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La Palestine: la plus belle promesse de la Société des Nations ou l'insoutenable optimisme d'oncle Saïd

En 1978, j'avais 30 ans, j'occupais un poste administratif dans les bureaux de l'OLP, l'organisation de libération de la Palestine.
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2014, c'est donc l'année de la Coupe du Monde et de l'humiliante défaite de l'équipe du Brésil à domicile, l'Allemagne comme à son habitude remportait le titre. L'année où Israël déclenchait sa énième guerre contre le peuple palestinien lançait son «offensive», comme le rapportaient les journalistes et les bulletins d'information des télévisions du monde entier, contre les «terroristes» de la bande de Gaza. Monsieur Stephen Harper, premier ministre du Canada, déclarait qu'Israël avait le droit de se défendre. Il n'était pas le seul, ses homologues américains et européens (Obama, Cameron, Hollande et Merkel...) faisaient de même. C'est aussi l'année où le chef de l'opposition officielle Thomas Mulcair exprimait sa consternation «par les récentes violences dans la région» ajoutant que «le gouvernement se doit de réaffirmer l'appui de longue date du Canada à une solution négociée en faveur de deux États, dans le respect des lois internationales...» L'autre chef de l'opposition libérale, Justin Trudeau affirmait comme son premier ministre qu'«Israël avait le droit de se défendre» en précisant que les résistants palestiniens du Hamas étaient des «terroristes».

1950, ce fut, aussi, et curieusement l'année où le Brésil perdait la Coupe du Monde à domicile comme aujourd'hui, j'avais alors 2 ans et j'habitais dans les faubourgs de Jérusalem chez mes cousins maternels. Mes parents étaient chassés de leur terre à Deir Yassin. Ni Harper, ni Thomas Mulcair, ni Justin Trudeau n'étaient nés. Louis Saint-Laurent le premier ministre de l'époque promettait aux Canadiens la paix et la prospérité après les affres de la Deuxième Guerre mondiale. Le Hamas n'était pas encore né ni le Fatah de Yasser Arafat ni L'OLP (Organisation de la Libération de la Palestine). L'ONU votait la résolution 181 en 1947 (Adoption du plan de partage : la Palestine est divisée en deux États indépendants, l'un arabe, l'autre juif, et Jérusalem est placée sous administration des Nations unies) ainsi que la résolution 194 en 1948 (les réfugiés qui le souhaitent doivent pouvoir «rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins» ; les autres doivent être indemnisés de leurs biens «à titre de compensation», et la Résolution 302 en 1949 (8 décembre 1949) qui mettait en place l'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine. Je prenais donc et officiellement le statut de réfugié.

En 1958, j'avais 10 ans, et ce fut l'année où Pelé à l'âge de 17 ans menait le Brésil à la victoire et à l'obtention de sa première Coupe du Monde. Harper n'était pas encore né, Mulcair, à 4 ans, allait à la garderie, Trudeau n'existait même pas dans la tête de ses géniteurs. Le premier ministre John Diefenbaker militait pour l'exclusion de l'Afrique du Sud du Commonwealth. Mandela s'initiait à la politique au sein de l'ANC et commençait à militer contre l'Apartheid. Le Hamas n'était pas encore né ni l'OLP ni l'Autorité palestinienne. Mes parents n'étaient plus optimistes, car, l'attaque, menée par la Grande-Bretagne, la France et Israël en 1956 contre l'Égypte de Nasser, avait pulvérisé leur espoir de retrouver leur terre à l'ouest de Jérusalem. L'Algérie était française et les petites monarchies du Golf (EAU, Qatar, Bahrein, Koweit) n'avaient pas encore été créées. Au Québec, Borduas publiait son Refus global qui traçait la voie à la «Révolution tranquille» et Raymond Lévesque chantait son hymne pacifiste «Quand les hommes vivront d'amour» durant la guerre d'Algérie.

Une dizaine d'années plus tard, à l'âge de 20 ans, j'étais déjà un vétéran de la guerre de libération de la Palestine. J'avais perdu l'œil et le bras gauches dans une opération commando sur le front du Jourdain, au sein des brigades du Front populaire. J'étais affecté à des tâches administratives au secrétariat de l'OLP à Aman en Jordanie. C'est que, entre temps, l'OLP avait vu le jour, c'était l'année où Mandela entrait dans les geôles du régime d'Apartheid pour purger une peine de prison à vie. Et, au Canada, Trudeau, le père, prenait ses fonctions de premier ministre, bientôt la «trudeaumania» allait déferler et faisait connaître le pacifisme du pays et son engagement pour la paix dans le monde, comme son prédécesseur Lester B. Pearson, il refusait de participer à la guerre du Vietnam.

En ce printemps de 1968, le monde était en ébullition, la contre-culture battait son plein aux États-Unis et «Mai 1968» marquait la chute de la société traditionnelle en France et en Europe, le capitalisme et l'impérialisme étaient dénoncés. La devise «Peace and Love» était sur toutes les lèvres. Les jeunes dansaient sur les rythmes d'Evis Presly et écoutaient Hard day's night des Beatles alors que les plus engagés reprenaient les refrains Blowin' in the wind et We shall over come des chansons de Bob Dylan et de Joan Baez. Noam Chomsky manifestait contre la guerre du Vietnam et publiait La responsabilité des intellectuels.

Le Conseil de sécurité de l'ONU votait la résolution 242 (22 novembre 1967) qui condamnait l'«acquisition de territoire par la guerre» et demande le «retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés». Il affirmait «l'inviolabilité territoriale et l'indépendance politique» de chaque État de la région puis la résolution 252 (21 mai 1968) qui déclarait «non valides» les mesures prises par Israël, y compris l'«expropriation de terres et de biens immobiliers», qui visent à «modifier le statut de Jérusale», et demandait à celui-ci de s'abstenir de prendre de telles mesures, et enfin la résolution 267 (3 juillet 1969) dans laquelle il censurait «toutes les mesures prises [par Israël] pour modifier le statut de Jérusalem». L'espoir des Palestiniens de récupérer leurs territoires était immense durant ces temps-là, mais il n'y avait aucune mesure concrète des grandes puissances pour obliger Israël de les restituer. Je gardais mon statut de réfugié. La décennie 1960 s'éteignait en emportant avec elle le secret de l'assassinat des frères John et Robert Kennedy et de Martin Luther King.

En 1978, j'avais 30 ans, j'occupais toujours un poste administratif dans les bureaux de l'OLP, mais à Beyrouth cette fois-ci. C'est que Yasser Arafat et son OLP étaient chassés de la capitale jordanienne Aman. Le petit roi, comme on l'appelait, trouvait que nous prenions beaucoup d'espace sur ses terres. Septembre noir (1970) était né, une autre date phare de la révolution palestinienne. Avec l'aide des États-Unis et d'Israël, le roi Hussein de la Jordanie avait perpétré un massacre en tuant des centaines de combattants palestiniens. J'étais, donc, au Liban quand eut lieu l'indescriptible guerre civile en 1975, tout le monde tirait sur tout le monde, mais juste avant cela, la guerre de Sadate de 1973 se terminait avec des accords de paix qui allaient restituer le Sinaï à l'Égypte. Stephen Harper n'avait pas encore terminé son secondaire, Thomas Mulcair entrait à l'université et Justin Trudeau allait à la garderie. Le Hamas n'était pas encore né ni l'ordinateur personnel ni le téléphone portable. Nixon démissionnait à la suite du scandale du Watergate et les États-Unis se retiraient du Vietnam en laissant derrière eux plus d'un million de morts, alors que John Lennon chantait Imagine. Pendant ce temps-là, en 1970, Pelé, encore lui, offrait à son pays le Brésil sa troisième Coupe du Monde et se retirait de la compétition internationale.

Et l'ONU comme à son habitude pondait résolution sur résolution, celle qui porte le numéro 446 exigeait, rien que cela, l'arrêt des «pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967», et déclarait que ces pratiques «n'ont aucune validité en droit» et demandait à Israël de respecter la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Au Québec, la voix de Céline Dion faisait sensation et René Lévesque pleurait la perte de la souveraineté et déclarait à ses compatriotes que s'il les avait bien compris, la prochaine serait la bonne, alors que mon statut de réfugié se renforçait et m'ouvrait le droit de demander un passeport aux instances de l'ONU. La belle promesse de l'ONU se faisait attendre, mais elle était toujours là, prête à éclore à n'importe quel moment.

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