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Indignation 2.0, ou l'usure prématurée de la colère

Les médias sociaux tuent les idées à trop les répéter. Demain, à l'avoir trop consommée, l'ignominie de Charest ne sera qu'une banalité. Notre colère sera déjà consumée, comme un feu trop attisé. Demain, les petits chats seront de retour sur notre Facebook, et nous boirons notre Oasis. Et Charest, de continuer de sourire.
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CP

Vendredi soir. On est tous brûlés. D'abord, parce que c'est vendredi, et que malgré ce qu'on s'était promis lundi, le boss a réussi à nous faire plier les genoux, encore. On prendra soin de nous la semaine prochaine, juré. Mais on est surtout brûlés de rage.

La blague. l'insupportable blague. Le rire gras et sordide du mépris, etc, etc, etc...

Je pourrais en écrire des lignes et des paragraphes tant l'infâme résonne encore. Mais vendredi n'est pas fini que tout a déjà été dit, écrit, hurlé, très bien, mieux que moi, par mille autres que moi.

Je suis brûlé, mais je suis surtout découragé. Pourtant, je devrais sauter, rire, ou boire de joie. Le singe a enfin glissé sur sa propre peau de banane. Le lâche a fini de se cacher derrière sa gamine étroite de ministre. La lampe est enfin sur le coupable, je devrais jubiler.

Mais les médias sociaux ...

Crachoirs, machines à gueuler. Facebook, Twitter, Youtube, j'ai le frisé méprisant sur tous mes canaux. Je consomme de l'indignation à m'en faire vomir. Comme si le haut-le-coeur du Palais des Congrès n'avait pas suffit, je re-bois le dégueulis, jusqu'à la bile.

Demain matin, en overdose de rediffusion, de répétition, de tweets et de re-tweets, de blogues et de re-blogues, j'aurai envie d'autre chose, envie de sortir de l'étouffement, de juste reprendre de l'air.

Brûlé ce vendredi soir plus qu'un autre, parce que j'ai ce goût anticipé et amère d'une usure du sens annoncée. Comme quand on était petit, qu'on répétait à s'en étourdir toujours les mêmes mots jusqu'à ce qu'ils perdent complètement leur signification initiale. Piano, panier, piano panier, piano, panier, pianer, pano, panio, paner ...

Charest, odieux, Charest, odieux, Charest, odieux, Charest, odieux, Chareux, odiest ... Jusqu'à ce que notre tête tourne, et qu'on ait immensément envie, mais surtout besoin, d'autre chose. Jusqu'à ce que l'étourdissement prenne le dessus sur la colère, et qu'on veuille juste en sortir. Et oublier.

Les médias sociaux tuent les idées à trop les répéter. Demain, à l'avoir trop consommée, l'ignominie de Charest ne sera qu'une banalité. Notre colère sera déjà consumée, comme un feu trop attisé.

Demain, les petits chats seront de retour sur notre Facebook, et nous boirons notre Oasis. Et Charest, de continuer de sourire.

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