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«Le poisson combattant» au Prospero

Un texte fort pour montrer l'étrangeté de l'amour.
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« Poisson combattant », c'est le nom d'un joli petit poisson exotique qui semble nager sur le côté et regarder impuissant les humains à l'extérieur de son aquarium. Dans cette histoire écrite par Fabrice Melquiot, le personnage central, remarquablement interprété par Robert Bouvier dans un one man show superbe, est un cinéaste dans la quarantaine, le père d'une fillette qui suce encore son pouce (et qui nourrit régulièrement son beau poisson combattant bleu dans son petit aquarium), un homme qui n'a peut-être pas vu venir la dégradation de son couple, et dont la vie s'effondre tout â coup. Sa conjointe qu'il a baptisée « à quoi bon » lui dit presque gentiment et sans sembler hésiter : « ce serait bien que tu partes demain »...

Histoire banale, sans doute, que celle d'une séparation entre un homme et une femme avec un enfant entre les deux, mais traitée de façon originale et portée par un texte brillant, à la fois poétique et ultraréaliste, au plus près des sentiments contradictoires que celui ou celle qui est remercié peut ressentir en de telles circonstances.

Dans une belle mise en scène qui mêle savamment divers objets, des vidéos, des musiques et des sons subtils, ainsi que des jeux d'ombres, Robert Bouvier rend compte à travers un texte puissant qu'il déclame avec brio, de la métamorphose non seulement psychologique, mais physique que peut produire la situation qu'il traverse. Comment parvenir à la traverser justement et ne pas demeurer assommé, comme enseveli sous une gigantesque avalanche de neige qui vous recouvre et vous laisse totalement dépouillé, seul au monde, quasiment mort sur le pavé ?

Après la dernière nuit que le conjoint passe dans sa maison, alors que la veille ils avaient, lui et sa fille, admiré une dernière fois ensemble le petit poisson bleu, voilà qu'au matin il le retrouve hors de son bocal, mort et totalement desséché, ne laissant de lui qu'une sorte de léger vêtement vide et presque transparent. Ne pas chagriner la fillette avec la mort de l'animal motive le fait qu'il ramasse sa minuscule dépouille et la conserve précieusement dans une petite boite. Une fois parti définitivement de chez lui, alors qu'il ne sait même pas où il pourrait aller dormir, l'homme n'a plus qu'un objectif dans sa vie, totalement impératif : enterrer dignement le poisson combattant. Et c'est tout ce cheminement, qu'on nomme peut-être « travail de deuil », où l'homme combattant pour sa survie et le petit poisson se confondent, où il faut une sépulture digne pour pouvoir renaître à la vie, qui est décrit dans ce texte intelligent, très sensible et à l'humour sombre de Fabrice Melquiot. Un texte fort pour montrer l'étrangeté de l'amour. Car « Il n'y a pas de mémoire amoureuse, affirme l'homme éconduit, il n'y a que le vide laissé par l'autre. L'amour n'a aucune mémoire, c'est son savoir-faire de tueur en série »...

Le poisson combattant, du 6 au 17 mars 2018, au Prospero à Montréal

Texte et mise en scène Fabrice Melquiot

Interprétation Robert Bouvier

Voix Line Richard

Scénographie, costumes Elissa Bier

Lumières Mathias Roche

Univers sonore Julien Baillod

Création vidéo Janice Siegrist

Assistance à la m.e.s. Adrien Minder

Avec Robert Bouvier

Production Compagnie du Passage

Présentation du Groupe de la Veillée

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

Le poisson combattant © Cosimo Terlizzi
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