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La mort de Bande à Part et autres embobinades

J'ai toujours cru que l'état de la vie culturelle était l'un des premiers indicateurs de la richesse d'une société. D'avoir quitté les Francos pour enterrer BàP, de voir les instances gouvernementales tourner le dos à un service aussi essentiel, non seulement ça me brise le cœur, mais surtout, ça défie toute logique!
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Aujourd'hui, je suis en deuil. Pas nécessairement juste d'un service radiophonique, mais aussi et surtout d'un idéal systémique. La mort de Bande à Part peut être vue par certains comme une simple histoire de comptabilité. Pour ma part, je trouve l'action en elle-même désolante, mais également symptomatique d'un désaveu de la part de l'état canadien et de son organisme médiatique pour un pan complet de la culture québécoise. J'y vois également un manque de respect pour les artisans d'une scène qui fait les choux gras de nos représentants touristiques et économiques sur la scène internationale.

Tous ceux qui travaillent sans relâche à la promotion de projets artistiques visionnaires vous le diront : c'est difficile de faire parler de soi dans la sphère médiatique québécoise. Les cahiers culturels se font manger petit à petit par la presse « people » et autres albums photo de tapis rouge qui font la promotion des mêmes artistes chouchous des Québécois depuis ma naissance. Quelques journalistes des « grands médias » s'affairent toujours à promouvoir une culture alternative (bravo et merci), mais ils sont souvent freinés par le manque d'espace et les affectations multiples.

Les blogues, les hebdos culturels et les médias web abattent également un immense travail, mais ils manquent cruellement de ressources. La plupart de leurs artisans œuvrent bénévolement ou en échange de salaires faméliques. Cela pourrait bientôt changer, notamment grâce à l'intérêt porté par les entreprises et les boîtes de pub qui ont finalement compris que l'industrie « alternative » et « créative » était tout à fait rentable. Toutefois, leur apport n'est pas encore suffisant pour l'instant, et ils ont la fâcheuse tendance de vouloir investir dans le contenu « viral » et « réactif » plutôt que dans le contenu de qualité.

Face à ce constat, le mandat revient clairement à notre média public de fournir des plateformes afin d'aider au développement de produits culturels considérés « à risque ». J'entends par là des productions proposant autre chose que de la pop pré-fabriquée interprétée par des beautés charismatiques et qui pourraient pour certains bailleurs de fonds ou diffuseurs représenter de plus grands risques financiers. Bande à Part était une excellente plate-forme publique de développement pour les artistes innovateurs et atypiques, mais elle était déjà amplement insuffisante pour répondre aux besoins de la bouillonnante créativité des québécois. Sa mort n'en est que plus absurde.

De plus, quand on parle de produits culturels « à risque » ou « de niche », c'est dans le langage frileux des médias de masse - parce que les artistes dont ils font la promotion n'obtiennent pas nécessairement un succès égal à leur poids média en vente de billets. Des salles de concerts de « grandes vedettes » remplies de tenants de billets de faveur et de gagnants de concours, on en voit constamment dans le milieu du spectacle, alors que les « méchants punks » dont on ne veut pas voir la face à la télé remplissent continuellement des salles avec un public fidèle et participatif. Malheureusement, la popularité est aujourd'hui calculée en nombre de pages de pubs et d'entrevues de talk-show, car le grand public sort peu, et ne reçoit pas à la maison un portrait juste de la vie culturelle diversifiée de la métropole.

En tant qu'animateur culturel, mon but était justement de contribuer à une scène musicale qui m'inspirait et que je chérissais du fond de mon sous-sol magogois au début des années 2000. Dans ma tête de petit motivé, je me disais : « À quoi bon faire de l'art ? Il y a tant d'artistes incroyables déjà, suffit de répandre la bonne nouvelle. Je vais tenter de faire comprendre aux gens qu'il y a une richesse créative incroyable à Montréal, et qu'il faudrait qu'on s'y intéresse et qu'on y participe. » Je pense encore que c'est ce qui va nous sauver, que c'est inévitable, mais les tenanciers du capital, du pouvoir et de l'influence médiatique refusent obstinément d'entendre raison et d'embarquer dans la danse. Le Québec est en route vers le changement (tout comme son voisin américain) et c'est assez particulier de voir certaines institutions nier le processus et s'en désengager.

Vendredi dernier, je suis allé aux Francofolies avant d'aller au National pour la diffusion du dernier show de Bande à Part. Radio Radio jouait devant une foule gigantesque sur la Place des Festivals. C'est un groupe que j'ai découvert entre autres par Bande à Part, et que j'ai vu jouer il y a quelques années devant 10 personnes au Divan Orange, quand je travaillais à Pop Montréal. Le fameux grand public que l'on dit si friand de Top 40, et ben il était en feu vendredi, et c'était de l'électro-rap acadien qu'il avait dans les oreilles !

J'ai toujours cru que l'état de la vie culturelle était l'un des premiers indicateurs de la richesse d'une société. D'avoir quitté les Francos pour enterrer BàP, de voir les instances gouvernementales tourner le dos à un service aussi essentiel, non seulement ça me brise le cœur, mais surtout, ça défie toute logique!

La dernière de Bande à part

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