Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«Nunavik», les pérégrinations septentrionales de Michel Hellman

Michel Hellman part à la découverte du passage du nord-ouest avec, à la fois carnet de route et récit anthropologique, et Catherine Ocelot a publié la surprenante bande dessinée.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Comme on développe des atomes crochus avec des auteurs au fil des ans, on en développe aussi avec des maisons d'édition. Pour moi c'est Pow Pow et Mécanique générale qui parution après parution réussissent toujours à me surprendre grâce à un choix judicieux à la fois grand public, original, créatif et intelligent. Et encore une fois elles frappent dans le mille avec deux nouvelles parutions.

Michel Hellman à la découverte du passage du nord-ouest

Explorateur urbain, anthropologue du Mile-End, Michel Hellman quitte sa douillette réalité «plateauesque» pour se ressourcer au Nunavik, ce territoire situé au nord du 55e parallèle qu'on nommait jadis le Nouveau-Québec. Aux prises avec le syndrome de la page blanche, après le succès de Mile-End, le bédéiste décide de partir à l'aventure, histoire de nourrir son inspiration d'une nouvelle réalité. Et l'inspiration Hellman espère la trouver à Kuujjuaq, Kangiqsujuaq, Kangirsuk et Puvirnituq, sympathiques bourgades aux noms pittoresques dans un pays sculpté par le froid, le vent, les glaciers, la toundra et la forêt boréale. Un territoire loin de nous, le tiers-monde dans l'opulente Amérique du Nord comme le souligne si justement un personnage que croisera le bédéiste dans ses pérégrinations nordiques.

À la fois carnet de route et récit anthropologique Nunavik est aussi le récit initiatique de sa découverte d'une réalité insoupçonnée ou occultée, à des années-lumière de la réconfortante quiétude de l'ancien village de Saint-Louis-du-Mile-End, loin, très loin du Boulevard Saint-Laurent, de St-Viateur, de Wilensky et de la faune branchée et «hipster» qui envahit ses rues depuis une dizaine d'années.

Avec son regard perçant et son sens de l'observation, Hellman propose des instantanés évocateurs de cette vie dans un nord isolé au cœur de l'immensité de l'impitoyable désert blanc. De courts instants de vie perçus à travers le prisme de son regard extérieur, celui du touriste qui peut, s'il le désire, repartir quand il veut vers le sud, même si le sud du nord, comme le chantait si bien Michel Rivard «ce n'est pas la Jamaïque, c'est Québec ou Matane ou le Nouveau-Brunswick

Avec une franchise étonnante, sans pudeur et artifice, Hellman explore les émotions qui l'habitent tout au long de son séjour, de l'enthousiasme - lors de sa découverte de sites archéologiques- au désenchantement d'un voyage qui refuse de se terminer - il est bloqué à l'aéroport en quête d'un vol qui ne part pas, gracieuseté des conditions climatiques extrêmes - en passant par l'étonnement de celui qui s'initie à une société aux codes sociaux différents et la joie de découvrir une population sympathique et accueillante.

Alors que plusieurs dessinateurs auraient été tentés de se servir du Grand Nord et de ses paysages à couper le souffle pour faire l'étalage de leurs qualités graphiques, Hellman opte, lui, pour un dessin simple, minimaliste, qui met l'accent avant tout sur les rencontres, les dialogues et la richesse de son récit. Ironiquement cette absence de grandiloquence graphique permet au bédéiste de créer un climat intimiste, une sensation de rapprochement, un lien d'identification avec le lecteur qui partage avec lui les mêmes vols, les mêmes hôtels, les mêmes cabanes, le même étonnement, la même angoisse face à la potentielle présence d'ours, le même agacement face à ces hordes de moustiques, véritables fléaux de Dieu et la même curiosité face aux Dorsétiens ce peuple qui a précédé les Inuits sur ce territoire ingrat.

À votre tour, laissez-vous aussi guider par le trait assuré de Hellman dans les sentiers septentrionaux et cabossés de Nunavik. Une belle découverte.

Catherine Ocelot: la vie est un talk-show

Intimiste c'est aussi la caractéristique qu'on pourrait donner à Talk-show, la surprenante bande dessinée de Catherine Ocelot qui n'avait rien publié depuis Nénette cherche un sens il y a près de 10 ans.

Bruno est un ours blanc, animateur de talk-show télévisuel. Bruno est aussi en constante remise en question, déchiré entre son désir de plaire à ceux qui lui donnent des conseils, les attentes de son producteur qui rêve de défoncer les cotes d'écoute et son envie d'affirmer sa propre personnalité grâce à de profondes entrevues de fond. Mais voilà le hic c'est que nous avons tous notre vision de Bruno et personne ne se soucie de savoir ce que désire vraiment l'ursus maritimus du petit écran.

Fable sur l'incommunicabilité, Talk-show est aussi un plaidoyer décapant contre le vide de nos conversations, de nos relations et de nos personnalités, comme si elles n'étaient que des artifices pour travestir notre authenticité sacrifiée à l'autel des mirages de la mode du moment.

Véritable délice visuel Talk-show séduit avant tout par la qualité de ses dialogues, véritables petits bijoux, criants de vérité, de suffisance et de vacuité, si familiers qu'on se surprend plusieurs fois à se dire qu'ils pourraient être de nous. Si Hellman est un fin observateur de sa société, un anthropologue du 9e art, que dire de Catherine Ocelot qui, avec justesse et humour traduit cette insoutenable légèreté de l'être qui se retrouve peut-être au cœur de ce nouveau Mile-End si branché.

En espérant que l'on n'attendra pas une autre décennie pour renouer avec cette talentueuse créatrice.

Vous êtes amateurs de polars ou de Daniel Marois? Pourquoi pas, c'est possible! Si c'est le cas vous devez réserver vos journées du 19 au 22 mai pour assister aux Printemps meurtriers de Knowlton. Outre Patrick Sénécal, Jean-Jacques Pelletier, Martin Michaud et l'excellent André Jacques - comment vous ne le connaissez pas encore? - Jacques Expert et la grande Patricia McDonald viendront vous montrez comment réussir le crime parfait... du moins sur papier. C'est un rendez-vous.

Michel Hellman, Nunavik, Pow Pow.

Catherine Ocelot, Talk-show, Mécanique générale

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Les usagers du métro de Montréal en dessins

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.