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La majorité silencieuse a le dos large

On entend souvent les apparatchiks du PQ dire que les Québecois ne sont pas prêts, ou qu'ils n'ont pas compris. Rassurez-vous, camarades péquistes, il n'en est rien. La très grande majorité d'entre eux, aussi silencieuse soit-elle, n'adhère tout simplement pas ou plus à vos idées.
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« Ce gouvernement a fait de belles choses, mais elles n'ont pas été assez expliquées et comprises. » - Bernard Landry

« Wake up and smell the coffee. » - Ancien proverbe arabe

On entend souvent les apparatchiks du PQ dire que les Québecois ne sont pas prêts, ou qu'ils n'ont pas compris. Rassurez-vous, camarades péquistes, il n'en est rien. Ça fait des lustres que vous nous servez les mêmes trois idées: pays, identité menacée, Canada toxique. Les Québécois n'ont pas «pas compris» et ne sont pas «pas prêts». La très grande majorité d'entre eux, aussi silencieuse soit-elle, n'adhère tout simplement pas ou plus à ces idées. N'en finit plus de les rejeter. Est passée à autre chose. Et surtout, en a marre de cette condescendance endémique à son endroit. On a compris et on est prêt, mais pas à ça.

Votre grand projet, la majorité des Québécois n'en veut pas ou n'en veut plus. Elle est ailleurs depuis des années. La parade, votre parade, est passée et s'est perdue dans la brume opaque de vos fantasmes surannés. Les Québécois sont-ils souverainistes? Oui, grosso modo à 35%. Pour ceux qui se débrouillent mal avec les chiffres, c'est dire qu'ils ne le sont pas à 65%. Sont-ils nationalistes? Oui, à 80%! Il est là notre rempart à l'assimilation. Elle est là, notre caution contre la perte de notre identité. Et non dans des discours alarmistes qui sentent le rance et la mauvaise droite (ou la mauvaise gauche, on ne sait plus trop). Des discours auxquels plus personne ne croit, du reste, sinon ceux qui les serinent avec une passion obstinément aveugle.

Le Canada n'est pas un mauvais « deal ». Au contraire, il s'est avéré un plutôt bon « deal » plus souvent qu'autrement. On est prêt à poursuivre l'aventure. On a compris que nos intérêts y étaient plutôt bien servis pour peu qu'on soit vigilant. Notre langue est et sera toujours menacée. C'est un constat mathématique. Il faudra toujours en faire la promotion et la protéger en cessant de la massacrer, notamment, et en attirant dans nos rangs des immigrants qui la parlent déjà (facile) ou qui sont prêts à l'apprendre (difficile, très).

L'identité est une bien belle affaire, mais c'est une affaire sensible, voire explosive. On s'entend à très forte majorité pour dire qu'on souhaite l'adoption d'une Charte de la laïcité. Le « laïque » n'étant pas de nature prosélytique, il est souhaitable qu'une société qui se réclame d'une certaine neutralité enchâsse ce principe dans un texte de loi. Seulement la veut-on sauce extrême-droite, cette Charte, c.-à-d. exclusive, hermétique, inflexible? Ou plutôt inclusive, raisonnable et propice à sauvegarder la paix sociale?

La laïcité ne cherche pas à s'imposer comme le font les religions et les dictatures. Elle se tient loin des dogmes et du moralisme. Elle ne tente pas de convaincre, ou alors si peu. Elle est de nature «soft». On la voit souvent assise sur un vieux divan défoncé, thé vert aux lèvres, pantoufles aux pieds, lisant tout bas Spinoza. La Charte ne devrait-elle pas s'articuler dans cet esprit-là?

Une femme compétente, intégrée à son milieu de travail dans la fonction publique et qui, en prime, parle français, ne devrait pas se faire emmerder par la police de la laïcité, qu'elle porte un voile ou pas. Foutons-lui la paix, de grâce! Tentons plutôt de jeter des ponts vers celle qui porte la burqa et récite des sourates enfermée chez elle à longueur de journée. Tentons aussi de créer des liens avec son époux, tiens, tiens... et avec leur imam (psst, Tareq, Fatima, Grand Mollah, l'État vous offre un an d'Aqua-Gym, ça vous branche?). Créer des liens, jeter des ponts. C'est long, c'est ardu et c'est moins spectaculaire que « m'as-t'arracher-ton-voile-asti-d'Arabe-sale. » Reste que le meilleur allier de l'intégrisme sous toutes ses formes, c'est le ghetto, géographique et mental. Que ceux qui en doutent jettent un œil du côté de la France et de ses cités. Créer des liens, jeter des ponts...

Quant au crucifix qui trône allègrement à l'Assemblée nationale, il faut être un peu faux-cul quand même pour vouloir l'y laisser flotter tout en se réclamant d'un État neutre et laïc. Patrimoine ou pas, cet objet nous pend au nez tel un paradoxe grotesque et gênant et doit être remisé au musée ou ailleurs, loin du Salon bleu. (On pourrait, cela dit, offrir un service de navette depuis le Parlement jusqu'au lieu de remisage dudit crucifix afin que ceux qui s'en ennuient ou qui s'ennuient de l'ère Duplessis puissent aller s'y épancher.)

La paix sociale existe au Québec et au Canada. Les Québécois dans leur très grande et silencieuse majorité en saisissent bien toute l'importance. Le monde, les États, les peuples sont volatiles et facilement portés à s'enflammer. Notre paix sociale est fragile et, comme partout ailleurs, ne tient qu'à un fil. Il faut en prendre acte et la manipuler avec soin. On ne brasse pas impunément la marmite sociale à des fins purement stratégiques. Le PQ s'y est risqué et s'en souviendra longtemps, cela est juste et bon...

La majorité silencieuse a le dos large. Elle a vu madame Marois brandir le poing et taper la casserole en revendiquant, carré rouge au cœur, un monde nouveau, un monde plus juste, où tout devrait être gratuit, comme si l'on n'en était pas à l'heure des choix douloureux. La majorité silencieuse a écouté la minorité tapageuse exiger d'un seul souffle et sans attendre soins de santé à 100% publics, routes sans nids-de-poule, écoles sans frais, garderies à petits prix, et tutti quanti. La majorité silencieuse a vu la minorité tapageuse cracher sur le pétrole albertain et rechigner à développer ses propres richesses naturelles tout en réclamant une tranche sans cesse plus épaisse de péréquation. La majorité silencieuse a mordu son frein. Elle a vu la première ministre et ses jokers rebrasser les cartes 10 fois, mal camoufler leur jeu, diviser pour (tenter de) mieux régner. Puis la majorité silencieuse a réfléchi (croyez-le ou non, la réflexion n'est pas l'apanage unique de la minorité tapageuse). Et elle a pris la bonne décision. Elle a mis le PQ dehors, ce même PQ qu'elle avait fait élire à maintes reprises, soit dit en passant. Et si les libéraux refusent de bien se tenir, elle les mettra dehors, eux aussi.

La majorité silencieuse a ses torts. Elle n'est pas parfaite, mais elle a le mérite d'en être consciente, contrairement à la minorité tapageuse qui, elle, se croit trop souvent détentrice de la Vérité. La majorité silencieuse a voté sagement au cours des décennies passées. Elle n'est ni héroïque, ni triomphaliste, ni «cool», mais elle veille au grain. Et c'est très bien ainsi.

Vive le Québec libre! Car il l'est.

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