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Réflexions sur le terrorisme et le matraquage médiatique

Grâce à ces derniers, nul besoin d'avoir été approché par l'État islamique pour savoir ce qu'il faut pour obtenir la gloire instantanée: n'importe quel loup solitaire connaît désormais le mode d'emploi pour passer à l'histoire, paralysant notre «village planétaire» le temps de quelques jours.
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Et si les médias faisaient partie du problème?

Grâce à ces derniers, nul besoin d'avoir été approché par l'État islamique pour savoir ce qu'il faut pour obtenir la gloire instantanée: n'importe quel loup solitaire connaît désormais le mode d'emploi pour passer à l'histoire, paralysant notre «village planétaire» le temps de quelques jours.

Comment prévenir le prochain attentat, dans ces circonstances? Ne devrait-on pas taire le nom des déséquilibrés qui commettent ces crimes plutôt que d'en faire des martyrs récupérables par Daesh, à la carte?

C'est dans l'air du temps, notre Zeitgeist contemporain porte en lui cette grande dichotomie polarisante entre le «bon Occidental» -- amant d'une laïcité biaisée en faveur du christianisme --, d'une part, et le méchant musulman, caricaturé en sorte de bombe à retardement, supposément méfiant de notre mode de vie occidental.

Nos produits culturels véhiculent d'emblée ces idées, implicitement. Dans le documentaire «Hollywood et les arabes», on apprend par exemple que depuis plus d'un siècle, «les Arabes forment le groupe ethnique le plus dénigré de toute l'histoire d'Hollywood. Ils sont généralement dépeints comme des sous-humains».

Et comme par hasard, on en est venu à les associer de plus en plus au terrorisme: «ces images ont subi une transformation draconienne ces dernières années pour faire de la femme et de l'homme arabes des terroristes» («L'islamophobie à Hollywood», Journal Métro).

D'Al-Qaïda à l'État islamique, en passant par les talibans, les médias identifient toujours une cible unique à anéantir, faisant fi de la complexité des enjeux régionaux. Pourquoi ne parle-t-on pas plus, par exemple, de la création d'un éventuel État palestinien, ce qui aurait pour effet d'atténuer bien des tensions?

Par la voie militaire, nos gouvernements pourraient certes vaincre Daesh, qui ne compte que quelques milliers de combattants, sans régler le problème de fond. On préfère fuir vers l'avant en nourrissant notre complexe militaro-industriel.

«Autrement dit, on combat l'ennemi du jour en se ménageant l'ennemi de demain, dans un cycle d'affrontement sans fin.»

Comme l'explique le journaliste et l'ex-militaire canadien Martin Forgues:

«Combien de fois devra-t-on répéter que pendant que politiciens et commentateurs politiques poursuivent les appels à une nouvelle croisade, des groupes armés plus ou moins reliés à al-Qaïda sont devenus, en raison de leur opposition au régime de Bachar al-Assad, des «alliés objectifs» de l'Occident?» («Les racines du mal», Ricochet).

Autrement dit, on combat l'ennemi du jour en se ménageant l'ennemi de demain, dans un cycle d'affrontement sans fin. Quelle grande puissance aura le courage de dénouer l'impasse par un authentique plan de paix régional, incluant la remise en question du soutien actif aux dictatures et pétro-monarchies locales?

Contrairement aux idées reçues, le Canada n'a pas opéré ce changement de paradigme à l'arrivée au pouvoir du Parti libéral, malgré les promesses de missions diplomatiques au Moyen-Orient. À la vérité, le plan Trudeau s'inscrit bien davantage dans le droit fil du modèle conservateur précédent, en soutenant directement les frappes de la coalition internationale.

«Rien que dans la ville de Manbij, en Syrie, il y aurait eu 104 civils abattus du haut des airs, depuis le 31 mai dernier.»

Si, d'une part, l'on a annoncé le repli des six CF-18 canadiens qui participaient aux bombardements, l'on compense largement ce retrait par l'augmentation de la capacité militaire canadienne de 650 à 830 soldats. En triplant le nombre de soldats des forces spéciales, Ottawa espère assister plus efficacement l'effort de guerre par la formation des peshmergas, la collecte de renseignement, le ravitaillement, le ciblage de bâtiments et positions de combat de l'EI...

Qu'en est-il de la couverture médiatique de cette guerre pour la «paix»?

Rien que dans la ville de Manbij, en Syrie, il y aurait eu 104 civils abattus du haut des airs, depuis le 31 mai dernier. Près de la moitié de ces victimes collatérales étaient des femmes et enfants

Puis dans la nuit du 18 au 19 juillet, la coalition internationale commit une autre «bavure», tuant au moins 85 civils - possiblement plus de 200 selon d'autres sources («Syrie, la coalition anti-EI tue plusieurs dizaines de civils», Le Monde).

La planète média ne s'arrête pas. Reléguant sélectivement ces informations au second plan. Ne devrait-on pas prendre la peine de compter tous les morts?

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