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Laïcité: la nécessité de bien clarifier

Le débat sur la laïcité est relancé par l'du gouvernement de la tenue d' une consultation sur le sujet. Cette annonce n'est pas si tôt faite que déjà, les confusions sont nombreuses.
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Le débat sur la laïcité est relancé par l'annonce du gouvernement de la tenue d' une consultation sur le sujet.

Cette annonce n'est pas si tôt faite que déjà, les confusions sont nombreuses.

Laïcité n'est pas antireligion

L'éditorialiste de La Presse Mario Roy, dans un texte intitulé Une croix là-dessus affirme :

« le message des grands penseurs athées contemporains (le regretté Christopher Hitchens, Richard Dawkins ainsi que Sam Harris, déjà nommé), qui devrait servir de fondement philosophique à la lutte pour la laïcité dans l'espace public, est complètement inaudible. »

C'est faux que l'athéisme devrait être le fondement de la lutte pour la laïcité dans l'espace public. L'affirmer montre que l'on connaît bien mal le principe de laïcité.

Laïcité veut dire que l'État et la religion doivent être séparés. Pas que l'État fasse la promotion de l'athéisme, ou fasse de celui-ci le fondement de quelque politique publique que ce soit.

La laïcité de l'État ne veut pas dire absence de religion dans la société. Ça veut dire neutralité de l'État.

En d'autres mots, la laïcité est un devoir de l'État; elle n'est pas une contrainte imposée aux citoyens de l'État par celui-ci.

Laïcité n'est pas le synonyme d'athéisme.Et elle n'est pas non plus la chasse au phénomène religieux comme certaines voix le laissent entendre, allant jusqu'à demander l'interdiction complète du port de signes ostentatoires religieux en public.

On va interdire à un prêtre de porter un collet romain quand il regarde un match du Canadien au Centre Bell? À un sikh de porter le turban en faisant son épicerie? À un juif de porter une kippa en marchant dans la rue vers la synagogue?

En sommes-nous rendus là dans nos velléités liberticides?

Non à la tabula rasa

Le Québec est une société à majorité catholique, de tradition catholique. Appelons cela notre « matrice civilisationnelle ». On ne peut, ni ne peut, en faire abstraction. Dans l'application de toute politique, vouloir faire fi de la réalité historique mène nécessairement à un échec, voire pire.

Le Québec fait partie de l'Occident, avec les valeurs que celui-ci incarne.

Plusieurs Québécois se font les défenseurs d'une « laïcité stricte ». Or, la laïcité stricte implique un État complètement neutre religieusement. Appliquée jusque dans ses conséquences logiques, elle entraînerait au Québec l'abolition des congés fériés pour des raisons religieuses, y compris Noël et les jours saints autour de Pâques. Parce que logiquement, pour un État laïque, les fêtes religieuses ne devraient pas être reconnues.

Bien sûr que personne ne demande cela. Tous sont d'accord sur le fait qu'il peut y avoir des exceptions au principe de laïcité, notamment pour accommoder l'histoire. Et la majorité. C'est, peut-on dire, un accommodement raisonnable au principe de laïcité.

Certains, ajoutant une certaine dose de mauvaise foi, affirment qu'aujourd'hui, Noël n'est plus une fête religieuse. C'est faux, bien entendu. La nature même de Noël est religieuse. Ce n'est pas parce que les Québécois ne sont plus aussi pratiquants qu'avant que cela change la nature même de la journée. Bref, nous acceptons, dans ce cas, en tant que société, un empiétement du religieux sur l'étatique. Parce que c'est raisonnable.

Faisons une analogie. Ce n'est pas parce que la fête du Canada, le 1er juillet, n'est pas vraiment fêtée au Québec et que c'est devenu le festival du déménagement que ça change la nature même de cette fête, qui est de marquer la naissance de la Confédération.

Ceci étant dit, une autre chose que la laïcité n'est pas est un outil de construction identitaire. Le but n'est pas d'assimiler tout le monde pour en faire des Tremblay-qui-mangent-du-pâté-chinois-et-de-la-poutine (je caricature, bien entendu). L'objectif ne peut être de faire du Québec une société homogène. Le but n'est pas l'assimilation, mais bien l'intégration.

La laïcité pour protéger la liberté de conscience et de religion

Laïcité ne veut pas dire que les gens n'ont pas de croyances ou d'habitudes, ou de coutumes religieuses. Mettre le fait que le système d'éducation devienne neutre et l'apparition de nouvelles manifestations personnelles de coutumes religieuses (telles que le port du foulard islamique ou le port du turban) sur le même pied est une erreur de logique.

La laïcité ne demande pas que les citoyens renoncent à leurs croyances. La laïcité permet plutôt de faire en sorte que les citoyens de toutes les croyances soient sur un pied d'égalité.

Quand on entend « on sort les crucifix des écoles et eux, ils entrent leurs voiles et leurs turbans », c'est comparer des pommes et des oranges. Les manifestations personnelles, individuelles, de l'appartenance religieuse ne vont pas à l'encontre de la laïcité. Pourvu que, bien entendu, les règles de base et les valeurs fondamentales de la société soient respectées.

Ma limite à moi est la nécessité de fonctionner à visage découvert dans l'espace public.

Dans une société telle que le Québec de 2013, que les femmes (ou les hommes) aient le visage couvert fait preuve d'un séparatisme social, d'une auto-exclusion contraire au désir de vivre ensemble, une nécessité dans une société de plus en plus plurielle, pour fonctionner en harmonie.

Quant au système scolaire, toutes les écoles du Québec (y compris les écoles juives ultra-orthodoxes) doivent respecter le curriculum du ministère de l'Éducation. À ce principe, aucun accommodement ne doit être accordé. Aucune dérogation ne doit être acceptée. Aucune.

Ceci étant dit, que des écoles décident d'ouvrir le samedi ou le dimanche afin d'avoir assez de temps pour pouvoir enseigner aussi d'autres sujets (y compris religieux), je n'y vois pas d'inconvénient. À la condition, non négociable, que l'obligation d'enseigner le curriculum québécois soit respectée.

Le Québec : une société intelligente

Nos valeurs que sont l'égalité femmes-hommes, la séparation religion-État et la primauté du français doivent être au cœur de notre projet de société. Et une chose est sûre: au Québec, il y a assez d'intelligence collective, d'ouverture intellectuelle et de raison pour trouver une solution raisonnable à l'intégration des Québécois de différentes traditions et pour continuer de bâtir une société ouverte, originale, francophone et plurielle en Amérique du Nord.

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