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Quand Big Brother devient réalité

Pour avoir voulu renseigner les citoyens de son pays sur les pratiques discutables du gouvernement américain en matière d'éthique et de vie privée, Edward Snowden a tout perdu. À l'instar de Winston Smith, le personnage principal du roman d'Orwell, Snowden n'a pas voulu pratiquer l'amnésie sélective et participer au mensonge perpétré par l'élite politique.
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On se croirait presque dans un roman d'espionnage, voire dans une télésérie de type Alias ou Person of Interest où l'intrigue est concentrée autour des agissements secrets de firmes criminelles et sur ceux des différentes branches paramilitaires et du renseignement américain. Pire encore on croirait entendre la cassette des conspirationnistes, laquelle nous mettrait en garde contre les orchestrations et les manigances du gouvernement à l'insu de ces bons citoyens. Il n'en est rien, niet ! L'histoire qu'a récemment divulguée Edward Snowden (The Guardian) - cet ex-employé de la CIA et de la firme Booz Allen Hamilton - n'a rien d'une fiction imaginé pour la télévision ou pour la littérature. Bien au contraire, les révélations d'espionnage et d'écoute électronique, par la NSA (National Security Agency), sur les citoyens étasuniens sont réelles.

Nous ne sommes pas dans le roman 1984 de George Orwell, mais dans une réalité qui fut représentée et symbolisée par une trame littéraire futuriste, dans laquelle l'auteur, de manière quasi prophétique, nous prévenait des évènements et situations à venir. Définitivement, Big Brother regarde, surveille, épie et veille... à la sécurité nationale ou à un contrôle des idées, des désirs, des aspirations, des libertés? Le débat sur le sujet met en scène deux groupes dichotomiques où, d'un côté, les partisans de la sécurité nationale fulminent contre tous ceux qui ont participé (participent) à la divulgation d'informations secrètes, une action, selon eux, qui pourrait entraîner des conséquences pour la protection des citoyens et du territoire, et, de l'autre, les défenseurs des libertés individuelles et collectives qui crient au scandale et à l'ingérence du gouvernement dans la vie privée. En d'autres termes, Edward Snowden est perçu, dépendamment de notre positionnement et de nos affiliations sociopolitiques, soit comme un criminel qu'il faut enfermer et poursuivre pour avoir enfreint les règles de sécurité des États-Unis, soit comme un héros qui a voulu protéger les Américains contre une intrusion illégitime et immorale du gouvernement de Barack Obama.

Comment doivent donc être appréhendés les gestes d'Edward Snowden? Dans un premier temps, son exil vers Hong Kong, au cœur d'un territoire chinois (une bonne façon de faire un pied de nez aux États-Unis), peut être interprété, par certains, comme un aveu de culpabilité. En effet, plusieurs ont déjà noté que seuls les coupables fuient. Ce raisonnement est, à mon avis, plutôt simpliste. Il est évident que Snowden, avant de poser son geste, a évalué les répercussions, autant positives que négatives. Bien plus, il était aussi sans contredit informé de l'affaire WikiLeaks (Julian Assange) et d'autres évènements similaires, d'où sa décision de quitter la juridiction étasunienne pour trouver refuge et sécurité personnelle.

Je me pose et je vous pose la question: «Comment un individu qui a renoncé à une panoplie d'avantages individuels - un salaire annuel de près de 200 000 $, une vie confortable, une famille et une petite amie, etc. - peut-il être perçu et jugé comme un opportuniste, un magouilleur, un criminel?». La situation et les informations que nous possédons me poussent à le voir plus comme un modèle de bravoure que comme un criminel, dans l'optique où Snowden ne semble pas avoir satisfait d'intérêts personnels, si ce n'est d'avoir bonne conscience. Est-ce un héros pour autant? Non. Il se présente plutôt comme étant un individu intègre qui ne voulait (pouvait) pas vivre avec les machinations gouvernementales; autant qu'il n'acceptait pas les raisons douteuses (celle de la sécurité nationale en avant-plan) fournies par l'intelligentsia américaine pour bafouer des principes démocratiques centenaires.

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Il faut toutefois noter que Snowden, malgré ses bonnes intentions, a tout de même transgressé la loi, en plus de manquer à ses obligations en tant qu'employé du renseignement. Alors comment doit-il être perçu? Je penche personnellement du côté de ceux qui affirment qu'un tel programme - de surveillance des comportements, des discussions, des gestes, etc. - constitue une menace pour la démocratie et ses fondements. Certes, la sécurité du pays et des citoyens est un élément primordial, je ne le nierai guère, mais celle-ci ne doit pas être assurée au détriment des libertés et de la vie privée de millions d'Américains et, encore moins, par l'entremise de pratiques à leur insu.

Il est pratiquement inévitable que les autorités américaines ne laisseront pas passer les agissements de Snowden. Effectivement, je suis plus que jamais persuadé qu'ils feront tout en leur pouvoir, qu'ils mettront tout en œuvre afin de le retrouver et assurer son extradition vers les États-Unis, où il sera ensuite jugé et emprisonné. Le contraire serait très surprenant étant donné que les dirigeants américains ne souhaitent aucunement créer un précédent, cherchant plutôt, par diverses techniques de dissuasion, à fermer la porte à d'éventuelles indiscrétions. Sous ce rapport, il est prédicatif de dire que Snowden est condamné à vivre en exil et fort possiblement dans la clandestinité.

Somme toute, avouons-le, pour avoir voulu renseigner les citoyens de son pays sur les pratiques discutables (pour ne pas dire outrageuses) du gouvernement en matière d'éthique et de vie privée, Edward Snowden a tout perdu. À l'instar de Winston Smith, le personnage principal du roman d'Orwell, Snowden n'a pas voulu pratiquer l'amnésie sélective et, parallèlement, participer au mensonge perpétré par l'élite politique. Espérons simplement que son histoire ne sera pas aussi dramatique que celle de Winston.

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