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L'absence du père, la place du beau-père, un équilibre difficile à trouver

Mon fils a perdu son papa il y a bientôt 2 ans, nous avons divorcé quand il avait à peine 3 ans, il en a 13 aujourd'hui et son beau-père est dans notre vie depuis 10 ans. Ce n'est pas la photo de famille idéale dont rêve un enfant, quel que soit son âge.
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La vie n'est pas simple tous les jours quand on est parents ni quand on est un enfant ou plus particulièrement ici un adolescent. Les relations sont assez souvent tendues entre mon petit adolescent et son beau-père, voire même inexistantes. Je n'en avais que très peu conscience jusque-là. À mes yeux, les choses étaient aussi normales qu'elles peuvent l'être dans une telle situation : mon fils a perdu son papa il y a bientôt 2 ans, nous avons divorcé quand il avait à peine 3 ans, il en a 13 aujourd'hui et son beau-père est dans notre vie depuis 10 ans. Ce n'est pas la photo de famille idéale dont rêve un enfant, quel que soit son âge.

Longtemps il m'a demandé si un jour je retournerais avec son papa, son rêve a toujours été que nous revivions tous les trois ensemble malgré sa totale absence de souvenir de cette époque et sa grande affection pour son beau-père. Je me souviens lui avoir fait la remarque "mais tu ne verrais plus ton frère ou chéri-chéri", remarque à laquelle il m'avait tout simplement répondu "mais on peut vivre tous ensemble". Et oui bien sûr, c'est si logique de vouloir réunir toutes les personnes qu'on aime sous le même toit quand on est un enfant.

Toujours est-il que Petit Ado ne connaît que cette vie de famille là, avec son beau-père et moi et cela fait donc maintenant 10 ans que ça se passe comme ça. Chéri-chéri a doucement pris sa place, surtout après l'arrivée de Petit Loulou, il était bien plus facile pour lui de se positionner en tant que parent en ayant lui-même un enfant. À la mort du papa de Petit Ado, il a été un vrai pilier pour nous tous, il a pris ses responsabilités de beau-père à bras le corps, sans jamais prendre la place du papa ni même essayer de le faire une seule seconde. Jamais. Il a toujours eu ce discours très clair face à Petit Ado, d'ailleurs.

Chéri-chéri regrette que Petit Ado ne l'intègre pas davantage dans sa vie, il souffre de cette mise à l'écart qu'il ressent de façon très claire "tu ne fais pas partie de ma famille". Il lui donne beaucoup, du soutien, de l'écoute, s'investit dans sa vie et prend part à toutes les décisions importantes (comme un père, tout naturellement), ne fait pas de différence avec son fils et sent que cela ne va pas dans les deux sens. C'est douloureux pour lui de ne pas avoir de retour en amour, ni même un peu de considération.

J'ai jugé qu'il était important d'avoir une conversation avec Petit Ado, en tête à tête, comme on le fait souvent, en lui expliquant, sans le juger, que parfois son comportement, son manque d'intérêt, pouvait blesser son beau-père, qu'il n'en avait sûrement pas conscience, mais qu'il n'était pas le seul à être sensible et qu'il pouvait peut-être y réfléchir, qu'on ne pouvait pas juste prendre et demander aux autres, mais qu'il fallait aussi donner un peu et là j'ai eu droit à des larmes et des pleurs, que je n'avais pas vu chez lui depuis des mois. Et puis, des phrases tellement profondes qu'elles m'ont touchées en plein coeur, j'ai eu si mal pour lui.

"Je n'arrive pas à l'aimer, c'est trop compliqué d'aimer quelqu'un qui doit être mon père mais qui ne l'est pas."

J'ai ressenti son malaise vis-à-vis de son beau-père qu'il aime, je n'ai aucun doute là-dessus, il me l'a déjà dit, avant, quand son papa était encore là, depuis un peu moins, c'est vrai, il lui a témoigné de l'amour à bien des reprises, notamment à chaque fête des pères où il tenait à faire un double cadeau, il remplaçait "papa" par "beau-papa" dans les petits mots faits à l'école, ça le faisait rire, chéri-chéri était ému. Il n'y a que cette année qu'il n'a pas eu envie et chéri-chéri lui avait dit qu'il ne fallait surtout pas se forcer. J'ai tenté de lui réexpliquer que son beau-père ne remplacerait jamais son papa, que ce n'était d'ailleurs pas sa volonté, loin de là, qu'un père on en a qu'un, qu'il avait le droit d'aimer qui il voulait et il a, à ce moment-là, crié sa douleur et mis le doigt sur le problème en me disant :

"Je ne peux pas l'aimer, c'est comme trahir papa."

Nous le savions, le psychologue qui le suit nous l'avait dit il y a déjà des mois de ça, que la fidélité envers son papa l'empêchait d'aimer son beau-père, de continuer à tisser des liens forts et sains, qu'il devait avoir le sentiment de le trahir, tout cela inconsciemment, bien entendu, mais que c'était la raison des tensions qui existent entre eux. C'est ce qui explique également que chéri-chéri a souvent l'impression qu'il cherche à se mesurer à lui, qu'il cherche parfois même à "prendre sa place". Ca y est, il a réussi à verbaliser son problème, à me dire ce qui l'empêche de se laisser aller et d'être pleinement heureux avec son beau-père.

Ce n'est une situation agréable pour personne. Ni pour eux ni pour moi, qui souffre de les voir si éloignés l'un de l'autre et de les savoir malheureux chacun de leur côté. Je sais qu'il faut laisser le temps faire les choses, mon fils a 13 ans et il y a forcément des choses qui raisonnent en lui aujourd'hui qui n'étaient pas aussi claires à 11 ans quand il a perdu son papa. Il apprend à vivre avec cette perte, cette douleur et il intègre de nouveaux sentiments, de nouvelles émotions à chaque étape de sa vie.

La route est longue, mais quoi qu'il arrive, nous sommes auprès de lui. J'ai bon espoir que tout avance dans la bonne direction, et pour cela je crois qu'ils doivent réussir à parler ouvertement de ce qu'ils ressentent, de ce qu'ils ont sur le coeur, de ce qu'ils sont capables de me dire à moi sans arriver à en parler ensemble. Il y a bien un jour où il osera aimer son beau-père de toutes ses forces et ce jour-là nous serons les parents les plus heureux du monde.

Ce billet est également publié sur le blog Maman@Home.

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