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Le projet anti-baseball de Projet Montréal

Pour la « politique autrement », Projet Montréal prouve donc encore une fois tout le contraire, et ce, très tôt en début de match.
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Denis Coderre
Icon Sportswire via Getty Images
Denis Coderre

La nouvelle administration responsable de la ville de Montréal n'a pas perdu de temps pour faire sa marque. Après une hausse de taxes inattendue, autant par les résidents que les commerçants, pour laquelle la population n'avait pas voté; voilà que Projet Montréal prend une deuxième décision controversée soit la fin du programme de réfection des terrains de balle de la métropole.

Encore une fois, ce n'est pas tant la prise de décision, mais plutôt les explications qui viennent avec qui forcent à se demander comment Projet Montréal fait de la « politique autrement ».

Tout d'abord, rappelons les faits: les mesures de réfection, une somme de 18M$ mise de l'avant par l'administration Coderre, visaient à réaménager les terrains de balle de Montréal. L'administration Plante sabre le projet et déploie un transfert aux arrondissements qui jugeront eux-mêmes, individuellement, comment dépenser la proportion de cette somme pour diverses infrastructures sportives (et non seulement de balle).

Après de multiples échanges avec des élus, membres et supporteurs de Projet Montréal, les explications tiennent à trois arguments (j'utilise mon échange avec Alain Vaillancourt, Conseiller d'arrondissement Émard-St-Paul-St-Henry Ouest, à titre de point de comparaison):

1- Cette décision n'est pas vouée à pénaliser les sports de balle, mais bien une manière pour les maires d'arrondissement de mieux dépenser pour des infrastructures sportives plus adaptées aux besoins réels des citoyens.

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D'emblée, il semble difficile de croire que la balle n'est pas pénalisée; sinon pourquoi abolir des mesures qui répondaient déjà à cette situation? Pour dédoubler inutilement la structure administrative?

Au contraire, cela s'inscrit dans la vision d'une ville aux programmes décentralisés, une vision de la ville chère à Projet Montréal depuis la création de sa formation politique. Pourquoi ne pas l'affirmer clairement plutôt que de faire croire que cela n'aura pas d'impact négatif sur les infrastructures de balle? Par exemple: « Cette décision s'inscrit dans notre désir de décentraliser les services aux arrondissements, le baseball écope, mais nous croyons que les autres disciplines en bénéficieront comme le souhaite nos citoyens consultés sur le sujet. » Encore là, n'aurait-il pas fallu que la réfection des infrastructures de balle soit un enjeu de campagne?

2- Ces nouvelles mesures d'arrondissement permettront d'aider plusieurs sports et non uniquement les sports de balle.

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Encore là, difficile de voir comment la balle n'est pas pénalisée au profit d'autres disciplines. Était-ce impossible de marcher et de mâcher de la gomme en même temps? Était-ce impossible de préserver le programme d'infrastructure de balle tout en créant un fond de dépenses en infrastructures sportives pour arrondissement?

3- Le baseball n'est pas un sport rassembleur comme le soccer, le rugby et le cricket peuvent l'être, surtout auprès des communautés culturelles de Montréal.

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Soyons clairs: il n'y a pas plus que 8000 joueurs fédérés de rugby dans tout le Québec et aux alentours de 2000 joueurs de cricket à Montréal. L'historique de joueurs de baseball fédérés et à temps partiel montréalais dépasse largement ces deux nombres autant au Québec qu'à Montréal; sans compter tous les joueurs québécois qui passent par Montréal au cours d'un été.

De plus, il y a cet adage agaçant à l'effet que d'autres sports seraient plus pertinents pour rejoindre les minorités montréalaises dans une logique d'inclusion. Si cela était vrai, il ne faudrait donc nécessairement pas agir inversement par exclusion en oubliant que les sports de balle sont pratiqués et appréciés par un bon nombre de Montréalais d'origines dominicaines, cubaines, latines et antillaises. Et sans oublier les femmes qui ont fait de la balle-molle canadienne une force internationale.

Alors pourquoi donc cette hantise du baseball? À cause du projet de retour d'une équipe professionnelle à Montréal? Pour plutôt supporter l'essor du soccer?

D'ailleurs, cet essor émane des premières années de l'Impact non pas en MLS, mais bien avant lorsque l'équipe jouait au Centre Claude Robillard avec Valerio Gazzola à sa tête. On y retrouvait également Mauro Biello et Nick De Santis qui furent par la suite encadrés de joueurs professionnels de haut calibre, grassement payés, comme Marco Di Vaio et Didier Drogba.

De la même manière où la balle montréalaise a su bénéficier de Jackie Robinson, Claude Raymond, Dennis Martinez, Denis Boucher, Rhéal Cormier, Felipe Alou, Vladimir Guerrero, par ailleurs fraîchement intronisé au Temple de la renommée du baseball majeur - seulement le troisième Dominicains à y être admis, un autre étant Pedro Martinez qui a aussi évolué à Montréal.

Donc, même s'il fallait tisser des liens entre le sport professionnel et les programmes de réfections des infrastructures de balle amateur; pourquoi donc faire fi que le même essor du soccer à Montréal dépend justement de l'essor corollaire de sa franchise professionnelle?

Si on écarte toutes ces raisons, il ne reste que l'objectif évident pour Projet Montréal soit d'une stratégie politique qui vise à redonner à son électorat, mal informé sur le sujet, que le baseball n'est que la construction du maire sortant qui fabulait au nom de ses ambitions personnelles plutôt que de légitimement venir en aide à des sportifs engagés, de tout acabit, qui souffrent d'infrastructures désuètes (qui datent d'avant la mairie Coderre, tout comme le projet de retour des Expos à Montréal).

Au final, cette décision de bâtir une rhétorique boiteuse, si ce n'est pas tout simplement fausse, à propos des véritables raisons qui motivent la fin du programme de réfection sera considérée au mieux comme étant une manière de redorer le blason de Projet Montréal envers sa base partisane, ou au pire une mesure idéologique qui ne tient pas compte de l'identité baseball de Montréal, mais qui souhaite plutôt en construire une autre à l'image de la nouvelle administration.

Or, n'était-ce justement pas ce dont on accusait Denis Coderre: d'agir unilatéralement selon ses goûts personnels? Pour la « politique autrement », Projet Montréal prouve donc encore une fois tout le contraire, et ce, très tôt en début de match.

Une balle, deux prises; les coureurs seront-ils en course?

Avril 2018

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