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Coca-cola au pays des buveurs de vin

En 1949, sur fond de Guerre froide et de difficultés économiques, les États-Unis lançaient un défi aux traditions françaises. La Coca-Cola Company, symbole de l'"impérialisme américain", orchestrait une entrée triomphale en France.
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SAN FRANCISCO, CA - APRIL 16: Bottles of Coca Cola are displayed at a market on April 16, 2013 in San Francisco, California. Share prices of Coca Cola Co. surged as much as 5.8% today after the company reported better than expected first quarter profits. The stock surge is the largest intraday gain for Coca Cola since February 2009. (Photo by Justin Sullivan/Getty Images)
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SAN FRANCISCO, CA - APRIL 16: Bottles of Coca Cola are displayed at a market on April 16, 2013 in San Francisco, California. Share prices of Coca Cola Co. surged as much as 5.8% today after the company reported better than expected first quarter profits. The stock surge is the largest intraday gain for Coca Cola since February 2009. (Photo by Justin Sullivan/Getty Images)

En 1949, sur fond de guerre froide et de difficultés économiques, les États-Unis lançaient un défi aux traditions françaises.

La Coca-Cola Company, symbole de l'"impérialisme américain", orchestrait une entrée triomphale en France.

Le cadre: l'Assemblée nationale, le 28 février 1950

  • Un député communiste:"Monsieur le ministre, sur les grands boulevards de Paris, on vend une boisson qui s'appelle Coca-Cola".
  • Le ministre de la Santé publique: "Je le sais".
  • Député: "Ce qui est grave, c'est que vous le sachiez et que vous ne fassiez rien".
  • Ministre:"Je n'ai actuellement aucun texte pour agir".
  • Député : "Cette question n'est pas simplement une question économique, ni même simplement une question sanitaire. C'est aussi une question politique. Il faut donc savoir si, pour une question politique, vous allez permettre qu'on empoisonne les Français et les Françaises".

Le jour même, l'Assemblée nationale vota afin de donner au gouvernement autorité pour interdire le Coca-Cola s'il s'avérait que cette boisson était nocive.

L'affaire Coca-Cola éclata comme une tempête dans ces années 1949-1950: subite, bruyante, chargée d'électricité, mais rapidement dissipée. Pourquoi cette polémique? Pour l'historien, l'affaire illustre deux phénomènes: la guerre froide s'intensifiait et la résistance à l'"américanisation" se faisait jour.

"L'essence du capitalisme"

De tous les produits, le Coca-Cola est sans doute celui qui s'identifie le plus parfaitement avec l'Amérique. Cette boisson fut inventée à Atlanta dans les années 1880; non alcoolisée et quasiment médicamenteuse, elle était surtout rafraîchissante. Dès son apparition, elle fut associée à la société de consommation, au capitalisme et à la publicité de masse: enseignes, camions de livraison spéciaux, articles publicitaires tels que calendriers et lampes portant le logo, annonces-radio et slogans comme "La pause qui rafraîchit" .

L'histoire de la compagnie illustre les vertus de la libre entreprise. Ses fondateurs devinrent riches, célèbres et puissants. Ses responsables au plus haut niveau se flattaient d'avoir pour amis des présidents des États-Unis. D'après Robert Woodruff, qui resta longtemps à sa tête, on trouvait, au fond de chaque bouteille de Coca-Cola, "l'essence du capitalisme" .

Jusqu'aux années 1920 cependant, l'entreprise limita l'essentiel de ses ventes à l'Amérique du Nord. C'est seulement à partir de cette date qu'elle commença à se développer à l'étranger. Fondée en 1930, la Coca-Cola Export Corporation prit en main la commercialisation outremer et opéra bientôt dans 28 pays.

L'Export Corporation utilisait généralement un système de franchisage qui permettait aux ressortissants étrangers de détenir et de gérer des filiales pour la mise en bouteilles. Lorsqu'ils signaient un contrat pour devenir embouteilleurs de Coca-Cola, les associés locaux fournissaient les capitaux, les matières premières et le personnel, soit presque tout à l'exception du sirop. La société mère aidait au démarrage du nouveau franchisé, supervisait la qualité du produit et la publicité, et les non-Américains géraient la franchise et percevaient le plus gros des profits. Ce système ingénieux limitait à un minimum la participation de la compagnie d'Atlanta et facilitait l'expansion rapide du produit. La Coca-Cola Company devint une des premières multinationales, au même titre que Singer Swing Machines ou la Ford Motor Company.

La marque n'avait pourtant fait en Europe qu'un démarrage modeste. De petites opérations étaient menées en Angleterre, Norvège, Belgique et France. Quant à l'Allemagne, la boisson s'y vendit bien, même sous le IIIe Reich, et presque 5 millions de caisses de breuvages sirupeux furent consommées en 1939.

La Seconde Guerre mondiale fut une belle occasion de développement. Woodruff définit en ces termes la politique de sa société: "Nous veillerons à ce que tout homme en uniforme puisse se procurer une bouteille de Coca-Cola pour 5 cents, où qu'il se trouve et quel qu'en soit le coût". Des employés de la compagnie furent désignés comme "observateurs techniques" auprès des militaires, avec mission de veiller à ce que les nouvelles usines de mise en bouteilles soient implantées près des lignes du front.

Pour certains GI's, la boisson s'identifia aux buts de guerre américains. Un soldat écrivait à sa famille: "Quant à moi, je suis dans ce foutu merdier pour aider à garder l'habitude de boire du Coke, tout comme j'y suis pour aider à préserver mille autres avantages dont notre pays gratifie ses citoyens". Résultats de la guerre: deux tiers des vétérans buvaient du Coca-Cola et 64 usines de mise en bouteilles avaient été expédiées à l'étranger, aux frais du gouvernement pour la plupart.

À la fin des années 1940 et 1950, la marque se répandit rapidement sur le continent. Les mises en bouteilles commencèrent en Hollande, Belgique et au Luxembourg en 1947; vinrent ensuite la Suisse et l'Italie; la France suivit en 1949. Les jeux Olympiques d'Helsinki en 1952 furent une belle occasion de promouvoir la boisson. Des vendeurs débrouillards s'arrangèrent pour obtenir des photographies d'athlètes russes en train de déguster le Coke capitaliste.

Le directeur de Coca-Cola Export Corporation était alors James Farley, un ancien conseiller du président Roosevelt et un homme politique de premier plan. Il utilisa ses contacts pour faire avancer ses affaires à l'étranger. En 1950, cet anticommuniste militant interpella rudement ses compatriotes: "Le temps est venu pour les Américains de relever le défi des pratiques agressives, perfides et impies du communisme totalitaire". Coca-Cola était tout près d'être mêlé à la politique de la guerre froide.

L'arrivée de Coca-Cola dans l'Europe d'après-guerre fit éclater la polémique. Dans la plupart des pays, les intérêts liés aux boissons locales tentèrent de bloquer son entrée. En Belgique et en Suisse, on lui fit un procès sous prétexte que la dose de caféine qu'il contenait était dangereuse. Au Danemark, les brasseurs s'arrangèrent pour la faire interdire temporairement.

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