourir parce qu'elle n'a pas d'argent pour le faire soigner. Cette mère pourra dire « c'est parce que le gouvernement ne me donne pas accès aux soins de santé gratuits que mon enfant est mort ». Évidemment, ses paroles ne feront pas revivre son enfant et, par ailleurs, les paroles de cette mère ne seront pas entendues en haut lieu. Si vous êtes une mère: dans quelle société aimeriez-vous mieux vivre? Dans une société où il y a la liberté d'expression, mais où votre enfant meurt parce qu'il n'a pas accès à des soins de santé gratuits? Ou dans une société où il n'y a pas la liberté d'expression totale, mais où votre enfant ne mourra pas parce que le gouvernement vous accorde des soins de santé gratuits?

J'aurais voulu qu'il y ait plus de liberté d'expression à Cuba, car, pour moi, c'est une valeur importante. Cependant, je ne me peux pas me limiter à cette valeur, si importante pour moi, lorsque j'analyse une société. Évidemment, la meilleure société serait celle où il y a la liberté d'expression, et également, les soins de santé gratuits, pour ne parler que de ces ceux aspects d'une société. Cependant, combien de sociétés au monde, notamment celles qui sont encore au stade de « développement », accordent les deux?

Je vois la réalité, ainsi que les enseignements du passé, qui me permettent de savoir que les puissances occidentales se comportent différemment, selon qu'un leader est de gauche ou de droite. Je n'ai pas oublié Allende et le coup d'État du 11 septembre 1973 au Chili. Le socialiste Allende, qui voulait une société juste pour son peuple et qui ne voulait pas restreindre la liberté d'expression, a été assassiné lors d'un coup d'État fomenté par les Américains (je sais: Allende s'est donné la mort lors de l'assaut du palais de Modena, mais il ne l'aurait pas fait s'il avait pu mener à bien sa révolution).

Oui, Fidel était un dictateur, mais ce qu'il a apporté à son peuple est exceptionnel.

Lorsqu'un dictateur est de droite et qu'il massacre son peuple, il n'est pas souvent inquiété par les États-Unis et les autres puissances occidentales. J'aimerais qu'il n'y ait aucun manque dans une société, mais, à choisir entre les manques de la société cubaine et, par exemple, ceux de la société syrienne, je choisis le Cuba de Castro. Je crois que les Syriens, qui se font massacrer par El Assad sous le regard des puissances mondiales, aimeraient mieux un dictateur comme Fidel plutôt qu'un dictateur comme El Assad. Oui, Fidel était un dictateur, mais ce qu'il a apporté à son peuple est exceptionnel.

Un dernier mot pour Justin Trudeau au sujet des funérailles de Fidel: que dirait votre père, s'il était vivant? Peut-être dirait-il: « Envoie promener ceux qui t'empêchent de faire ce que ton cœur te dicte. Va aux funérailles de Fidel ». Je sais que vous n'oserez pas y aller, ce qui démontrera qu'une personne, même aussi haut placée que vous, subit des conséquences en raison d'une opinion qu'elle a exprimée. Vous l'aurez appris à vos dépens, monsieur Trudeau: il ne fallait pas dire trop de bien de Fidel, mais il fallait dire qu'il était un dictateur. Vous ne vivez pas à Cuba, mais, vous le savez maintenant, au Canada, l'expression d'une opinion peut entraîner des conséquences fâcheuses. D'autres personnes ont vécu cela avant vous et les conséquences ont été parfois catastrophiques pour elles: certaines ont appris qu'il valait mieux se taire.

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